Le «groupe d’information sur les boissons rafraîchissantes» réunit des politiciens et des membres de l’industrie des sodas. Son but: lutter contre des réglementations régissant les boissons sucrées. Il a, par le passé, pu se réjouir de succès retentissants. Ce fut le cas en début d’année 2023, lorsque le Conseil national rejetait deux initiatives des cantons de Genève et de Fribourg qui souhaitaient imposer une réduction de la teneur en sucre dans les sodas et obliger les fabricants à la déclarer.
En novembre 2022, la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national a rejeté une initiative parlementaire visant à inclure les boissons sucrées telles que Rivella ou Coca-Cola dans la «Déclaration de Milan», une charte de grands groupes alimentaires qui les engage à réduire la teneur en sucre de leurs produits.
Commande de sondages
Le groupe se dit apolitique. Il charge chaque année l’institut gfs.bern de réaliser un «moniteur alimentaire» sur l’acceptation de taxes sur le sucre – dont il ne conserve que les éléments qui l’arrangent. Ainsi, le groupe a maintenu sur son site que les électeurs suisses ne veulent pas réglementer l’alimentation par des taxes. Cela alors que l’édition du moniteur de septembre 2023 estime que l’acceptation d’une telle taxe a clairement augmenté. Les statuts du groupe d’information précisent par ailleurs sa mission, visant à s’engager pour le maintien de la «liberté de choix» du consommateur – et donc contre des taxes incitatives.
Cette force politique a perdu de nombreux soutiens à Berne après le renouvellement du Parlement ce 22 octobre 2023. En effet, parmi les neuf conseillers nationaux membres du groupe d’information, cinq ne se sont pas représentés.
Lien avec Nestlé
Cela ne veut pas dire, pour autant, que le lobby du sucre n’exerce plus d’influence sur les parlementaires fédéraux. Son président est le conseiller national Lorenz Hess (Centre, Berne), qui reste présent sous la Coupole – et siège dans la Commission pour la santé. Le groupe d’informations sur les boissons rafraîchissantes fait partie de l’Association suisse des sources minérales et des producteurs de boissons non alcoolisées, présidée par Nestlé. Celle-ci conserve, par le biais de sa «Communauté d’intérêt pour les eaux minérales», de nombreux soutiens, dont le conseiller aux États jurassien Charles Juillard (Centre).
Une autre association pèse de tout son poids contre la régulation du sucre: la fédération des industries alimentaires suisse. Jusqu’en 2022, celle-ci était présidée par la Vaudoise Isabelle Moret, qui en a quitté la présidence lorsqu’elle a rejoint le gouvernement vaudois. Elle a été remplacée par l’ancienne présidente du PLR Petra Gössi, réélue en octobre au Conseil national. Enfin, Simone de Montmollin, élue genevoise PLR, est membre du Conseil d’administration de l’entreprise Sucre suisse, qui détient le monopole de la transformation des betteraves sucrières.
Contacté, le conseiller national Lorenz Hess se défend de faire de la politique au nom du groupe qu’il préside, tout en concédant «participer» au débat sur la réduction du sucre dans les sodas. Pour Otto Hostettler, journaliste et co-président de l’association Lobbywatch, la défense ne tient pas: «Le groupe d’information sur les boissons rafraîchissantes est une organisation de lobbying classique qui n’a qu’un seul but: empêcher toute taxation sur le sucre.»
Katharina Baumann, Jocelyn Daloz