Quoi de plus évident que de payer ce qu’on a cassé? Mais passer à la caisse pour une faute qu’on n’a pas commise semble contraire à la logique et au bon sens. Pourtant, le régime légal prévoit des responsabilités causales pour certaines catégories de personnes qui n’ont pourtant rien à se reprocher directement.
⇨ Chefs de famille
Junior a cassé les lunettes du petit voisin à la place de jeu pendant que les mamans papotaient sur le banc? Minnie a laissé tomber la console toute neuve de sa copine venue jouer chez elle? Si ces bêtises sont monnaie courante, elles posent la question de qui devra payer la facture au final. Simple accident de parcours à inscrire au bilan des pertes et profits des lésées ou note salée pour les géniteurs? Dans ce cas, ce sont les parents des maladroits qui devront le plus souvent bourse délier.
En effet, l’article 333 du Code civil prévoit une responsabilité causale du «chef de famille». Comme ce terme désigne la personne chargée de surveiller les enfants placés sous sa garde, ce n’est pas forcément les parents: cela peut-être la maman de jour, une voisine, etc. Contrairement au principe général selon lequel c’est à la victime de prouver la faute de l’auteur, les gardiens des bambins maladroits sont, ici, responsables «par défaut». Ils ne pourront se dédouanner qu’en amenant la preuve qu’ils ont surveillé les galopins avec toute l’attention requise par les circonstances.
⇨ Détenteurs d’animaux
Comme il est mignon, ce toutou! Mais quand Médor prend son devoir de gardien trop au sérieux et s’en prend violemment au jeans de marque d’un voisin passant trop près du palier, la douloureuse peut s’avérer salée pour les amis des bêtes. Car, selon l’article 56 du Code des obligations, le détenteur de l’animal répond directement des dégâts qu’il a causés. Mais qui dit détenteur ne dit pas forcément propriétaire de l’animal. Là encore, il s’agit de la personne (gardien, vétérinaire, etc.) qui a la maîtrise effective de la bête au moment du sinistre. Pour se disculper, elle devra démontrer que le dommage s’est produit alors qu’elle avait fait preuve de toute la vigilance requise par la situation.
⇨ Détenteurs d’automobile
La voiture de papa gêne la sortie d’un véhicule de déménagement. Comme le père de famille n’est pas à la maison, fiston, le permis à peine en poche, prend l’initiative de déplacer l’auto. Mais pas encore très à l’aise avec les manœuvres, il emboutit la voiture du voisin. Dans un cas comme celui-ci, le père n’a pas causé lui-même l’événement malheureux. Il ne l’a d’ailleurs pas même autorisé. Et pourtant, selon l’article 58 de la loi sur la circulation routière, l’accidenté pourra tout de même se retourner contre lui pour les frais de réparation. Le législateur estime qu’un véhicule automobile présente en lui-même un risque important pour les tiers. Par conséquent, il prévoit un régime de responsabilité indépendante de toute faute de son détenteur.
Comme l’assurance RC est obligatoire pour les propriétaires de voitures, c’est elle qui répondra au premier chef des dégâts causés. Rien n’exclut cependant qu’elle se retourne ensuite contre celui qui a réellement provoqué le dommage, pour autant qu’il soit fautif. La victime peut aussi se retourner directement contre le coupable direct. Ce choix lui appartient.
⇨ Fonctionnaires publics
Si tout le monde a droit à l’erreur, les conséquences d’une bourde peuvent être dramatiques: erreur judiciaire, séquelles à cause d’un diagnostic erroné dans un hôpital public, contrôle de police qui tourne mal. Les procédures pour faire reconnaître son bon droit sont parfois semées d’embûches. En dehors de l’aspect pénal, tous les cantons ainsi que la Confédération ont adopté des dispositions sur la responsabilité civile des employés fédéraux, cantonaux ou communaux: selon les cas, celle-ci peut être soit à la charge du seul fonctionnaire fautif ou solidairement entre lui et l’Etat et, parfois, exclusivement du ressort de la collectivité publique.
Silvia Diaz