Le Tribunal fédéral (TF) est-il ringard? Dans un arrêté récent, la Cour suprême a rejeté le recours d’un père de famille*. Ce dernier contestait le jugement de divorce le contraignant à verser une contribution d’entretien mensuelle de quelque 1000 fr. à son ex-épouse, en sus de celles dues à leurs deux jeunes enfants.
Après cinq ans de mariage, la jeune femme l’a quitté pour aller vivre avec un autre homme dont elle a eu, peu après, un troisième enfant. Lors de la première union, elle avait cessé de travailler pour s’occuper de sa progéniture. A la suite du divorce, elle n’a pas souhaité reprendre d’activité professionnelle. L’ex-époux estimait qu’il appartenait désormais au nouveau compagnon de sa femme de subvenir entièrement à ses besoins.
La Cour suprême en a décidé autrement, confirmant le droit de la divorcée à une rente. Cette jurisprudence peut choquer, dans la mesure où toute notion de faute a disparu du droit du divorce depuis 2000. De plus, les jugements visent aujourd’hui à rendre les ex-époux indépendants financièrement l’un de l’autre: on appelle ce principe le «clean-break» (lire encadré).
En bas âge
«En y regardant de plus près, ce nouveau jugement du TF confirme pourtant la pratique actuelle, qui ne pose aucun jugement, mais permet au juge d'analyser chaque situation avec pragmatisme», explique Pascal Rytz, de Solutions Avocats à Genève. La jurisprudence suisse prévoit en effet qu’un concubinage, ou «communauté de toit, de table et de lit» procurant les mêmes avantages que le mariage, a pour effet de supprimer la rente versée à l'ex-conjoint. Après cinq ans, les tribunaux présument que c'est de toute façon le cas. La rente en faveur du conjoint qui a freiné ou interrompu sa carrière pour s’occuper du ménage, souvent l’ex-épouse, est alors supprimée.
Or, dans le cas de cet ATF, les juges ont, en effet, conclu que la relation de deux ans était trop brève pour être assimilée à un remariage et justifier la suppression de la rente, même si un enfant avait déjà été conçu. Mais – et c’est cet aspect qui est intéressant, même s’il n’a pas modifié le jugement de divorce – ils ont tout de même examiné, en détail, avant le délai de cinq ans, les charges de la jeune femme pour voir si elle pouvait s’en sortir sans le soutien de son ex-époux.
Etape importante
La Cour explique ainsi que, dans la mesure où le couple avait opté pour une répartition traditionnelle des rôles, on ne peut exiger que la mère reprenne une activité professionnelle alors que ses deux aînés ne sont âgés que de 3 et de 6 ans. Le fait que la jeune femme ait cessé de travailler est déterminant. La séparation ne change rien au fait qu’elle doive s’occuper des enfants.
La jeune femme a, en outre, pu prouver qu’elle payait un loyer à son nouveau compagnon dont elle est, financièrement, indépendante.
«Même si, dans le cas présent, les juges ont conclu à la nécessité, pour l'ex-époux, de verser une contribution d'entretien, ils ont tenu compte de la nouvelle réalité sociale», analyse Pascal Rytz. Le droit du divorce est, comme la société, en pleine évolution.
Claire Houriet Rime
*ATF 5A_662/2011
Les critères de la rente
Les jugements de divorce cherchent à ce que les ex-époux n’aient plus de comptes à se rendre, sauf – bien sûr – pour les enfants. Selon les cas, l’ex-conjoint qui a la garde de ces derniers peut toutefois prétendre à une pension. Les facteurs suivants sont déterminants.
- La durée du mariage: les chances d’obtenir une rente sont accrues à partir de 10, voire de cinq ans de mariage.
- La répartition des tâches (lire ci-contre).
- L’âge et le nombre d’enfants.
- Le niveau de vie pendant le mariage, pour éviter une baisse brutale pour l’un des conjoints.
- Une nouvelle union. Après cinq ans, elle est assimilée à un remariage et annule la rente.
- Les perspectives de retrouver un emploi.