Dans notre quotidien accéléré et hyper-connecté, la télémédecine apparaît comme la solution idéale: le diagnostic, l’ordonnance et le certificat de travail sont au bout du fil sans quitter son canapé. Alors que plus de la moitié des médecins généralistes prendront leur retraite dans les dix prochaines années, ces nouvelles formes de consultation sont appelées à jouer un rôle crucial dans le domaine de la santé. Elles ne remplacent toutefois pas la richesse de l’échange et du suivi avec un médecin de famille.
Mon médecin au bout du fil
Pour endiguer la pandémie, les cabinets médicaux ont limité au minimum les rendez-vous présentiels ce printemps. Médecins et patients ont dû, par la force des choses, apprivoiser les applications pour discuter par vidéo ou s’envoyer photos ou documents, avec des réactions diverses selon les praticiens (lire les témoignages).
Centrales d’appel
Plus anonymes, les plateformes de téléconsultation existent depuis une vingtaine d’années. En Suisse, deux géants basés outre-Sarine occupent le terrain: Medgate et Medi24. Ils offrent des consultations sur rendez-vous et travaillent sur mandat pour les compagnies d’assurance maladie. Medgate assume en outre le service de garde pour les urgences pédiatriques et la Clinique pour enfants Wildermeth à Bienne ainsi que la permanence pour les districts de la Sarine et du Lac dans le canton de Fribourg. De son côté, Medi24 prend les appels pour les urgences pédiatriques à Fribourg (CHFR) et en Valais.
Depuis l’automne 2019, un groupe de médecins indépendants ont par ailleurs lancé leur propre service de consultations téléphoniques (lire: «Un médecin au bout du fil»).
Le consommateur lambda prend souvent connaissance de cette forme de consultation en cherchant à diminuer ses primes d’assurance maladie. S’il s’engage à passer à ce service plutôt que de contacter directement un praticien, il peut économiser jusqu’à 20% du montant pour l’assurance de base. A l’exception, toutefois, des consultations chez le gynécologue, l’ophtalmologue ou les urgences.
Medgate et Medi24 fonctionnent 24 heures sur 24. Ils visent en premier lieu la médecine générale et la pédiatrie et répondent aussi aux assurés qui n’ont pas opté pour un modèle alternatif d’assurance. Les entretiens ont lieu en français mais la grande majorité des interlocuteurs sont de langue maternelle allemande. Chez Medi24, le personnel infirmier se charge du tri, le médecin n’intervenant qu’en cas de nécessité. Chez Medgate, par contre, tout le processus est géré par des praticiens. Le cas échéant, on conseillera de consulter plutôt un généraliste, voire un spécialiste.
Un cas sur deux résolu
Dans 50% des cas, la consultation téléphonique permet de résoudre le problème. «Tous nos médecins sont formés en télémédecine pour poser les questions adéquates», relève la porte-parole de Medgate Céline Klauser.
Les centrales d’appel ont l’avantage de faciliter l’accès aux professionnels de la santé. En Suisse, plus de la moitié des assurés ont opté pour une franchise supérieure à 300 fr. et on estime que 20% de la population hésite à se rendre dans un cabinet médical pour des raisons financières.
Les assureurs maladie sont favorables à cette solution qui permet de décharger les services d’urgence et de limiter les coûts de traitement pour les cas bagatelle. «Selon certaines estimations, entre 20% et 30% des prestations du système de santé actuel seraient superflues», relève le porte-parole de Curafutura Adrian Kay.
Dans ce contexte, peut-on faire entièrement confiance à ces plateformes, dans la mesure où elles sont mandatées par les assureurs eux-mêmes pour «trier» les petits bobos de ceux qui méritent un suivi? «Medgate est une institution neutre», relève Céline Klauser. «Notre activité est comparable à celle d’un médecin de famille ou à celle d’un cabinet de groupe.» «Les praticiens sont indépendants et ne sont pas au courant des contrats qui nous lient aux assureurs», renchérit Daniel Birrer, porte-parole de Medi24.
«Dans certains cas, notamment les cas les plus complexes, les consultations présentielles restent nécessaires», ajoute Christophe Kaempf, porte-parole de Santésuisse. «Beaucoup d’informations ne passent pas par le langage verbal et peuvent être difficiles à interpréter à distance, d’où la nécessité d’orienter le patient vers un cabinet médical.»
Claire Houriet Rime
Un médecin au bout du fil
Depuis le mois d’octobre 2019, une nouvelle structure joue des coudes pour se faire une place dans le monde digital des blouses blanches. La plateforme soignez-moi.ch travaille exclusivement avec des médecins qui exercent tous, en parallèle, une activité dans un cabinet ayant pignon sur rue en Suisse romande. Elle n’a aucun lien avec les assureurs et ne fait donc pas partie des modèles alternatifs de télémédecine liés à des réductions de primes et à des obligations.
En répondant à des questions en ligne selon des protocoles médicaux établis, le patient reçoit dans l’heure l’appel d’un médecin qui poursuit la consultation par téléphone. Ce rendez-vous est facturé 39 fr. et remboursé par les caisses maladies de base. Le nombre de consultations est limité à quatre par année par patient, et un seul certificat de travail est délivré.
Si les symptômes décrits en répondant au questionnaire ne peuvent pas être traités de cette manière, le patient est invité gratuitement à consulter son généraliste ou un spécialiste. Soignez-moi.ch est «ouvert» du lundi au vendredi de 8h à 20h, le samedi de 8h30 à 16h30, et le dimanche de 10h à 14h, les heures de pointe se situant entre 10h et midi et en début de soirée.
Plusieurs établissements hospitaliers collaborent avec cette plateforme pour leur service de garde. C’est le cas de l’Hôpital de la Tour à Meyrin, de l’hôpital de Bienne et de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne.