«J’ai l’honneur de ne pas te demander ta main», chantait Georges Brassens. Le poète français a fait peu d’émules en Suisse, où moins d’un enfant sur cinq naît hors mariage. Les raisons de cet engouement pour le passage devant le pétabosson ne sont toutefois guère romantiques. Pour les couples helvétiques, le mariage est la seule alternative à l’union libre. Le partenariat enregistré institué depuis 2007 est, en effet, réservé aux ménages homosexuels*.
Et, sur le plan juridique, force est de constater que la pesée des intérêts ne parle pas forcément en faveur du concubinat, même si la société évolue (lire encadré).
Rente de vieillesse – Une fois à la retraite, les concubins perçoivent deux rentes AVS, soit entre 1160 fr. et 2320 fr. chacun. Les conjoints, eux, touchent une rente de couple allant de 1740 fr. à 3480 fr. pour les deux. Considérant que ces derniers sont discriminés, le PDC a lancé une initiative pour égaliser les situations. Elle devrait aboutir cet automne.
Impôts – Le principal argument en faveur de l’union libre a longtemps été fiscal. Depuis 2008, Berne a toutefois réussi à rétablir l’équilibre pour les deux tiers des ménages mariés. Mais un tiers des couples mariés à deux revenus sont toujours pénalisés, ce qui plaide encore en faveur du concubinat.
Voilà pour le côté jardin. Le côté cour des amours à la bonne franquette se découvre quand le temps se gâte.
Rente de veuf – L’AVS ne reconnaît pas le statut de concubin et n’octroie donc aucune rente de veuf aux concubins survivants. Côté 2e pilier, l’affaire n’est pas gagnée non plus, car les caisses de pension ne sont pas obligées de servir une rente. Et, si elles le prévoient, il faut au moins cinq ans de vie commune pour y avoir droit.
Succession – Lors du décès, le partenaire n’a aucun droit à la succession, à moins que le défunt ne l’ait expressément mentionné dans son testament, auquel cas il sera servi après les enfants qui touchent leur part réservataire. Autre inconvénient: le fisc se sert lourdement sur l’héritage, puisque sa part peut atteindre 55% à Genève. Berne, Fribourg, Neuchâtel et le Jura ont prévu un barème spécial pour les couples partageant leur vie depuis cinq ou dix ans.
Chômage – En cas de séparation, la mère non mariée qui s’est consacrée à l’éducation des enfants n’a pas droit à des indemnités de chômage, contrairement à ce qui se passe après un divorce. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a en effet estimé que, comme les concubins ne se doivent pas un soutien mutuel, rien ne change s’ils se séparent…
Procuration – La société ne reconnaît pas les concubins comme un couple. Si l’un d’eux est hospitalisé, il faudra donc présenter une procuration pour obtenir des informations.
Pour mettre toutes les chances de leur côté, les concubins veilleront à officialiser leur union, que ce soit en partageant un bail à loyer, en signant une procuration mutuelle devant le notaire, en déclarant leur partenaire à la caisse de pension ou en rédigeant un testament.
Claire Houriet Rime
Bonus web:partenariats enregistrés cantonaux
Lente évolution
Pendant longtemps, le droit suisse n’a accordé aucune place aux partenaires non mariés, mais les choses changent. Le Parlement a ainsi récemment prié le Conseil fédéral de rendre l’adoption accessible aux concubins après trois ans de vie commune.
Quant aux parents non mariés, ils pourront, dès le 1er janvier 2013, donner le nom du père à l’enfant, à condition de disposer tous les deux de l’autorité parentale.
Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a enfin reconnu à une femme le droit de toucher des indemnités pour tort moral après le décès de son fiancé. Celui-ci, qui a succombé à un accident de moto, était pourtant encore marié, mais il vivait depuis quatre ans avec sa nouvelle compagne.