Des discussions en groupe difficiles à suivre, des proches contrariés car ils doivent se répéter… Avec l’âge, les capacités auditives diminuent. La presbyacousie, soit la surdité liée au vieillissement, touche environ un tiers des adultes âgés entre 61 et 70 ans. La baisse de l’audition ne survient que très rarement du jour au lendemain. Elle apparaît le plus souvent de façon insidieuse.
Le phénomène est principalement dû à l’usure des cellules ciliées dans l’oreille interne qui transmettent le son au cerveau. Avec le temps, ces cellules finissent par se détériorer. Dans la plupart des cas, ce sont celles correspondant aux fréquences les plus aiguës qui disparaissent en premier. Or, rien ne peut les remplacer. Outre le vieillissement naturel, d’autres facteurs peuvent favoriser une surdité due à l’âge, tels que les nuisances sonores, l’hérédité ou des antécédents d’affections de l’oreille moyenne.
Repérer les premiers signes
Comment se manifeste la presbyacousie? «Les premiers signes de déficit auditif sont des difficultés de compréhension dans les environnements bruyants», rappelle Nils Guinand, médecin adjoint au service d’ORL des HUG. Cette baisse de l’audition est difficile à déceler, car elle très progressive.
Une personne atteinte met ainsi en moyenne cinq à sept ans avant d’accepter sa mauvaise audition et de s’appareiller. Souffrir de presbyacousie entraîne une diminution de la qualité de vie et s’accompagne souvent d’une forme de déni. La communication devient un facteur de frustration. La mauvaise audition peut être cause d’isolement social, de dépression et de troubles de la mémoire. Elle augmente également le risque de démence. Autant de raisons de s’équiper dès que nécessaire!
Consulter un ORL
Que faire une fois le problème identifié? Il faut consulter un médecin ORL. Cette étape est indispensable afin d’assurer la qualité du diagnostic et obtenir une prise en charge des assurances sociales. «Les tests auditifs effectués en pharmacie ont une valeur très relative en raison du bruit ambiant», relève Raphaël Maire, médecin-chef responsable de la consultation d’audiologie et d’otoneurologie au CHUV. Un dépistage précoce systématique de l’audition est recommandé dès l’âge de 60 ans.
Une fois la perte auditive confirmée par un spécialiste, la prochaine étape est de se rendre chez un audioprothésiste. «Le contact avec l’audioprothésiste est extrêmement important», souligne Michèle Bruttin, responsable de Forom écoute, la fondation romande des malentendants. Celui-ci va guider l’achat en fonction des besoins personnels du patient et l’accompagner durant tout le processus. Le choix dépend en grande partie du mode de vie du malentendant. Les exigences d’une personne encore active professionnellement seront par exemple plus élevées que celles d’un retraité qui vit seul.
Pro Senectute recommande de demander une offre chiffrée et détaillée auprès de deux audioprothésistes différents. Le devis doit comprendre le montant de l’appareil, le prix des réglages et le nombre de rendez-vous. Tester s’avère indispensable, au minimum durant quinze jours. Et ce n’est pas parce qu’on essaie qu’il y a une obligation d’achat! Les bénéfices d’un appareillage doivent être plus importants que les gênes occasionnées. C’est pour cette raison que le choix du modèle est très important et représente parfois un long processus.
Offre pléthorique
Le marché des aides auditives est en pleine expansion. La gamme de prix est très large: elle va pour deux appareils de 1500 à près de 9000 fr. Les outils les plus sophistiqués s’adaptent automatiquement à l’environnement sonore. L’offre s’est également élargie vers le bas de gamme. On trouve des appareils pour une centaine de francs, mais ceux-ci conviennent juste à des surdités légères. «Ce sont uniquement des amplificateurs, alors que l’aide auditive a un traitement du signal», relève Raphaël Maire.
La tendance est à la numérisation et à la miniaturisation. Ce sont désormais des objets quasiment invisibles. Les deux principales catégories d’appareils conventionnels sont les contours d’oreille, placés derrière le pavillon, et les intra-auriculaires, logés plus ou moins profondément dans le conduit auditif. Ils peuvent être rechargeables ou fonctionner avec des piles.
«Apprivoiser» son appareil
Attention! Le plus performant des appareils auditifs ne saurait restituer une ouïe intacte. L’audition reste altérée et parfois désagréable. «Un temps d’adaptation, de nombreux réglages ainsi qu’une bonne motivation de la personne malentendante sont nécessaires afin que celle-ci puisse retirer tous les bénéfices de son appareil», résume Forom écoute.
En dépit de ces progrès technologiques, le port d’une aide auditive reste considéré comme stigmatisant. Le traitement doit être bien ciblé pour que le patient vainque sa frustration et «apprivoise» son appareil. «Malgré un bénéfice prouvé, seulement 25% des patients souffrant de presbyacousie achètent un appareil auditif et seulement 30% d’entre eux les utiliseront à long terme», fait remarquer Raphaël Maire.
Alexandre Beuchat
Des forfaits notoirement insuffisants
Le problème du coût des appareils est loin d’être négligeable, car les assurances sociales remboursent très mal les aides auditives. L’assurance-invalidité (AI) ne verse qu’un forfait de 840 fr. pour un appareil ou 1650 fr. pour les deux. Si le prix dépasse le montant du forfait, la différence est à la charge du malentendant. Pour un appareillage total de 4500 fr., il faudra donc débourser de sa poche près de 3000 fr. La contribution forfaitaire peut être demandée tous les six ans, à moins qu’un expert ORL constate une modification notable de l’ouïe. L’AI prend également à sa charge un montant forfaitaire annuel pour l’achat des piles.
L’AVS est encore moins généreuse que l’AI. Elle verse un forfait de 630 fr. pour un appareil et 1237.50 fr. pour deux, mais uniquement tous les cinq ans. Il existe d’autres pistes de prise en charge financière. Il est possible de déposer une demande pour cas de rigueur, qui permet d’obtenir le remboursement intégral des appareillages. «Mais ce droit méconnu est un véritable parcours du combattant», déplore Forom écoute. On peut aussi s’adresser à Pro Infirmis (en âge AI), à Pro Senectute (en âge AVS) ou aux services sociaux de sa région. Certaines assurances complémentaires participent par ailleurs à l’acquisition de moyens auxiliaires. L’introduction du système de remboursement forfaitaire en 2011 n’a guère contribué à faire baisser les prix. Au contraire, ceux-ci restent très élevés en comparaison avec des pays voisins comme la France.