Les Suisses ont la bougeotte. En dix ans, la population a augmenté de 10%. Pendant ce temps, la circulation automobile a progressé de 40% et la fréquentation des transports publics de 50%. Un vrai défi pour l’avenir!
Au cœur de l’été, l’Office fédéral des transports (OFT) a publié sa stratégie pour l’avenir des transports publics (TP) d’ici à 2030. «Ce document a le mérite d’exister et de montrer une direction, salue Nuria Gorrite, cheffe du Département vaudois des infrastructures et des ressources humaines. On a toutefois l’impression que Berne ne veut pas se donner les moyens de ses ambitions: pour augmentert l’utilisation des TP, il faut un engagement plus fort des collectivités – et non l’inverse!»
En effet, pour la seconde fois en deux ans (lire encadré), le service fédéral jette un pavé dans la mare. Il espère, d’une part, augmenter la participation du secteur privé dans les lignes ferroviaires et, d’autre part, faire passer encore les usagers à la caisse. Décryptage d’extraits choisis.
Privatisation, non merci
A l’avenir, selon l’OFT, «la part des pouvoirs publics à la propriété des entreprises de TP sera sensiblement réduite». Traduction: la Confédération veut ouvrir le capital de certaines compagnies de train régionales à des entreprises privées. «Berne va continuer à financer l’infrastructure ferroviaire à raison de 5 milliards de francs par an, rassure Olivia Ebinger. Les pouvoirs publics épongent en outre les déficits des lignes régionales à raison de 1 milliard de francs par an. Il s’agit plutôt de séparer les tâches entre ceux qui paient et ceux qui exécutent, en incitant les cantons à vendre leurs participations dans les petites entreprises de transport régional.»
Une idée qui fait bondir le Syndicat du personnel des transports (SEV). «Nous estimons anormal qu’un privé réalise des bénéfices tout en recevant des subventions publiques», affirme son porte-parole Peter Moor. «Cette stratégie ne va pas du tout dans le sens des intentions du canton de Vaud», renchérit Nuria Gorrite.
Nouvelle hausse des prix
Deuxième objectif contesté: «La part des offres de prestations de TP financée par les utilisateurs augmente.» Traduction: le prix des billets et des abonnements va augmenter. Jusqu’où? D’ici à 2017, annonce Olivia Ebinger, porte-parole de l’OFT, il est prévu de dégager 100 millions de francs pour compenser la hausse du prix du sillon. Ce qui aura pour effet une hausse des tickets de 2,5%. «En février dernier, rappelle la porte-parole, la population avait donné son feu vert au projet de financement et à l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire FAIF.»
«En filigrane, je lis un retrait des pouvoirs publics, rétorque Nuria Gorrite. Il faut veiller à ne pas dépasser un certain seuil tarifaire, au-delà duquel les usagers renoncent à emprunter les TP. Or, les usagers devront déjà absorber une hausse moyenne de 2,3% en décembre 2014.»
Revoir sa copie
«L’OFT acceptera les décisions politiques du Conseil fédéral, du Parlement et du peuple, même si elles vont dans une autre direction que nos propositions», précise Olivia Ebinger. Le débat aura donc vraiment lieu lorsqu’il s’agira de passer aux actes. «La privatisation du rail est un vieux serpent de mer. Mais sur le plan politique, rassure Nuria Gorrite, ses chances sont minimes.» L’OFT risque bien, une fois de plus, de devoir revoir sa copie.
Claire Houriet Rime
Après le Conseil fédéral, le Conseil des Etats a également refusé l’initiative Pro Service Public. Explications sur www.proservicepublic.ch
Éclairage
Valse-hésitation
Le document publié par Berne n’est pas le premier pavé dans la mare lancé par l’Office fédéral des transports (OFT). En décembre 2012, il avait dressé la liste des lignes régionales qui auraient dû prouver leur rentabilité (lire «Y a-t-il un pilote dans la loco» BàS 12/2012), faute de quoi elles allaient être transférées sur la route. Le document avait provoqué une levée de boucliers, plusieurs liaisons venant précisément de faire l’objet de gros investissements.
Six mois plus tard, Berne mettait de l’eau dans son vin (lire «Petits trains, Berne fait marche arrière», BàS 7/2013) et promettait de tenir compte également de l’aménagement du territoire et de la fréquentation des trains aux heures de pointe. De La Plaine (GE) à Le Noirmont (JU) en passant par Bulle (FR) et Le Châtelard (VS), ce retour en arrière avait provoqué un grand ouf de soulagement. Avant que l’OFT ne relance le débat en publiant son rapport stratégique cet été…