Votre sel de table contient-il de l’iode? Si les «crétins des Alpes» ont disparu, la question demeure malgré tout pertinente. Dans les magasins, les marques et les types de sel se sont multipliés. Tous ne sont pas enrichis en iode. Or, consommer systématiquement du sel non iodé n’est pas sans risque pour la santé.
En Suisse, l’ajout d’iode dans le sel remonte à une centaine d’années. A cette époque, la population souffrait de graves carences. L’histoire des goitreux et des «crétins des Alpes» est bien connue. Les uns comme les autres étaient victimes d’un manque d’iode dans l’alimentation. Rien d’étonnant à cela: les sols de notre pays contiennent très peu de cet oligo-élément, particulièrement dans les régions alpines.
Au début du XXe siècle, des médecins ont émis l’idée d’ajouter de l’iode au sel de table consommé par l’ensemble de la population. Facile et bon marché, cette stratégie alors inédite dans le monde devient réalité en 1922. Elle n’a jamais été démentie depuis. Progressivement, la proportion d’iode dans le sel a augmenté pour s’élever aujourd’hui à 25 mg/kg.
Indispensable à la thyroïde
Le taux d’iode dans le sel est régulièrement réévalué par la Commission fluor et iode de l’Académie des sciences médicales et l’Office fédéral de la Santé publique. Autant dire que la question est prise très au sérieux. «L’iode est indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes qui sont essentielles à un développement normal et au bon fonctionnement du métabolisme», confirme Peter Kopp, médecin-chef au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV.
Les conséquences d’une carence sur la santé sont nombreuses: retard de croissance, retard mental (le «crétinisme»), protubérance au niveau du cou ou goitre (il correspond à un élargissement de la thyroïde qui tente ainsi de capter le plus d’iode possible). Un apport d’iode insuffisant peut aussi conduire à une hypothyroïdie. Celle-ci se caractérise par un ralentissement du métabolisme qui s’accompagne d’une prise de poids, de fatigue, de constipation, de problèmes de peau, d’une chute des cheveux, d’une détérioration des fonctions cérébrales (mémoire, apprentissage, etc.), voire de troubles du cycle menstruel et de la fertilité.
Les femmes enceintes et allaitantes sont particulièrement à risque de carence, puisqu’elles doivent couvrir leurs besoins et ceux de leur bébé. «En cas de manque d’iode durant la grossesse, l’enfant risque de souffrir d’hypothyroïdie fœtale pouvant entraîner un retard mental», précise Peter Kopp.
Retour des goitres
Selon l’endocrinologue, «si on arrêtait d’ajouter de l’iode au sel, les goitres réapparaîtraient d’ici quelques années». La question du sel enrichi reste d’actualité, car nos sols et nos cultures contiennent toujours aussi peu d’iode. Or un adulte devrait en consommer au moins 150 microgrammes/jour. C’est d’ailleurs pour compenser la diminution de la consommation globale de sel ces dernières décennies que la proportion d’iode ajoutée a été relevée. Elle pourrait très bien l’être à nouveau dans les années à venir.
A noter encore que le sel enrichi en iode l’est parfois également en fluor. Mesure plus tardive, cette adjonction vise à lutter contre les caries, car le fluor renforce l’émail des dents. Geneviève Comby
Sel iodé, pain, œufs et produits de la mer
Au quotidien, mieux vaut acheter du sel enrichi en iode pour assaisonner son alimentation, recommande le médecin Peter Kopp. Le geste est simple et efficace car, pour le reste, il n’est pas évident pour le consommateur de s’y retrouver. Parmi les aliments courants, le pain contient généralement du sel iodé, puisque la grande majorité des boulangers suisses en utilisent.
On trouve naturellement de l’iode dans les produits de la mer (poissons et crustacés), mais aussi dans les œufs ou les produits laitiers, pour autant qu’ils soient issus d’animaux nourris avec du fourrage enrichi en iode. Quant aux préparations industrielles, souvent (trop) riches en sel, bien malin qui pourrait déterminer si celui-ci est iodé ou non.