Dans un peu plus de deux mois, chaque patient-consommateur suisse pourra ouvrir en ligne un classeur de santé personnel.
Il lui sera ainsi possible d’accéder à l’ensemble de ses données médicales et, s’il le souhaite, de les partager avec ses différents soignants.
Cette mesure, qui vise à améliorer la coordination des soins et des processus thérapeutiques, devrait également permettre de réduire les coûts de la santé de l’ordre de 6 à 10%.
On peut se réjouir de l’introduction de ce concept qui, en décloisonnant l’information médicale, redonne la main au patient sur ses données personnelles et ouvre la voie à une vue d’ensemble essentielle de l’état de santé d’un malade au corps médical.
A ce stade pourtant, le dossier électronique du patient (DEP) soulève davantage de questions qu’il n’offre de réponses (lire aussi "Entre patient et médecin, un nouveau lien").
Pour que le système déploie toute son efficacité, aussi bien du point de vue médical que financier, le DEP devrait idéalement contenir l’intégralité des données concernant un patient: résultats d’analyses, rapports d’opérations, imagerie médicale, ordonnances, ou encore carnet de vaccination.
La participation de tous les acteurs de la santé est donc nécessaire, notamment les hôpitaux, les généralistes, les spécialistes, les centres de soins ou les pharmaciens. Or, dès la mi-avril, seuls les hôpitaux et les cliniques seront tenus de participer au projet, ce qui restreint considérablement son intérêt et inévitablement la motivation pour y participer.
Du côté des médecins, seuls 46% prévoient de se raccorder au DEP dans les prochaines années. Leur association professionnelle (FMH) ne dissimule pas sa crainte de participer à la création d’un instrument peu adapté à la pratique.
Reste les patients, clé de voûte du système. Le DEP étant facultatif, l’enjeu principal sera non seulement de les convaincre de l’intérêt d’ouvrir un classeur de santé, mais également de leur garantir que les informations transmises seront utilisées à bon escient. La crainte de voir les assureurs maladie mettre la main sur des informations sensibles n’est pas sans fondements. L’adoption d’un modèle d’assurance de base alternative incitant les assurés à y participer est déjà en chantier.
Malgré les doutes et les questions légitimes qu’il soulève, le DEP n’en est pas moins un projet ambitieux qui, à ce simple titre, mérite d’être soutenu et encouragé. A nous, consommateurs de soins, d’en faire la panacée.
Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef