Tout est parti d'une étude de l'INRA (Institut national de recherche agronomique) publié en janvier dernier dans Scientific Reports. Le dioxyde de titane, répondant au code E171, est un colorant couramment utilisé sous une forme nanométrique (10'000 fois plus petite qu'un grain de sel) dans les confiseries, mais aussi incorporé dans des cosmétiques, pâtes dentifrice, crèmes solaires, médicaments, etc. Or, les chercheurs français ont démontré que sur une cohorte de rats exposée quotidiennement à des doses comparables à celles ingérées chaque jour par l'homme, 40% d'entre eux ont développé des troubles du système immunitaire et des lésions précancéreuses du colon.
Certes, l'extrapolation directe à l'homme est impossible, mais ces résultats démontrent quand même clairement l'impact biologique du nanodioxyde de titane. Contrairement à l'avis optimiste de l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) qui jugeait, en septembre 2016 encore, qu'il ne présentait pas de risque sanitaire. Mais suffisamment pour que les autorités françaises demandent immédiatement à l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation) de prendre position. Laquelle a émis, trois mois plus tard, un avis documenté demandant les études nécessaires «à la parfaite caractérisation des effets sanitaires potentiels liés à l'ingestion de l'additif alimentaire E171», et concluant que l'EFSA fera bien de prendre les résultats de ces études en considération pour réévaluer sa position.
Interdiction demandée
La machine est donc en marche, mais «selon des modalités et un calendrier à définir», autrement dit sans application concrète dans l'immédiat. L'association «Agir pour l'environnement» ne veut, elle, pas attendre et demande un moratoire immédiat, d'autant que cet additif ne sert strictement à rien, sinon à augmenter la blancheur ou la brillance des aliments dans lesquels il est inséré, ou encore de modifier les teintes d'autres colorants! Sur son site, elle propose d'ailleurs une liste de 300 aliments qui contiennent ou sont suspectés de contenir le E171. Car cet additif n'est pas soumis à l'étiquetage «nanomatériau», puisqu'il est intégré aux aliments sous une forme qui ne représente que 10% à 40% de nanoparticules, le solde se présentant à l'état de microparticules...
Certains industriels ont d'ailleurs anticipé le mouvement, en retirant ce colorant de produits qui le contenaient, comme une blanquette de veau de William Saurin, un guacamole de Carrefour ou certains bonbons de Lutti.
Modification de notre outil
Dans notre outil en ligne «Codes E», cet additif est d'ores et déjà doté d'une couleur jaune («quelques doutes») et considéré comme inutile. Il passera, dans le courant de la semaine prochaine, en mode rouge («à éviter absolument») jusqu'à ce qu'on en sache plus. Dans le même ordre d'idées, deux autres additifs sous forme de nanoparticules – l'hydroxyde de fer (E172) et le dioxyde de silicium (E551) – passeront de la couleur verte («sans danger») à jaune («quelques doutes»).
Christian Chevrolet