On les appelle «parallèles», «alternatives» ou «douces» et, dans la loi sur l’assurance de base, «complémentaires». En 2017, près de 30% de la population (20% des hommes et 37% des femmes) y ont eu recours. 37% des Romands ont poussé la porte d’un thérapeute alternatif contre 26% des Alémaniques et 22,7% des Tessinois.
Attention: même si on parle de médecine «complémentaire», quatre disciplines sont prises en charge par l’assurance de base (lire: «La jungle des remboursements»), mais à des conditions strictes. Dans la majorité des cas, soit parce que ces critères ne sont pas remplis, soit parce qu’on choisit une autre approche, c’est toutefois l’assurance complémentaire qui intervient.
Helsana indique ainsi rembourser chaque année 100 millions de francs par ce biais, contre 3 millions de francs seulement pour l’assurance de base. Des montants encore très modestes par rapport au total de 6,6 milliards de francs de prestations prises en charge chaque année par l’assureur.
Qu’attendent les patients de ces thérapies et qu’est-ce qui les distingue les unes des autres? Ma Santé s’est penché sur celles qui ont la faveur des assurés.
Selon le Groupe Mutuel et Helsana, c’est l’acupuncture qui est le plus largement remboursée par l’assurance de base, suivie de l’homéopathie et de la médecine anthroposophique. Pour les assurances complémentaires, la médecine chinoise, dont fait partie l’acupuncture, est aussi dans le groupe de tête, talonnée par l’ostéopathie et l’étiopathie, puis des massages. La CSS cite encore la thérapie craniosacrale et le drainage lymphatique manuel.
Un équilibre global
Ces approches dites alternatives ont un point commun: elles considèrent le patient comme un tout. Pour être en bonne santé, il doit être équilibré aussi bien sur les plans physique que psychique. Autre postulat: puisque le corps possède les outils pour guérir, la tâche du thérapeute est de stimuler ce processus d’autoguérison.
Le principal reproche de la médecine classique envers les thérapies alternatives est l’absence d’études prouvant leur efficacité à large échelle. Les thérapeutes font valoir qu’il est difficile de généraliser les conséquences d’un traitement, puisque celui-ci varie selon chaque cas.
Si on souffre d’une maladie grave telle que le diabète ou le cancer, les médecines complémentaires, comme l’indique leur nom, ne doivent pas empêcher le recours à la médecine dite conventionnelle.
Remboursé par l’assurance de base
L’homéopathie soigne le patient, pas le mal
Comment ça marche? L’homéopathie repose sur deux principes: la similitude et la dilution infinitésimale. En grec, homéo veut dire «même» et «pathie» la maladie (soigner le mal par le mal): il s’agit d’administrer un principe actif à dose homéopathique qui, à dose normale, provoquerait un symptôme identique à celui dont souffre le patient pour soutenir l’effort de guérison de l’intérieur. Par exemple, quelques granules d’Apis, fabriquées à base de venin d’abeille, soigneront efficacement l’inflammation après une piqûre d’insecte.
Le venin n’est toutefois pas administré tel quel, mais dilué et dynamisé à une concentration infime. La dilution se mesure en CH (1 CH correspond à 1 centième de produit actif dilué dans 99 volumes d’eau-alcool). Plus le chiffre est élevé, plus le produit initial a été dilué et secoué, donc dynamisé. Plus la dilution est élevée et plus le remède agit vite et longtemps.
Démarche: l’homéopathie traite la maladie en stimulant les mécanismes de défense du patient. La thérapie passe par une consultation qui aboutit à la prescription d’un remède.
On distingue:
- les recettes à principe actif pour tout le monde (par exemple, Arnica a un effet antihémorragique chez tout le monde s’il est pris immédiatement après une chute);
- l’homéopathie aiguë où le médecin recueille les symptômes originaux du patient et peut ainsi prescrire le bon remède (par exemple, en cas de fièvre: le patient a-t-il très soif, le teint rouge ou pâle?);
- l’homéopathie chronique ou traitement de terrain: le remède est alors choisi avec soin en fonction de la constitution du patient.
Indications: elles recouvrent toutes les pathologies aiguës et chroniques ainsi que la prévention. Cela va du renforcement du système immunitaire à la dépression et du traitement des conséquences du stress, en passant par les contusions, le rhume et la grippe.
Les risques: toute maladie nécessite un diagnostic. L’homéopathie ne doit pas retarder ou empêcher le recours à la médecine conventionnelle pour traiter des maladies aiguës graves ou des maladies chroniques telles que le diabète ou le cancer. Comme le titre d’homéopathe n’est pas protégé, il est préférable de s’adresser à un médecin formé, reconnu par la Société suisse des médecins homéopathes.
«Cette approche implique d’être assez expérimenté pour ne pas passer à côté d’une maladie nécessitant un traitement conventionnel», précise
Brigitte Zirbs Savigny, vice-présidente sortante de l’association Médecins de famille et de l’enfance Suisse (MFE), spécialiste en médecine interne générale et médecin homéopathe à Genève.
L’homéopathie est une médecine réactive qui peut avoir des effets secondaires. Le traitement de l’eczéma peut ainsi déclencher une aggravation de l’éruption, ce qui implique un suivi rigoureux.
Remboursement: elle est remboursée par l’assurance de base au même titre que la médecine classique si le médecin dispose d’un titre de spécialiste en homéopathie. Certains thérapeutes non-médecins peuvent être reconnus par les assurances s’ils sont accrédités par l’ASCA (Fondation suisse pour les médecines complémentaires). Il est préférable de se renseigner auprès de son assurance complémentaire.
La médecine traditionnelle chinoise et l’acupuncture: restaurer l’énergie vitale
Comment ça marche? La médecine chinoise se base sur un système d’énergies vitales, ou Qi (prononcer «tchi»), qui circulent dans le corps par des canaux (méridiens). Il s’agit de trouver l’équilibre entre deux forces opposées, le Yin et le Yang. De là découlent les cinq éléments: le bois, le feu, le métal, l’eau et la terre.
Ce flux énergétique influence tout l’organisme et se déséquilibre en cas de maladie. Il s’agit pour le thérapeute de repérer les blocages pour les supprimer et retrouver un fonctionnement harmonieux.
Démarche: La médecine traditionnelle chinoise est la thérapie complémentaire la plus populaire en Suisse. Elle regroupe des approches comme l’acupuncture, les massages, le traitement par les plantes ou par le mouvement (Qi Gong et Tai Chi).
La première consultation repose sur un diagnostic énergétique complet, basé sur un dialogue avec le patient, l’examen de la langue et la palpation de points méridiens. Ce toucher peut s’exercer à un endroit du corps et alerter le thérapeute sur un autre organe. Ainsi, si un point près du genou est douloureux, cela indiquera une inflammation de la vésicule biliaire. Elle se soignera par une pression sur le même point.
Les prises de pouls sont un élément essentiel de la consultation. Elles se font à trois endroits du poignet sur les deux mains, en exerçant à chaque fois des pressions d’intensités différentes.
L’acupuncture: est un outil dérivant de cette approche. Elle consiste à stimuler des points précis de l’épiderme, les «points d’acupuncture», par la pose d’aiguilles très fines. Le médecin peut aussi exercer des pressions sur les méridiens, avoir recours à des impulsions électriques ou magnétiques, ou encore réchauffer la zone concernée. La prescription d’herbes médicinales ou d’un régime alimentaire particulier complète les approches à disposition.
Indications: Elles sont multiples: maux de tête, problèmes du système digestif (estomac, intestin), de l’appareil respiratoire (poumons, bronches, cœur), reproducteur ou urinaire (reins, vessie, prostate). Les douleurs musculaires, les tendinites et les pathologies articulaires sont également traitables par ce biais. Idem pour les troubles psychiques tels que le stress, la dépression, l’anxiété et les troubles du sommeil.
Effets secondaires: La séance d’acupuncture entraîne souvent un sentiment de fatigue. Elle est parfois douloureuse et peut provoquer l’aggravation momentanée des symptômes.
Remboursement: Cette médecine complémentaire est remboursée par l’assurance de base, pour autant que le médecin ait suivi la formation de spécialiste reconnue. Dans le cas contraire, on se tournera vers l’assurance complémentaire, en vérifiant que le thérapeute soit pris en charge (lire «La jungle des remboursements»).
Médecine anthroposophique: traiter l’âme et le corps
Comment ça marche? La médecine anthroposophique repose sur la vision du philosophe Rudolf Steiner qui considère le patient dans sa globalité, en tenant compte de son corps, ainsi que de l’être psychique et spirituel. Elle est conçue comme un complément à la médecine conventionnelle.
Démarche: L’approche est interdisciplinaire. Le médecin pose un diagnostic classique. Il interroge ensuite le patient sur son vécu et son ressenti. La médecine anthroposophique dispose d’une panoplie d’outils pour soigner le corps et l’esprit: médicaments à base de plantes enregistrés auprès de Swissmedic, massages et compresses, eurythmie thérapeutique (mouvements simples) ou encore, art-thérapie. La relation entre le personnel soignant et le patient est au cœur du processus de guérison.
Pionnière en Suisse romande, la clinique de pédiatrie de l’Hôpital fribourgeois (HFR) a recours depuis 2015 à la médecine anthroposophique pour améliorer le suivi des jeunes patients. Pendant une phase pilote de dix-huit mois, on a mis l’accent sur les problèmes respiratoires (asthme, bronchite, bronchiolite et pneumonies). La médication conventionnelle a été complétée par une approche anthroposophique (médicaments par voie orale et inhalation, enveloppements et frictions). Cette offre est aujourd’hui proposée à tous les enfants et a été enrichie par la musicothérapie et l’eurythmie thérapeutique.
Indications: Elles sont multiples. La clinique anthroposophique de Arlesheim complète le suivi classique des patients atteints du Covid avec des compresses sur le thorax pour faciliter la respiration et diminuer l’angoisse. On s’y intéresse aussi au ressenti des malades (fatigue, peur).
«La clinique de pédiatrie à l’HFR propose cette approche en complément de la médecine conventionnelle, lors d’atteintes aiguës telles que maladies respiratoires, troubles fonctionnels et psychosomatiques, ou encore lors de traumatismes», explique Benedikt Huber, médecin adjoint en pédiatrie et au Centre de pédiatrie intégrative.
Les risques: La médecine anthroposophique n’en a pas si elle est pratiquée en complément à la médecine traditionnelle.
Remboursement: Elle est remboursée par l’assurance de base, pour autant que le médecin ait suivi une formation reconnue. Dans le cas contraire, on se tournera vers l’assurance complémentaire, en vérifiant que le thérapeute soit pris en charge.
Phytothérapie: soigner avec les plantes
La phytothérapie est remboursée par l’assurance de base, mais elle ne constitue pas une approche spécifique. Ce terme désigne tous les traitements à base de plantes, que ce soit dans la médecine traditionnelle chinoise ou la naturopathie. Les actifs végétaux sont extraits et transformés en tisanes, teintures mères, pommades et huiles.
Remboursé par certaines assurances complémentaires
L’ostéopathie: le corps en mouvement
Comment ça marche? Pour l’ostéopathe, le corps forme une unité. Les muscles, les os et les organes sont reliés par les tissus conjonctifs et le système nerveux: un problème concernant un endroit du corps peut par conséquent se manifester ailleurs. Autre principe fondateur de cette thérapie mise au point au XIXe siècle aux Etats-Unis: le corps a les moyens de guérir lui-même.
Démarche: Le diagnostic et le traitement se font par le biais de palpations et de manipulations des articulations, des muscles et du tissu conjonctif. Le thérapeute parle avec le patient avant de le toucher. En posant ses mains à des endroits ciblés, il rétablit le flux entre les différentes parties du corps. L’ostéopathie regroupe plusieurs techniques et chaque thérapeute développe sa propre pratique: impossible par conséquent d’associer tel ou tel geste avec un effet précis.
L’approche craniosacrale part ainsi du principe que le liquide qui entoure le cerveau est pulsé rythmiquement jusqu’au bassin par le canal céphalo-rachidien, comme si la tête «respirait». Il s’agit pour le thérapeute de déceler les blocages et de rétablir la fluidité de ce mouvement.
Indications: Douleurs musculaires, articulaires aiguës et chroniques (lumbagos, torticolis, douleurs rhumatismales), troubles intestinaux, problèmes touchant l’oreille interne (otites, maux de tête, vertiges), problèmes de la petite enfance (coliques du nourrisson, difficultés d’endormissement).
Effets secondaires: la séance peut déclencher un sentiment de fatigue. La manipulation des vertèbres cervicales peut provoquer des lésions si elle n’est pas faite par un thérapeute expérimenté.
Remboursement: par l’assurance complémentaire, selon les conditions établies par l’assurance (franchise, quote-part et plafond annuel).
Massage et drainage: des mains expertes
Massage Le geste, instinctif, de masser une partie du corps tendue ou douloureuse est pratiqué de manière ciblée par les professionnels, masseurs ou physiothérapeutes. La pression exercée et les étirements détendent les muscles contractés, atténuent les douleurs, améliorent la circulation et stimulent le métabolisme. Le massage a aussi une influence positive sur le rythme cardiaque, la tension artérielle, la respiration et la digestion. Il favorise la détente et le bien-être.
Drainage lymphatique manuel C’est une forme de massage qui vise, comme son nom l’indique, à rétablir la circulation de la lymphe, le liquide qui irrigue le corps et élimine les déchets pour l’acheminer vers les vaisseaux sanguins. Le drainage est particulièrement indiqué pour décongestionner les tissus après une opération ou une blessure, notamment en présence d’œdèmes (gonflements). Le massage calme et détend, tout en stimulant le système immunitaire: les globules blancs et les hormones sont transportés par le système lymphatique.
Les massages et le drainage lymphatique manuels sont remboursés par les assurances complémentaires s’ils remplissent les conditions fixées dans la police.
Autres approches: trouver le soin et le thérapeute adéquats
Il existe encore de nombreuses médecines non conventionnelles qui sont prises en charge avec une police complémentaire, telles que la kinésiologie, la naturopathie, l’étiopathie (qui s’approche de l’ostéopathie), ou encore la réflexologie. Cette multitude d’approches implique l’engagement du patient pour trouver le soin et le thérapeute adéquat, en fonction des problèmes à traiter, mais aussi selon sa personnalité. Ne pas oublier, en plus du bouche-à-oreille, de toujours vérifier les conditions de remboursement.
Claire Houriet Rime
La jungle des remboursements
Quatre médecines dites «complémentaires» sont quand même remboursées par l’assurance de base:
- l’homéopathie;
- la médecine traditionnelle chinoise, y compris l’acupuncture;
- la médecine anthroposophique;
- la phytothérapie.
Elles sont remboursées si le médecin a suivi la formation de spécialiste, en complément au cursus traditionnel. Les consultations et les prescriptions sont soumises à la franchise (entre 300 fr. et 2500 fr.) et à la quote-part (10% de la facture, jusqu’à 700 fr. par an). Les médicaments et préparations prescrits sont pris en charge s’ils figurent sur la liste des spécialités (LS).
Pour les autres approches, de l’ostéopathie à la pose de sangsues, et si le thérapeute n’est pas médecin, il faut se tourner vers l’assurance complémentaire, en prenant les précautions suivantes.
- Vérifier, sur le site de l’assureur, que la thérapie soit remboursée, même si on a contracté une police pour les médecines douces. Chaque compagnie a élaboré ses propres règles.
- Vérifier que l’intervenant soit reconnu. La plupart des assureurs se basent sur le Registre des médecines empiriques (RME) ou la Fondation suisse pour les médecines complémentaires (ASCA). Certaines compagnies (Visana et EGK) ont élaboré leur propre système d’évaluation.
Si toutes ces conditions sont remplies, il faudra encore payer la franchise et la quote-part (jusqu’à 25%) prévues dans la police. Chez Assura, le remboursement de chaque séance est ainsi limité à 80 fr. La plupart des contrats fixent un plafond annuel au-delà duquel il faudra mettre la main au porte-monnaie.