Mon médecin est-il compétent? Mon naturopathe a-t-il suivi une bonne formation? L’homéopathie est-elle efficace? Au moment de choisir un type de médecine et un thérapeute en particulier, le patient est seul. Notre système de santé n’apporte aucune aide au citoyen, à chacun de se débrouiller. Le choix se fait souvent selon les recommandations d’une connaissance, une méthode qui n’est pas foncièrement mauvaise mais qui n’est pas d’une grande fiabilité.
Avec les médecins, même si ce n’est pas une garantie de qualité absolue, on peut avoir la certitude qu’ils ont suivi une formation reconnue par l’Etat. Pour les thérapies alternatives, il est beaucoup plus difficile de différencier les soignants compétents des incapables, voire de ceux qui pourraient être dangereux.
Une étude réalisée dans le canton de Vaud, par l’institut universitaire de médecine sociale et préventive, nous apprend que plus de 30% des personnes interrogées disent avoir eu recourt à une médecine complémentaire au cours des 12 derniers mois, l'homéopathie, la phytothérapie et l'acupuncture étant les plus utilisées1. Dans ce canton, plus de 2500 personnes ont été accréditées par la Fondation suisse pour les médecines complémentaires (ASCA) et/ou le Registre des médecines empiriques (RME) pour une ou plusieurs des 140 thérapies recensées par ces deux organismes privés. Moins de 1% d'entre eux sont des médecins diplômés.
L’accréditation d’un thérapeute est-elle gage de qualité? Pas vraiment, puisque ces accréditations ne sont pas reconnues officiellement par l’Etat. Un individu peut donc se déclarer «acupuncteur» par exemple, qu’il ait suivi une formation de qu atre jours ou de 3 ans. Dans les cantons romands, il faut savoir qu’aucune autorisation de pratique n’est requise pour exercer les thérapies alternatives.
A quoi faire attention?
A défaut de recommandations émanant des autorités suisses, les conseils les plus pertinents proviennent de France, plus précisément de la «mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires» (lire encadré). On y relève notamment que la méfiance s’impose si votre thérapeute dénigre la médecine conventionnelle ou met en valeur des bienfaits impossibles à mesurer, comme améliorer «son karma» ou «la circulation des énergies internes».
Les spécialistes français rappellent aussi que, bien souvent, le danger ne vient pas de la méthode elle-même mais de la façon dont elle est pratiquée. Les thérapeutes n’ont pas de formation médicale et, malgré les promesses, les patients n’ont aucune garantie.
Ça ne peut pas faire de mal…
J’ai longtemps pensé que ces médecines, même si elles n’étaient pas efficaces, n’avaient au moins pas de conséquences négatives. Cette croyance est fausse. Selon les auteurs de l’étude, «la revue ciblée de la littérature sur les risques des médecines complémentaires, auxquelles la population vaudoise recourt le plus fréquemment, confirme l’existence d’effets indésirables de différentes natures (intoxications, lésions traumatiques, infections, interactions avec d’autres traitements). La majorité des articles passés en revue mentionnent que les effets indésirables sévères sont rares, mais leurs taux d’incidence demeurent très peu documentés».
Deux études réalisées en oncologie ont porté sur les liens entre, d’une part, l’utilisation des médecines alternatives et l’adhésion aux traitements conventionnels et, d’autre part, la survie globale chez les patients atteints de cancer2,3. Ces études ont révélé que les patients qui ont recours à la médecine complémentaire sont plus susceptibles de refuser la chirurgie, la radiothérapie ou la chimiothérapie, et que les patients qui ont recours à la médecine complémentaire ou alternative sont deux fois plus susceptibles de mourir que ceux qui sont traités par la médecine conventionnelle.
Ne soyez pas trop crédule, votre santé est en jeu
Nous avons tous envie de trouver une solution aux maux qui sont les nôtres, d’où le risque de croire toutes les promesses qui nous sont faites. Cela ne doit cependant pas être une raison pour confier notre santé à n’importe quel thérapeute. A défaut d’un système qui vous dise pour chaque problème quelle est la meilleure médecine et qui est le meilleur soignant, ne croyez pas aveuglément les promesses faites par certains thérapeutes plus intéressés par votre argent que par votre santé.
1. Médecines complémentaires dans le canton de Vaud: Recours et offre actuels, principaux enjeux sanitaires et possibilités de réglementation, institut universitaire de médecine sociale et préventive.
2. Complementary Medicine, Refusal of Conventional Cancer Therapy, and Survival Among Patients With Curable Cancers. JAMA Oncol.
3. Use of Alternative Medicine for Cancer and Its Impact on Survival. JNCI: Journal of the National Cancer Institute.
Dr Jean Gabriel Jeannot, médecin, spécialiste en médecine interne
Les bons réflexes
Vous devez vous méfier si la thérapie que l’on vous propose:
⇨ Dénigre la médecine conventionnelle ou les traitements proposés par l’équipe médicale qualifiée qui vous prend en charge.
⇨ Vous incite à arrêter ces traitements.
⇨ Vous promet une guérison miracle là où la médecine conventionnelle aurait échoué.
⇨ Met en valeur des bienfaits impossibles à mesurer, comme «améliorer son karma» ou «la circulation des énergies internes».
⇨ Vous demande de vous engager en réglant à l’avance un certain nombre de séances.
⇨ Vous propose des séances gratuites pour essayer telle ou telle méthode.
⇨ Vous recommande l’achat d’appareils censés capter les énergies négatives ou de produits présentés comme miraculeux, souvent à des prix exorbitants, non remboursés par votre assurance.
⇨ Vous promet une prise en charge globale qui prétend agir par une même technique sur le mental, le physique, voire sur toutes sortes de troubles.
⇨ Vous présente une nouvelle vision du monde en utilisant des termes tels que: ondes cosmiques, cycles lunaires, dimension vibratoire, purification, énergies, cosmos, conscience.
⇨ Utilise un langage pseudo-scientifique très complexe ou, au contraire, prétend avoir découvert un principe d’action extrêmement simple.
⇨ Vous incite à vous couper de votre famille, de votre médecin, de votre entourage, pour favoriser votre guérison.