Depuis plusieurs années, la société SuissePhone induit des personnes âgées en erreur, en jouant sur la ressemblance acoustique de son nom avec celui de Swisscom. Elle leur arrache ainsi un contrat de téléphonie, alors qu’ils sont persuadés qu’il ne s’agit que de l’amélioration des prestations de Swisscom. Depuis notre récent article (SuissePhone, le retour! – BAS 10/2015) et l’enregistrement mis à disposition sur notre site démontrant la façon de faire des courtiers, des dizaines de témoignages nous sont parvenus, racontant tous la même histoire.
Parmi eux, celui, poignant, de Yolande (nom d’emprunt), 90 ans, qui n’est pas de langue française et présente des difficultés d’audition. Une de ses amies, qui nous a transmis son dossier, a même fait parvenir un certificat médical à SuissePhone pour attester qu’elle a bel et bien cru entendre Swisscom lors de l’entretien téléphonique: «Cette affaire lui gâche ses jours et ses nuits, car elle se fait du souci. Elle se sent trahie par des méthodes qu’elle n’imaginait pas exister. Elle ne sait plus quoi faire pour bien faire.»*
Qu’importe, SuissePhone joue la carte de l’intransigeance: non, elle ne résiliera rien et le fait savoir, comme à presque tous nos autres lecteurs, par des courriers bourrés de fautes de français, sans tenir compte du contenu des demandes. Elle sait y avoir tout avantage, car, pour récupérer les clients qui en expriment le souhait, Swisscom dit s’en tenir strictement à la loi, et donc ne pouvoir le faire sans avoir une demande de commutation de l’opérateur indésiré ou, du moins, une confirmation écrite de la résiliation du contrat. Donc impossible de se départir de SuissePhone sans son bon vouloir… Mais, à l’inverse, «le législateur a stipulé que le contrat téléphonique conclu avec le client ne doit pas être joint au mandat de commutation» rappelle Swisscom. Autrement dit: il suffit que SuissePhone demande de prendre la main pour qu’on lui l’accorde… Corneille n’est pas loin!
Le piège se referme
Pour refermer le piège, il suffit à SuissePhone de jouer à la têtue et de refuser d’entrer en matière en prétextant son bon droit. Pourtant, l’enregistrement que nous avons mis en ligne en octobre dernier ainsi que de nombreux autres qui nous sont parvenus depuis, le prouvent: sa procédure TPV (contrat par téléphone) est plus que contestable et aurait peu de chance d’être confirmée par un tribunal. Mais voilà: personne encore n’est allée jusque-là et, en attendant, Suisse-Phone est libre de ses mouvements.
Tout petit pas dans la bonne direction: le Seco a obtenu, le 28 avril 2015, que les courtiers s’annoncent désormais régulièrement «SuissePhone Communication». Ce n’est pas grand-chose et, pourtant, nous avons des enregistrements qui prouvent que ce n’est pas toujours le cas. Interpellé à ce sujet, le Seco laisse entendre qu’il pourrait revenir à la charge. Espérons, mais le temps presse et, en attendant, il profite aux malins, pas aux consommateurs.
La faille
Il y a pourtant une faille, due aux faiblesses linguistiques de la société. Ses conditions générales de vente (CGV) ont été mal traduites en français*. L’article 5 stipule: «Le contrat prend effet avec l’acceptation écrite de celui-ci et sa confirmation écrite par SuissePhone.» Lecture possible: il n’est valable que s’il a été confirmé par le client, ce qui n’est jamais le cas, puis par l’opérateur. Nous avons reçu récemment des dossiers démontrant que SuissePhone avait réalisé ce problème et qu’elle a concédé la résiliation. Elle s’est, en revanche, empressée de modifier cette phrase (lire encadré) mais peu importe: tous ceux qui ont reçu cette version peuvent l’invoquer pour exiger que leur ligne soit de nouveau commutée sur Swisscom. A cette fin, nous avons mis sur notre site une nouvelle lettre type pour le demander*.
Christian Chevrolet
*Bonus web: Dossier complet – échange de courriers avec Yolande, CGV, lettre type, etc. – sur bonasavoir.ch