Le mot «pesto» vient de l’italien pestare, qui signifie «piler». Les ingrédients de cette sauce originaire de Ligurie, au nord-ouest de la Botte, développent tous leurs arômes lorsqu’ils sont écrasés dans un mortier. Un vrai pesto génois contient du basilic, des pignons de pin, du parmigiano reggiano, du pecorino, de l’huile d’olive, de l’ail et du sel gros grain. Mais les industriels se soucient peu des traditions: les listes des ingrédients nous apprennent que leurs pestos peuvent contenir de la pomme de terre, du bambou, du maïs, du babeurre, du sucre, du sorbate de potassium ou, encore, des arômes.
Nous avons voulu aller plus loin que les listes d’ingrédients et savoir si ces sauces toutes prêtes renferment des substances problématiques, à savoir des pesticides ainsi que des huiles minérales, du cadmium et des nitrates. Nous avons donc acheté 14 bocaux dans les grandes surfaces que nous avons envoyés à un laboratoire spécialisé.
Trois produits seulement sont irréprochables: le Pesto alla Genovese de DeCecco, le Pesto verde d’Alnatura et le Pesto con basilico genovese de Migros Sélection. Deux autres sont «bon» et, quatre, «satisfaisant».
En revanche, cinq préparations ont été jugées «insatisfaisant» à cause de la présence importante de polluants. Parmi elles, des produits coûteux, comme le Pesto con basilico genovese DOP de Barilla (4.41 fr. les 100 g) et le Pesto di basilico provenant de Globus. Vendu pas moins de 7.90 fr. les 100 grammes, ce dernier est presque dix fois plus cher que nos achats les meilleur marché (84 ct./100g).
Neuf fongicides
Le laboratoire a trouvé un total de neuf produits phytosanitaires contre les champignons dans dix pestos. Des matières premières ont donc été traitées avec des fongicides très néfastes pour l’environnement comme l’azoxystrobine, le diméthomorphe ainsi que le mandipropamide.
Selon la base de données de l’UE sur les pesticides, ces substances sont toxiques pour les organismes aquatiques et elles se dégradent mal dans l’environnement. Le laboratoire a également trouvé du fluopicolide. L’Office fédéral de l’agriculture le classe parmi les «produits phytosanitaires présentant un potentiel de risque particulier, dont on envisage la substitution».
Certains fongicides trouvés sont également dangereux pour l’homme: pas moins de huit pestos contenaient de la pyraclostrobine hautement toxique. Cette substance peut nuire à la reproduction et au développement humain, d’après la base de données sur les pesticides de l’Université de Hertfordshire (GB).
Les sauces des fabricants Rummo et Sapori d’Italia renfermaient du propamocarbe, qui est neurotoxique, de l’avis des experts anglais. Il est également soupçonné de perturber le système hormonal.
Pénalités pour les cocktails de pesticides
Aucun pesto ne dépassait les valeurs maximales de l’UE pour les pesticides dans les aliments. Nos critères sont toutefois plus sévères que les dispositions légales. Ces dernières se basent en effet sur des études qui évaluent la toxicité des substances de manière individuelle. Or, nous ingérons différentes substances, et leur mélange, dans le corps, est susceptible de créer un «effet cocktail», c’est-à-dire que des molécules non toxiques à faible dose peuvent le devenir lorsqu’elles sont combinées avec d’autres. En d’autres termes, l’association fait le poison. Le phénomène est encore mal connu et le nombre de combinaisons infini.
Face à ce risque, nous avons décidé de pénaliser d’un demi-point les pestos contenant cinq traces de pesticides ou plus.
Substances accumulées
Six sauces contenaient plus de 2 mg/kg d’hydrocarbures saturés d’huile minérale (MOSH). Selon l’Office bavarois de la santé et de la sécurité alimentaire, ces composés s’accumulent dans les tissus adipeux et dans le foie. Des rats ont ainsi souffert d’inflammations hépatiques lors d’expérimentations animales. L’Institut fédéral allemand pour la pertinence des risques estime que «les incidences de ces résultats pour les humains ne sont pas encore claires».
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) considère l’exposition aux MOSH comme «préoccupante». Les huiles minérales peuvent contaminer les matières premières lors de leur culture, leur stockage et leur transport. Cela se fait, par exemple, parle le biais les huiles lubrifiantes des machines ou par les matériaux des emballages. Le pesto vendu par Globus en contenait la plus grande quantité. La loi ne fixe aucune valeur maximale pour les huiles minérales dans les denrées alimentaires.
Nitrates et cadmium dans le Naturaplan
Le labo a trouvé la plus grande quantité de nitrates dans le Pesto verde Naturaplan de Coop, pourtant vendu comme bio. En tant que tels, ils ne sont pas dangereux, mais ils peuvent se transformer en nitrites dans les aliments et le corps. Chez les enfants, les nitrites perturbent le transport de l’oxygène dans le sang. Ils peuvent aussi entraîner la formation de nitrosamines cancérigènes dans le système digestif. Un demi-verre de Pesto verde bio Naturaplan représente presque la moitié de la dose quotidienne maximale de nitrates recommandée par l’OMS pour une personne de 50 kilos.
De plus, le Naturaplan est le seul pesto à contenir du cadmium, en faible quantité. Ce métal lourd s’accumule dans les organes. Son absorption sur une longue période peut provoquer des lésions rénales.
Les réactions des fabricants
Coop attribue la teneur en nitrates de son produit à la culture sous serre, qui induirait généralement des valeurs plus élevées ainsi qu’à la forte proportion de basilic. Barilla pense que la présence d’hydrocarbures saturés MOSH dans son Pesto con basilico genovese DOP pourrait être liée à l’utilisation d’huile d’olive. L’entreprise italienne estime également qu’il n’est pas rare que le pesto contienne des pesticides, car «le basilic est une plante très sensible, notamment aux champignons».
Sabine Rindlisbacher / seb
Préparez-le vous-même!
Recette de pesto traditionnel au mortier, selon Marcella Hazan, écrivaine culinaire.
Ingredients:
2 gousses d’ail
100 g de feuilles de basilic frais
2 cs de pignons de pin
Gros sel de mer
75 g de parmigiano reggiano fraîchement râpé
2 cs de pecorino romano fraîchement râpé
10 cs d’huile d’olive extra vierge
675 g de pâtes
- Ecraser légèrement l’ail avec un couteau lourd de manière à ce que la peau éclate et se détache. La retirer et la jeter.
- Plonger brièvement les feuilles de basilic dans de l’eau froide et les laver, puis les sécher délicatement avec du papier absorbant.
- Mettre le basilic, l’ail, les pignons et le gros sel dans un grand mortier en marbre. Effectuer des mouvements circulaires avec le pilon et écraser les ingrédients sur le bord du mortier. Lorsqu’ils forment une pâte, ajouter les deux fromages râpés et les incorporer de manière uniforme au mélange à l’aide du pilon.
- Verser l’huile d’olive en filet très fin et l’incorporer au mélange à l’aide d’une cuillère en bois.
- Juste avant de le mélanger aux pâtes, diluer légèrement le pesto avec 1 à 2 cuillères à soupe d’eau de cuisson chaude des pâtes.
Il est plus judicieux d’utiliser un mortier qu’un mixeur. Les ingrédients développent tous leurs arômes lorsqu’ils sont pilés et les structures sont mieux préservées. Contrairement au mixeur, la masse n’est pas chauffée. Ainsi, le pesto ne devient pas amer et conserve un goût plus frais.