Lorsqu’il est revenu au parking de l’Hôtel-de-Ville de Renens (VD) avec dix minutes de retard sur le temps payé, Fernand Iselin a trouvé un avis de dénonciation sur le pare-brise de sa voiture. Cinq semaines plus tard, il recevait une méchante prune de… 140 fr., dont 50 fr. de frais administratifs.
«J’ai eu de la peine à y croire. Lorsqu’on dépasse de peu la durée de stationnement, la contravention se monte à 40 fr. et elle est déposée directement sur la vitre avec un bulletin de versement», s’étonne notre lecteur de 83 ans. Pour lui, ce «tarif scandaleux» ne correspond pas à la gravité du délit. Et il est d’autant plus douloureux que le senior, désormais résident de Commugny (VD), aime revenir à Renens, où il a suivi ses classes et reçu la bourgeoisie en 1957. Mais cette relation de cœur a laissé de marbre la police de l’Ouest lausannois. Les pandores ont répondu au courrier indigné de notre lecteur que «l’infraction a été réalisée, même si le dépassement du temps de stationnement n’a été que de courte durée» et que l’affaire était définitivement classée, puisqu’il a payé!
Défense publique sur parking public
Pour justifier le montant de la sanction, la police a tout de même précisé que le parking, qui appartient à la Municipalité, a fait l’objet d’une mise à ban. Cette procédure permet à un propriétaire de demander une interdiction de stationner ou de circuler sur son fonds, à l’exception des ayants droit, et cela sous peine d’amende allant jusqu’à 2000 fr. (art. 258 al. 1 CPC).
Si cette démarche a tout son sens lorsqu’elle vise, par exemple, à protéger les places de parc d’un immeuble contre les automobilistes squatteurs, elle est ici plus que surprenante. En effet, avec la mise à ban, le Parking de l’Hôtel-de-Ville de Renens fait l’objet d’une «défense de stationner, ayants droit exceptés», quand bien même ce parking payant est ouvert à tous les automobilistes, jour et nuit. Sur internet, la Municipalité vante même son emplacement «à 300 mètres des commerces» et sa «durée illimitée».
On se demande dès lors à quoi rime une défense publique… sur un parking public. Pour peu, on serait presque tenté d’y voir un prétexte pour récolter des prunes juteuses! Mais une telle situation est-elle défendable?
Une pratique abusive
Nous avons soumis la question à Jacques Roulet, du «réseau des Avocats de la route». Le spécialiste genevois arrive à la «conclusion juridique claire» que la Municipalité agit abusivement. Selon lui, la question essentielle qui se pose ici est de savoir si le dépassement du temps autorisé constitue une violation de la mise à ban ou une violation de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR). De la réponse dépend la sanction. S’il s’agit de la LCR, ce ne peut être qu’une amende d’ordre de 40 fr.
Jacques Roulet rappelle que la LCR s’applique aux conducteurs qui roulent «sur toutes les routes servant à la circulation publique» (art. 1, al. 2). Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un parking doit être considéré comme une route servant à la circulation publique, puisqu’il est à la disposition d’un cercle indéterminé de personnes. Les conducteurs qui y stationnent sont donc soumis aux règles de la LCR. L’Office fédéral des routes (Ofrou) nous a confirmé cet état de fait, et précisé que les amendes d’ordre s’appliquent.
Renens botte en touche
Mais qu’en est-il de la mise à ban, qui justifie le montant demandé, selon la police et la Municipalité? Jacques Roulet constate que, dans les faits, le parking est ouvert à toute personne, livreurs exceptés, et qu’aucune barrière n’a été apposée pour en limiter l’accès. Selon l’avocat, «dès l’instant où la Municipalité ouvre son parking à un nombre indéterminé d’automobilistes et ne réserve pas l’usage à un cercle limité de personnes, elle ne peut plus se prévaloir d’une mise à ban. Elle ne peut qu’accepter que la LCR, et donc la loi sur les amendes d’ordre (LAO), s’applique au stationnement». Du coup, Fernand Iselin aurait dû payer 40 fr., et non pas 140 fr.!
Bon à Savoir a interpellé la commune de Renens. Nous attendions une réponse solidement étayée de la Municipalité pour défendre sa politique. Mais, après des semaines d’attente, cette dernière s’est contentée d’affirmer qu’elle va entreprendre «une réflexion sur la gestion de ses parkings, et plus particulièrement sur ceux se trouvant sur le domaine privé communal». Les usagers qui ont été sévèrement sanctionnés apprécieront… Jacques Roulet recommande aux conducteurs qui seraient nouvellement en infraction de contester la sanction.
Sébastien Sautebin