Le mélanome malin est considéré comme très dangereux: on le diagnostique chaque année chez environ 2800 personnes en Suisse. Un examen régulier des grains de beauté par un médecin est supposé permettre de détecter à temps le cancer de la peau et offrir de meilleures chances de guérison. Lors de ces contrôles, le médecin examine tout le corps à la loupe, à la recherche de grains de beauté et d’anomalies. Ces tests de dépistage réguliers peuvent être coûteux. Un examen de 20 minutes par un dermatologue coûte environ 150 francs, que le patient doit généralement payer lui-même.
De nombreux dermatologues invitent à faire contrôler régulièrement sa peau pour détecter d’éventuels mélanomes. Selon le Skincenter de Berne, le risque de développer un cancer de la peau peut être drastiquement diminué grâce à des examens réguliers. Le site Internet du cabinet de dermatologie de la Doctoresse Andrea Varga à Zurich annonce pour sa part que les «chances de guérison sont très bonnes si le cancer de la peau est détecté à un stade précoce». La clinique dermatologique Skinmed d’Aarau recommande également de faire contrôler sa peau par un médecin tous les deux ans.
Ces études qui mettent en doute l’utilité du dépistage
Le hic, c’est qu’après plusieurs décennies de pratique, les bénéfices du dépistage généralisé sont encore loin d’être établis.
Le Dr Reinhard Dummer, directeur adjoint de la clinique dermatologique de l’hôpital universitaire de Zurich, les trouve «peu efficaces» (lire son interview: «La protection solaire est la chose la plus importante»). De nombreux mélanomes qui conduisent à une issue fatale se développent rapidement. «Les médecins les ratent souvent, même s’ils examinent le corps des patients chaque année.» Le réseau de cabinets médicaux zurichois Medix écrit qu’à ce jour, il n’est «pas possible de faire une recommandation fondée sur des preuves» quant à l’utilité de ces tests cutanés. Le Dr Stefan Teske, dermatologue au Medix, explique que des études plus nombreuses et de meilleure qualité seraient encore nécessaires pour prouver les avantages des contrôles réguliers chez les personnes en bonne santé. Même la Ligue contre le cancer déconseille les tests de dépistage pour tous.
Une étude pilote allemande de 2004 indique que le dépistage pour tous ne diminue pas le nombre de décès. 360 000 habitants du Land de Schleswig-Holstein se sont fait examiner régulièrement par un médecin pendant deux ans. Au début de l’étude - de 2003 à 2008 - le nombre de décès dus au mélanome malin a diminué de moitié environ. Les autorités ont ensuite introduit des tests de masse réguliers à l’échelle nationale. Malgré ces efforts, de 2009 à 2013, le taux de mortalité a retrouvé son niveau précédent.
En 2016, des scientifiques américains ont confirmé ces résultats. Les chercheurs ont passé au crible les bases de données scientifiques à la recherche d’études qui prouveraient l’utilité des tests de masse. Ils sont arrivés à la conclusion que le niveau de preuve est faible. Leurs résultats ont été publiés dans le Journal of the American Medical Association.
Observer soi-même les changements de peau
Le Dr Dummer conseille aux personnes sans risque accru de consulter un dermatologue puis d’examiner ensuite leur peau elles-mêmes. Stefanie de Borba, porte-parole des cliniques Hirslanden à Berne, abonde dans ce sens: «En principe, nous conseillons à chacun de surveiller lui-même les changements de peau et de consulter un médecin si nécessaire.»
Un examen annuel chez le dermatologue ne devrait être effectué que par les personnes qui présentent un risque accru de mélanome. Il s’agit notamment des personnes qui travaillent beaucoup à l’extérieur, qui ont la peau très claire, de nombreux grains de beauté et des taches de rousseur. En complément, ces personnes devraient également s’examiner elles-mêmes.
Le Skincenter Bern, le cabinet de dermatologie de la Dresse Varga et la clinique Skinmed d’Aarau n’ont pas souhaité faire de commentaires.
Tatiana Jaun / chp
Comment détecter le cancer de la peau
La Ligue contre le cancer recommande d’examiner régulièrement le corps entier, soit soi-même ou par son partenaire. Un mélanome peut apparaître sur n’importe quelle partie de la peau, y compris les zones génitales ou sous les pieds et les ongles.
Les taches visibles suspectes sont asymétriques, mal définies, souvent de couleurs différentes et changent rapidement de largeur, de couleur ou d’épaisseur. Chez l’homme, les mélanomes se développent de préférence sur le dos, chez la femme sur le bas des jambes.
Contactez un dermatologue si un grain de beauté diffère sensiblement des autres par sa forme et sa couleur ou s’il change.