Plus d'un notaire vous le dira: n'importe quelle famille peut se déchirer à l'heure de la succession. L'arrêt que le Tribunal fédéral vient de publier le rappelle une fois encore.
Placé sous assistance respiratoire, un patient sent qu'il n'en a plus pour longtemps. Faute de pouvoir parler mais entièrement lucide, il fait comprendre à sa compagne qu'elle doit contacter deux proches amis. L'un deux, pressentant que le malade pourrait leur exprimer ses dernières volontés, téléphone au préalable à un notaire pour lui demander de les accompagner. Comme ce dernier ne peut se libérer, il explique à son interlocuteur le principe du testament oral (lire encadré) et la possibilité, pour une personne divorcée avec enfants, de disposer d'une quotité de 25%, contre 75% allant obligatoirement à la descendance directe (parts réservataires).
Les deux proches préparent un texte allant dans ce sens et se rendent au chevet de leur ami qui, par de simples hochements de tête, approuve le projet. Après la visite, ils retranscrivent ce qu'ils ont «discuté» avec le malade et se déplacent à la Justice de Paix pour déposer le texte. Comme les portes sont closes et que c'est vendredi, ils y retourneront trois jours plus tard. Le lendemain, le malade meurt.
Après les contrôles d'usage (notamment l'attestation du médecin responsable de l'unité des soins intensifs confirmant le patient ne pouvait plus parler mais avait la pleine possession de ses capacités intellectuelles), le Juge de paix du district homologue le document. Les deux filles du défunt contestent toutefois sa validité et demandent son annulation. En tel cas, la compagne serait exclue du testament et elles toucheraient la totalité de la succession.
Recours rejeté
En dernière instance, le Tribunal fédéral (TF) a donc rejeté leur recours. Les juges ont d'abord écarté la conviction des enfants comme quoi leur père n'aurait pas confié ses dernières volontés, mais seulement adhéré à un projet rédigé par ses amis. Le malade était, en effet, incapable de dicter un texte le jour où il souhaitait tester, et encore moins de signer quoi que ce soit. Ils ont aussi admis qu'après le contact avec le notaire, les deux témoins n'avaient pas, au vu de l'urgence de la situation, à perdre encore du temps à chercher un remplaçant pour les accompagner.
Le TF n'a pas, non plus, suivi les recourantes qui estimaient qu'avec les moyen actuels de la médecine, il aurait été possible de faire survivre leur père jusqu'à la semaine suivante pour rencontrer un notaire. Il conclut donc que toutes les conditions étaient réunies pour admettre un testament oral et que son contenu pouvait être issu de la formulation orale de propositions approuvées ou non par un signe de la tête du malade.
Testament en ligne
C'est certes plus facile à lire qu'à faire (personne n'aime envisager sa mort), mais rappelons que le meilleur moyen d'éviter ce genre de problème est de rédiger un testament olographe (lire encadré) tant qu'il est encore temps. Grâce à notre outil exclusif, vous pouvez le faire facilement en suivant le guide, pas à pas. La première partie (répartition des biens) est libre d'accès. La possibilité de rédiger un document personnalisé est, en revanche, réservée aux abonnés.
Christian Chevrolet
Les différents testaments
On peut rédiger ses dernières volontés sous plusieurs formes.
- Le testament olographe est le modèle le plus courant. Il doit être entièrement écrit à la main et n’est valable que s'il est localisé, daté et signé. D'éventuels ajouts ultérieurs sont admis, pour autant qu'ils soient également datés et signés.
- Le testament public est rédigé le plus souvent par un notaire, notamment lorsque la situation familiale ou la succession est complexe. Il faut alors deux témoins, qui n’ont pas à connaître le contenu du document. Il peut aussi être complété ultérieurement, mais toujours en présence du notaire et des deux témoins.
- Le testament oral est très rare, car il est réservé aux situations où une personne est en danger de mort imminente et qu'elle n'est pas en mesure de rédiger ses dernières volontés. Il doit être déposé au plus vite auprès d'une autorité judiciaire en attestant que le testeur avait toute sa lucidité. Les deux témoins, qui doivent entendre le testeur ensemble et en même temps, devront aussi décrire les circonstances particulières dans lesquelles les déclarations ont été recueillies.