Posez la question autour de vous, vous découvrirez que chacun a sa réponse… Fausse, le plus souvent. D’une part car elle est complexe. Mais, surtout, parce que beaucoup confondent la dépendance à l’alcool et la consommation chronique à risque – beaucoup plus fréquente.
Plaisirs contre santé
Ecrire sur la consommation d’alcool sans être moralisateur est un défi dans un pays viti-vinicole comme le nôtre. L’alcool est l’une des plus anciennes substances psychoactives de l’histoire de l’humanité. Il influence la conscience de soi et la perception de la réalité. Ses effets désinhibiteurs, relaxants et enivrants sont connus depuis des millénaires.
Il y a, d’un côté, le plaisir de la consommation d’un verre de vin au moment d’un repas ou d’un apéritif entre amis. Avec la tradition et les habitudes sociales, il est peu fréquent de célébrer une réussite avec une bouteille d’eau gazeuse… Et, de l’autre, une substance psychoactive qui a des répercussions négatives sur la santé de nombreuses personnes, mais aussi de leur entourage.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a identifié plus de 200 maladies ou risques liés à l’alcool. Cancers (œsophage, cavité buccale, foie, sein, côlon), maladies du système digestif (gastrite, pancréatite, cirrhose), maladies du cœur et des vaisseaux (hypertension, arythmie, accident vasculaire cérébral), maladies neurologiques et psychiques, accidents et violence. Mentionnons encore, chez les hommes, la dysfonction sexuelle. Ou les risques pour le fœtus chez les femmes enceintes.
En Suisse, 87% des hommes et 77% des femmes boivent de l’alcool. Près d’une personne sur cinq consomme de l’alcool en quantités excessives, c’est-à-dire qu’elle boit trop, trop souvent et au mauvais moment.
Alors, trop c’est combien?
Je commence par une mauvaise nouvelle: il n’existe pas de valeur minimale d’alcool qui n’ait pas de répercussions sur la santé. Cela, même si elles sont d’autant plus importantes que la consommation est grande. Formulé autrement, ce n’est pas l’abus, mais l’alcool, qui est dangereux. Deuxième point important: il existe différents niveaux de consommation excessive. La plus grave est, bien sûr, la dépendance. Mais dire que vous pouvez très bien vous passer d’alcool durant quelques jours n’exclut pas que vous puissiez tout de même avoir une consommation excessive. Les experts distinguent la consommation ponctuelle à risque et la consommation chronique à risque.
Pour la consommation ponctuelle, par exemple une soirée passée avec vos amis, la consommation est considérée à risque à partir de 5 verres en quelques heures, au moins une fois par mois (4 verres pour les femmes). Un «verre» correspond à 1 verre de vin, à 2,5 décilitres de bière ou à un petit verre d’alcool fort. Pour ce qui est de la consommation chronique, la limite est à 4 verres par jour pour les hommes et 2 pour les femmes. Ces chiffres sont donnés pour des adultes en bonne santé; les seniors, les personnes à la santé fragilisée ou prenant des médicaments devraient certainement avoir des objectifs plus bas.
Quelle est votre consommation?
Que devez-vous faire? Simplement vous poser deux questions. Demandez-vous ce que l’alcool vous apporte: le plaisir d’une boisson, de la bonne humeur ou le partage d’un moment avec une personne proche? Ensuite, ce que l’alcool induit de négatif: prise de poids, insomnies, irritabilité ou risques pour votre santé? Vous pourrez mieux définir quelle devrait être votre consommation.
Et pour boire moins?
Il n’y a pas de recette miracle, mais les spécialistes des addictions proposent quelques pistes. Il est utile d’évaluer votre consommation, en calculant sur une semaine votre propre consommation. Il est aussi proposé aux buveurs réguliers de ne pas consommer d’alcool du tout au minimum deux jours par semaine. Ou encore, de boire un verre d’eau pour chaque verre d’alcool consommé.
Si votre consommation ou celle de l’un de vos proches est problématique, il faut parfois demander de l’aide. La consommation excessive d’alcool est un tabou, les personnes concernées ont souvent honte, elles culpabilisent et n’osent pas demander de l’aide. Je dis toujours à mes patients que l’on ne juge pas les personnes qui souffrent d’hypertension, on ne doit donc pas juger celles qui boivent trop. Vous pourrez demander de l’aide à votre médecin ou à des organisations spécialisées, si nécessaire de façon anonyme.
Dr Jean Gabriel Jeannot, médecin, spécialiste en médecine interne
Où s’informer, où obtenir de l’aide?
Vous trouverez de l’aide auprès de professionnels de la santé, de votre médecin en particulier, mais il existe aussi de nombreuses autres solutions, sur Internet notamment (certaines permettent d’être soutenu de façon anonyme): stop-alcool.ch, safezone.ch,aasri.ch ou le site des Alcooliques Anonymes de la Suisse Francophone.