Dans la pratique, le mobbing est difficile à établir, comme le montre le cas de Clara*.
Licenciée en octobre 2010 du foyer pour handicapés dans lequel elle travaillait, cette infirmière spécialisée de 58 ans estime qu’elle a été harcelée par le directeur, Pedro*. Elle porte donc plainte auprès de la justice civile bâloise pour licenciement abusif. Ses prétentions? Un certificat de salaire décent et 20 000 fr. à titre de dédommagement, soit l’équivalent de trois mois de salaire, alors que le maximum légal est de six.
Durant l’audience, Clara explique au juge qu’elle est tombée malade à force d’avoir été intimidée par Pedro. Celui-ci n’aurait eu de cesse de la mettre sous pression en l’accablant de directives, alors qu’elle-même a des responsabilités, comme celle de diriger des groupes de travail. Il aurait même rempli son casier à courrier de détritus!
Appelés à la barre, quatre anciens collègues confirmeront que les rapports de travail entre Clara et Pedro étaient tendus. Les deux protagonistes n’étaient d’accord ni sur les questions organisationnelles ni sur les concepts pédagogiques à mettre en place. Mais aucun n’ira jusqu’à affirmer que le directeur mettait sa subalterne sous pression. Seule l’ancienne apprentie, qui a, depuis, contrairement aux trois autres, quitté ses fonctions, assure que Clara était harcelée: «Quoi qu’elle faisait, Pedro considérait toujours qu’elle avait tout faux.» La présidente du conseil d’administration du foyer précise toutefois aux juges que ces propos doivent être considérés avec prudence, car l’ex-apprentie était très liée à la plaignante. Selon elle, les dissensions relevaient d’un conflit de compétences, rien de plus.
Dédommagement modique
La Cour a partiellement suivi cet avis. En théorie, le mobbing ne peut être retenu que lorsqu’une ou plusieurs personnes cherchent systématiquement et de manière permanente à isoler, voire à exclure, un employé, que ce soit par des attitudes ou des propos hostiles. Dans ce cas précis, les juges reconnaissent le style autoritaire du directeur, mais ils estiment que son comportement n’est pas assimilable à un acharnement constant. De plus, le foyer a respecté la loi, car il a tout fait pour tenter de désamorcer le conflit. En effet, les dissensions ont été thématisées lors de multiples discussions et des objectifs fixés en conséquence. Des procès-verbaux signés par Clara en attestent.
Aux yeux de la Cour, peu importe que ces mesures n’aient pas eu d’effets, du moment qu’elles ont été mises en place. Au final, les juges n’ont donc pas retenu le caractère abusif du licenciement. Mais ils ont tout de même condamné le foyer à rédiger un certificat de travail loyal et à verser un dédommagement de 1000 fr. à Clara.
* Affaire réelle, mais prénoms fictifs.
Thaïs In der Smitten / nz
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«Vos droits au travail» a été écrit par des avocats spécialistes du droit du travail, rompus à cet exercice, certains mettant depuis longtemps leurs compétences au service des salariés par le biais des syndicats. Par souci de clarté, ils ont traqué sans pitié le jargon juridique, mis en évidence ce qui devait l’être et donné autant d’exemples qu’il est nécessaire pour une compréhension optimale.
Vos droits au travail – Christian Bruchez, Odile Cavin, François Contini, Jean-Michel Dolivo, Catherine Jaccottet Tissot. 3e édition, septembre 2011, 176 pages.