«Tu paies trop, calcule toi-même!» Remonté contre la réforme «Prévoyance vieillesse 2020» sur lequel le peuple doit se prononcer le 24 septembre prochain, l’Union suisse des arts et métiers (USAM) met à la disposition des internautes un calculateur censé démontrer «en trois clics, à quel point tu figures, toi aussi, parmi les perdants de cette réforme injuste». Le ton est donné...
Dans un autre registre, le site Comparis propose un même programme, mais plus ambitieux encore, puisqu’il indique non seulement les coûts que la réforme va engendrer, mais aussi sa répercussion sur le montant des rentes, et donc la perte ou le gain pour l’assuré, par an et au total.
Trop peu d’infos
Le premier ne se fonde que sur deux critères: l’âge et le salaire annuel. Le deuxième demande en plus le sexe et le régime LPP (obligatoire seulement ou ordinaire). Dans les deux cas, c’est trop peu. Avec ces seules informations, on ne peut, en effet, pas parler de calcul personnalisé, mais seulement d’une estimation grossière, fondée sur de nombreuses hypothèses. Comparis l’admet dans ses explications, l’USAM non.
C’est d’ailleurs pour cela que l’Office fédéral des assurances sociales, tout comme Bon à Savoir*, ont préféré donner des exemples concrets. Ils ne permettent certes pas de s’identifier – les variables sont trop nombreuses –, mais ils ont le mérite de correspondre très exactement aux critères retenus et documentés.
Jouer avec les critères
Or, c’est précisément en jouant avec ces critères qu’un calculateur peut fausser le résultat, par souci de simplification dans le meilleur des cas, par volonté de s’en servir pour justifier sa position dans le moins bon.
Exemples:
⇨ Les deux calculateurs se fondent sur une augmentation de la TVA de 0,6%, prévue dans la réforme. Or, parallèlement, la cotisation provisoire de 0,3% introduite en 2011 pour financer le déficit de l’AI va tomber à la fin de cette année. Donc, l’augmentation réelle ne sera que de 0,3%.
⇨ L’USAM inclut dans l’addition une augmentation des cotisations au Fonds de garantie LPP, censée financer les mesures en faveur de la génération transitoire. Or, personne ne sait encore si c’est ainsi que ces mesures vont être financées.
⇨ Pour chiffrer la perte ou le gain que la réforme engendre, Comparis arrête l’espérance de vie à 85 ans, pour les hommes comme pour les femmes. Or, celui des femmes de 65 ans est de 87,6 ans, ce qui diminue l’éventuel gain que la réforme peut amener.
⇨ Ce même comparateur impose une progression annuelle du salaire de 1% et une rémunération du capital de 2%, ce qui est évidemment hasardeux pour les quelque 40 ans à venir. Mais, surtout, on ne lit nulle part qu’il fait de même avec les rentes AVS, qui sont pourtant indexées à l’évolution salariale et au renchérissement.
À retenir
Qu’on se comprenne bien: ce n’est pas de retenir des critères forcément aléatoires qu’il faut condamner. Mais si nous avons nous-mêmes renoncé à proposer un calculateur, comme nous le faisons souvent (voir ⇨ Outils et calculateurs), c’est bien parce que nous savions qu’il est impossible de proposer un programme accessible permettant de donner des chiffres personnalisés et fiables. Faire croire le contraire, c’est tromper le consommateur.
En l’occurrence, nos simulations* ont démontré que, en se référant aux critères retenus et documentés, la réforme permet généralement de compenser la perte due à la baisse du taux de conversion (qui passerait de 6,8 à 6%). Mais, pour ce faire, l’assuré et l’employeur vont payer clairement plus à la Confédération (hausse des cotisations AVS et de la TVA) et à la caisse de pension (LPP) durant l’activité professionnelle. Et, forcément, l’effort est plus prononcé encore pour une femme, puisqu’elle perd une année de rente (tant pour l’AVS que le 2e pilier) et, a contrario, paie une année de cotisations supplémentaires.
Voici l’information essentielle à retenir sur le plan des chiffres.
Le reste n’est qu’esbroufe.
*Lire «L’impact de «Prévoyance 2020» sur les rentes» sur bonasavoir.ch
Christian Chevrolet