Calomniateurs, diffamateurs et autres trolls qui étalent leur haine sur internet, prenez garde, vos souffre-douleur pourraient bien porter plainte! La loi s’applique en effet sur la toile comme ailleurs et votre anonymat n’est que très relatif. «Toutes les infractions classiques sont susceptibles de poursuites», résume ainsi l’avocat valaisan Sébastien Fanti, spécialiste du droit des nouvelles technologies.
Un étudiant zurichois de 22 ans l’a récemment compris. Frustré de ne pas avoir reçu de vœux d’anniversaire de la part de ses amis, il a écrit sur Facebook: «Je vais tous vous détruire (…), personne ne peut plus vous protéger, pang, pang pang!» Un de ses camarades a averti le directeur de l’école qui a contacté la police. Résultat: trois semaines de détention préventive, une condamnation à 45 jours-amende à 10 fr. pour menaces alarmant la population et près de 15 000 fr. de frais de procédure et d’expertise psychologique à rembourser! De quoi méditer le bon vieux dicton «Mieux vaut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler (ou d’écrire)».
Atteintes à l’honneur
Ce cas n’est pas isolé. Sébastien Fanti, qui se dit effaré par les propos tenus sur le web, affirme traiter trois dossiers pénaux par semaine relatifs à des atteintes à l’honneur! Cette notion juridique comprend notamment la diffamation (art. 173 CP) et la calomnie (art. 174 CP). S’en rendent coupables ceux qui, en s’adressant à un tiers, auront accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération – qu’ils les tiennent pour vrais (diffamation) ou qu’ils sachent qu’ils sont faux (calomnie).
Quelques exemples: accuser à tort quelqu’un de faire partie d’un réseau pédophile ou de vendre des produits volés sont attentatoires à l’honneur. Des termes fleuris comme «imbécile», «connard», «escroc», etc., aussi... La peine encourue est de 30 jours-amende au moins et de trois ans de privation de liberté au plus pour la calomnie et de 180 jours-amende au plus pour la diffamation.
Sauvegarder des preuves
Si l’on veut porter plainte, «il est important de sauvegarder des preuves, en réalisant une capture d’écran ou en imprimant la page», explique Carole Aubert, avocate neuchâteloise spécialisée en criminalité et en sécurité des nouvelles technologies. Vous pouvez vous rendre ensuite dans n’importe quel poste de police.
Mais attention: il faut que, en tant que victime, vous soyez identifiable ou identifié par des tiers (lire encadré). «Il suffit qu’un seul internaute sache qui vous êtes», précise toutefois Sébastien Fanti. Si tel n’est pas le cas, cela ne veut pas dire que vous soyez totalement démuni. «Les réseaux sociaux et les forums ont des conditions générales d’utilisation impliquant le respect d’un certain comportement. On peut les contacter pour signaler un abus et demander que le texte incriminé soit effacé et l’auteur banni», précise Carole Aubert.
Identification de l’auteur
Si vous ne connaissez pas le nom de l’auteur, celui-ci n’est pas pour autant aussi anonyme qu’il pourrait le penser. Lorsqu’il est domicilié en Suisse, son identification est même relativement facile. Dans le canton de Vaud, par exemple, la Division criminalité informatique de la police de sûreté va rechercher les éléments techniques nécessaires, notamment auprès du propriétaire du site. A chaque message envoyé sur le web correspond, en effet, une adresse IP. Ce numéro d’identification est attribué de façon permanente ou provisoire à tout appareil connecté à un réseau informatique. Dès que l’adresse IP est connue, il suffit à la police de demander l’identité de l’auteur au fournisseur d’accès internet.
Sébastien Sautebin
Identité réelle exigée
Face aux foires d’empoigne virtuelles, tous les sites ne restent pas les bras croisés. Depuis six mois par exemple, Tamedia (Le Matin, 24 heures, etc.) refuse les pseudonymes dans les commentaires d’articles en ligne. Lors de leur inscription, les internautes doivent donner leur identité réelle et leurs coordonnées. Leurs commentaires seront ensuite postés sous leur nom. De plus, la modération a été confiée à une société externe qui surveille les contenus. «Nous cherchons à ce que les mailles du filet soient aussi serrées que possible, mais la protection n’est pas absolue», reconnaît Tamedia. L’authenticité des identités n’est, en effet, pas vérifiée systématiquement, et le degré de surveillance peut varier selon les heures.