Pour gagner une bataille, il faut identifier l’ennemi. A quoi sert la douleur, d’où vient-elle, pourquoi disparaît-elle ou, au contraire, continue-t-elle à nous empoisonner l’existence? Pendant longtemps, la médecine s’est concentrée sur la guérison: remettre des fractures, empêcher les infarctus, combattre le cancer. Depuis le début des années 2000, elle s’intéresse davantage à la souffrance en elle-même. Car si elle ne tue pas, ses conséquences sont dévastatrices.
La douleur a une fonction précise: elle attire notre attention sur un problème, que ce soit une blessure ou une maladie. Les nerfs reçoivent le stimulus, le transmettent à la moelle épinière qui l’achemine vers le cerveau. C’est lui qui transforme alors la stimulation en sensation.
Ce signal d’alarme est vital. Quand on pose le doigt sur une plaque chaude, la douleur aiguë prévient du danger et déclenche le réflexe de retirer sa main. En cas d’opération, d’appendicite ou de fracture, les lancées indiquent une atteinte massive des tissus. L’évaluation de la sensation sur une échelle de 0 à 10 permet au médecin d’affiner son diagnostic.
Les troubles s’atténuent généralement avec des médicaments classiques et disparaissent une fois le problème résolu. On estime ainsi que la douleur devrait cesser trois mois après une opération.
Les émotions en jeu
Si la sensation persiste, si elle devient diffuse et ne répond plus aux remèdes habituels, on parle de douleur chronique. «La phase aiguë peut être suivie d’une réorganisation neuronale. Au niveau de la moelle épinière, d’autres cellules vont sensibiliser les nerfs en déclenchant une inflammation, même sans stimulus douloureux présent. Ils continuent ainsi à transmettre le message de douleur au cerveau», explique Matthieu Cachemaille, médecin anesthésiste et antalgiste, associé au Centre d’antalgie du CHUV à Lausanne. Parfois, les nerfs ont été atteints et entretiennent le message douloureux, sans raison.
Mais ce n’est pas tout. «La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable», définit le Dr Matthieu Cachemaille. Associer les sentiments aux sensations purement physiques, voilà qui est nouveau! «Dans le cerveau, le cortex sensoriel est proche de la zone qui gère les émotions», explique le spécialiste.
Au moment de décoder le stimulus, le cerveau fait une analyse émotionnelle de la douleur. L’anxiété, la fatigue, la tristesse peuvent ainsi amplifier la sensation qui varie selon les individus, mais aussi selon le moment. Cet aspect joue un rôle important dans la prise en charge du patient: pour aller mieux, il faut se sentir bien dans ses baskets.
Un adulte sur cinq
Dans la salle d’attente des centres spécialisés dans le traitement de la douleur, on se plaint de maux de dos (colonne lombaire ou cervicale), de suites d’opérations ou de cancer (tumeur, métastases), de douleurs abdominales, sans oublier les maladies rhumatismales qui touchent les muscles et le squelette.
Les patients souffrant de fibromyalgie, de douleurs musculo-squelettiques diffuses ou de syndrome du côlon irritable présentent des symptômes encore souvent inexpliqués scientifiquement. Toutes causes confondues, un adulte sur cinq est concerné par des douleurs chroniques. En 2010, elles ont coûté 600 milliards de dollars aux Etats-Unis. C’est bien plus que les maladies cardio-vasculaires (309 milliards) ou le cancer (243 milliards).
Pour le corps médical, le défi est immense. Longtemps abandonnés à leur sort, les patients peuvent, sur recommandation d’un médecin, s’adresser aux centres de la douleur qui pratiquent une approche pluridisciplinaire. «Nous sommes souvent la dernière porte à laquelle on frappe», constate l’anesthésiste. Il n’existe certes pas encore de baguette magique, mais une boîte à outils (lire notre complément: "Les outils pour soulager la douleur") se constitue progressivement pour soulager les patients et améliorer leur qualité de vie.
Claire Houriet Rime
Automédication pour petits bobos: la trousse de premier secours
Quels médicaments prendre chez soi pour soulager les bobos passagers? Claudia Reuteler, vice-présidente de la Société vaudoise de pharmacie, fait le point sur les médicaments antidouleur de premier secours vendus sans ordonnance. Ces indications concernent les adultes.
⇨ Le paracétamol (Paracétamol, Dafalgan, Panadol) fait baisser la fièvre et atténue la douleur. C’est un médicament de premier recours lors de douleurs légères, de maux de tête non migraineux, lors des règles, en cas d’état grippal ou de rage de dent, ainsi que pour les patients atteints de Covid-19. Il a peu d’effets secondaires.
⇨ La dose conseillée est de 2 g à 3 g par jour, pendant 3 à 5 jours au maximum.
⇨ Pour ne pas surcharger le foie, préférer les comprimés de 500 mg et laisser entre 4 heures et 8 heures entre les prises.
⇨ Les anti-inflammatoires font baisser la fièvre, atténuent la douleur et diminuent, comme leur nom l’indique, l’inflammation. Ils soulagent les douleurs musculaires ou articulaires. On trouve principalement deux principes actifs différents, qu’il ne faut jamais associer: l’ibuprofène (Irfen, Algifor) et le diclofénac (Voltaren). Ces médicaments sont déconseillés en cas de coronavirus.
⇨ La dose conseillée maximale est de 3 x 400 mg par jour pour l’ibuprofène et de 3 x 25 mg pour le Diclofénac, sur deux jours pour l’effet inflammatoire. Au-delà de trois jours, consulter un médecin. Laisser entre 6 h et 8 h entre les prises.
⇨ Les anti-inflammatoires seront pris avec les repas pour éviter les douleurs d’estomac. Les patients souffrant notamment d’insuffisance rénale, ainsi que ceux qui prennent des médicaments contre l’hypertension devraient y renoncer.
On peut associer les antidouleurs aux anti-inflammatoires en alternant les prises pour avoir une couverture sur toute la journée. En cas de doute, ou de prise de médicaments de manière régulière, on s’adressera à la pharmacie ou à un médecin.