Pour vous forcer à payer, tous les moyens sont bons. Samuel Fellay, de Chamoson (VD), en sait quelque chose. Récemment, notre lecteur a passé commande sur le site coop@home. Une transaction qu’il entendait régler par facture. Au moment de finaliser son achat pourtant, il lui sera impossible de choisir ce mode de paiement. Étonné, il demande des explications à la société. Laquelle lui confirme qu’elle n’est, en effet, pas en mesure de lui offrir le mode de paiement qu’il souhaite.
La raison de ce refus? Un achat précédent, effectué cette fois sur microspot.ch mais, réglé avec deux mois de retard. Un retard a priori anodin, qui met toutefois notre lecteur dans une fâcheuse posture: Samuel Fellay s’est fait «rattraper» par Intrum Justitia, une société de recouvrement qui l’a fiché comme mauvais payeur! Une étiquette qui lui colle désormais à la peau et explique pourquoi coop@home n’a pas accepté le règlement de sa commande par bulletin de versement.
De manière générale, la pratique d’Intrum Justitia n’est pas contraire à la loi. La société est en effet habilitée à rassembler des renseignements sur les activités économiques, le crédit et la solvabilité des particuliers ou des entreprises, sans leur consentement. Ces données sont ensuite enregistrées dans des fichiers et vendues à des sociétés, qui identifient ainsi les mauvais payeurs, afin de les éviter. Attention toutefois: les données ne peuvent être traitées que dans le seul but d’évaluer le crédit d’une personne. Les sociétés n’ont, par conséquent, le droit d’y accéder que si un contrat va être conclu avec cette même personne.
Dans le cas de Samuel Fellay pourtant, la démarche d’Intrum Justitia est pour le moins sujette à caution. Selon le préposé fédéral à la protection des données, un rappel ne permet pas de tirer des conclusions sérieuses sur la solvabilité et sur le crédit d’une personne. Placer notre lecteur dans la catégorie des mauvais payeurs simplement parce qu’il s’est acquitté d’une facture avec deux mois de retard et transmettre ensuite cette information à une entreprise tierce, n’est donc pas justifié. D’autant plus que les informations négatives communiquées par Intrum Justitia se fondent uniquement sur une de ses propres factures, contestée par notre lecteur qui plus est!
La société de recouvrement persiste en effet à lui réclamer des «pseudo-» frais de retard, exorbitants et pour le moins contestables (lire encadré). Jugez-en plutôt: ils atteignent 183.35 fr. Soit 44% du montant total des achats faits par Samuel Fellay sur microspot.ch. Et, pour faire passer notre lecteur à la caisse, Intrum Justitia use de toutes les ficelles. Les courriers envoyés par l’entreprise passent ainsi allégrement de la «sommation de payer» à «afin d’éviter des conséquences onéreuses et fâcheuses» ou «nous nous verrons dans l’obligation d’entamer des démarches juridiques».
Pour des raisons de confidentialité, Intrum Justitia ne se prononce pas sur le cas de notre lecteur et nous renvoie aux conditions générales de vente de microspot.ch. Lesquelles précisent en effet que l’entreprise «peut déléguer le recouvrement de créances à une société externe». Soit. Mais, cela n’explique toujours pas pourquoi Intrum Justitia persiste à réclamer des frais de retard excessifs à ceux qu’elle rattrape!
Moralité: si vous avez un doute quant à une éventuelle inscription de votre nom dans une base de données négatives, renseignez-vous immédiatement. Une telle inscription peut en effet vous porter préjudice lors de la prise d’un leasing, d’une demande de carte de crédit, de logement, etc. Sur demande, les sociétés de recouvrement vous fourniront les informations vous concernant. Si ces dernières sont erronées, demandez sans tarder leur rectification ou leur suppression. Vous devrez toutefois prouver leur inexactitude.
*Une lettre type ainsi que les adresses des différentes sociétés de recouvrement sont disponibles.
Chantal Guyon
*Bonus web: données erronées: à rectifier!
CONSEIL PRATIQUE
Refusez les frais excessifs
Nombreuses sont les sociétés de recouvrement à tenter de faire passer leurs honoraires sous la rubrique «frais de retard» ou «dommages supplémentaires selon l’art. 106 CO». Dans la grande majorité des cas toutefois, ces frais sont abusifs. En effet, la loi prévoit que les frais d’encaissement sont à la charge du créancier et qu’ils ne peuvent pas, par conséquent, être supportés par le débiteur. Ainsi, à moins que le contrat ou les conditions générales de vente en disposent autrement, le créancier n’est en droit de réclamer qu’un intérêt de retard de 5% par an.
Il est donc conseillé de s’acquitter du montant initial de la facture, plus les 5% d’intérêts et de contester, par écrit pour des questions de preuve, les frais de retard réclamés par la maison de recouvrement.