On sait que l’engagement d’une poursuite est facile et peu coûteux en Suisse. Le créancier doit simplement s’adresser à un office qui se chargera de déliver un commandement de payer au débiteur présumé. A ce stade, nul besoin de démontrer que la prétention a un quelconque fondement. Or, il est courant que des poursuites soient engagées pour des créances contestées, inexistantes, voire dans un but carrément malveillant.
Victimes mieux protégées
Le destinataire peut faire opposition à un commandement de payer s’il n’est pas d’accord. Il arrive alors que le litige se termine là, lorsque l’affaire n’est pas portée plus loin. C’est le cas, par exemple, quand le créancier n’a pas d’arguments solides à faire valoir en justice. Mais jusqu’au 1er janvier 2019, chaque poursuite notifiée restait visible dans l’extrait du poursuivi pendant cinq ans, même si les démarches de recouvrement étaient interrompues. Cette situation pouvait être une source de préjudice: la personne poursuivie était injustement prétéritée dans ses recherches d’appartement, ses demandes de crédit ou ses recherches d’emploi.
Soucieux de ménager la chèvre et le chou, le législateur a tenté de trouver un compromis tout helvétique. L’idée? Préserver la possibilité de s’informer sur la solvabilité d’une personne et faciliter la vie des victimes d’inscriptions injustifiées. Dès lors, le nouvel article 8a al. 3 lettre d de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) offre une possibilité nouvelle aux citoyens lésés par des commandements de payer douteux. En effet, ceux-ci peuvent désormais demander à l’office que les poursuites dirigées à leur encontre soient masquées si le créancier est resté inactif.
Trois exigences importantes
Pour que la démarche aboutisse, plusieurs conditions doivent néanmoins être respectées. Primo, le poursuivi doit avoir formé une opposition valable à la poursuite dans les délais qui lui étaient impartis. Secundo, la somme contestée ne doit pas avoir été payée, même partiellement. Tertio, il faut attendre au moins trois mois – après la réception du commandement de payer – pour adresser une telle demande à l’Office des poursuites. Sur ce dernier point, les actes introduits avant le 1er janvier 2019 sont également concernés.
L’avantage de cette nouvelle démarche, c’est qu’elle est simple et peu coûteuse. Il suffit d’adresser un courrier à l’office qui a notifié l’acte (voir encadré) et de s’acquitter d’un émolument forfaitaire de 40 fr. L’autorité examine ensuite si les conditions précitées sont réunies pour masquer la poursuite. Si tel est le cas, l’office demande alors au créancier de prouver qu’il a demandé la mainlevée de l’opposition ou qu’il a introduit une action en reconnaissance de dettes. Si ces éléments ne sont pas apportés dans un délai de 20 jours, l’inscription est alors masquée.
masquée mais pas radiée
Mais attention: la poursuite n’est pas définitivement supprimée. Elle devient invisible pour les tiers et ne figure plus sur l’extrait du débiteur, mais elle n’est pas radiée pour autant. Si le créancier continue ses démarches par la suite ou apporte la preuve qu’il a agi, même après le délai imparti par l’office, la poursuite est de nouveau portée à la connaissance de tiers.
Silvia Diaz
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