Comme beaucoup de Suisses, Anne-Lise a du mauvais cholestérol. Au lieu de médicaments, cette lectrice de Ma Santé cherche une alternative. Elle repère une margarine à la Migros. Sur l’emballage, côté face, le produit Col Balance Vital promet une «réduction active du taux de cholestérol». En retournant la barquette, Anne-Lise découvre plusieurs mises en garde inquiétantes écrites en tout petits caractères: «N’est pas destiné aux personnes ne devant pas contrôler leur taux de cholestérol dans le sang», «En cas de prise de médicaments hypocholestérolémiants, ne doit être pris que sous surveillance médicale», «Ne convient pas pour les femmes enceintes, les femmes qui allaitent et les enfants de moins de 5 ans».
Faut-il avoir peur d’une pâte à tartiner vendue en grande surface? Rappelons d’abord que des études scientifiques démontrent que certaines margarines fabriquées à base de graisse végétale peuvent contribuer à faire baisser le mauvais cholestérol (le LDL). Il s’agit de produits enrichis en phytostérols. Ces composés naturels possèdent une structure chimique proche de celle du cholestérol, mais sont meilleurs pour notre santé. Dans le tube digestif, ils entrent en compétition avec le cholestérol, réduisent l’absorption de ce dernier et donc la quantité de mauvais cholestérol dans le sang.
Eviter une carence en vitamine A
Pourquoi donc des mises en garde sur les emballages de margarine? Par sécurité. Les personnes atteintes d’une maladie génétique rare, la sitostérolémie, pourraient présenter un risque cardio-vasculaire, explique Roger Darioli, président de la Fondation suisse nutrition et santé.
Autre point délicat: le cholestérol transporte des vitamines dites liposolubles, les vitamines D et A, en particulier. Leur niveau peut baisser sous l’effet d’une diminution trop marquée du taux de cholestérol. Ce qui n’est pas souhaitable pour des personnes déjà exposées à des carences.
Migros l’admet: «Les stérols végétaux peuvent – selon la quantité – réduire l’absorption des vitamines liposolubles. Chez les enfants, les femmes enceintes et qui allaitent, le besoin accru en vitamines doit primer sur un éventuel traitement visant à réduire le taux de cholestérol. C’est pourquoi la législation sur les denrées alimentaires stipule que les produits enrichis en stérols végétaux doivent porter une mention indiquant qu’ils ne conviennent pas aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes et aux enfants en pleine croissance.»
Les autres mises en garde concernent les personnes sans problème de cholestérol ou qui prendraient déjà des médicaments contre le cholestérol. Elles ne devraient pas consommer de margarines «anti-cholestérol» pour la même raison: éviter le risque de carence en vitamine A en cas de cholestérol sanguin trop bas.
Utilité pas démontrée
En dehors de ces contre-indications, les margarines enrichies en stérols végétaux constituent-elles vraiment une bonne option pour lutter contre le cholestérol? S’il est avéré que ces phytostérols contribuent à faire baisser le mauvais cholestérol, il n’existe, pour l’heure, pas d’études entreprises pour démontrer que leur consommation réduirait le risque de maladies cardio-vasculaires.
Introduites en Scandinavie dans les années 1970, ces margarines constituaient, alors, un moyen de lutter contre le taux élevé de maladies cardiovasculaires au sein de populations à l’alimentation trop riche en graisses animales à prédominance saturées et pauvre en fruits et en légumes. Depuis, les margarines se sont imposées dans le monde entier et occupent un segment commercialement intéressant pour des fabricants.
En manger ou pas? En cas de découverte d’un problème de cholestérol, mieux vaut d’abord en parler avec son médecin traitant, qui cherchera à en établir la cause et à vous proposer les options de traitement adaptées, qu’il s’agisse d’une amélioration des habitudes alimentaires et/ou d’un traitement médicamenteux additionnel en cas de risque cardiovasculaire élevé, estime Roger Darioli. Le simple fait de modifier son alimentation peut déjà avoir un impact important, car nous consommons souvent trop de graisses saturées de provenance animale et trop peu de fruits et légumes aux effets cardiovasculaires bénéfiques.
A noter que les margarines ne sont, elles-mêmes, pas exemptes d’acides gras saturés. La Col Balance Vital contient 35% de graisse, dont une majorité d’huile de colza, mais aussi de l’huile de palme. A consommer en tous les cas avec grande modération. Avant d’en garnir ses tartines, Anne-Lise a, quant à elle, préféré commencer par réduire sa consommation de fromage. Un bon début.