Les anneaux de dentition permettent aux bébés de faire travailler leurs muscles et de soulager leurs douleurs gingivales. Problème: ces produits contiennent souvent des bisphénols, des plastifiants qui peuvent perturber le système hormonal et nuire à la capacité de reproduction. C’est ce que révèlent des tests menés par le Conseil danois des consommateurs Think, en collaboration avec d’autres organisations européennes de consommateurs.
Sur les 121 articles pour bébés examinés, 72 contenaient des bisphénols qui se détachaient des matériaux au moment de l’entrée en contact avec la salive. Parmi eux figurent des objets destinés à être mis dans la bouche (voir tableau). La gourde Bella Unicorn, produite par Sigg, en est un exemple. Interpellé, le fabricant suisse indique que son flacon n’est pas conçu pour les bébés ou les jeunes enfants. Autre cas: le gobelet Börja, vendu chez IKEA. Une enquête est en cours à ce sujet, assure IKEA Suisse.
Danger pour la santé
Le bisphénol A est le plus connu. Classé dans la catégorie des «substances très préoccupantes» par l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC), il affecte le développement cérébral des jeunes enfants qui peuvent, plus tard, développer des difficultés d’apprentissage, de l’obésité, des cancers du sein ou de la prostate. Ce composé est interdit en Suisse dans les biberons, dans les revêtements des contenants alimentaires dédiés aux nourrissons ou aux enfants et sur le papier thermique, utilisé notamment pour les tickets de caisse.
De nombreux fabricants se rabattent ainsi sur d’autres bisphénols, note Joëlle Rüegg, professeure en toxicologie environnementale à l’Université de Uppsala, en Suède. Il s’agit notamment des bisphénols AF, BP, G et M, trouvés lors des tests de Think. Peu de recherches ont été effectuées sur leur toxicité et il n’existe aucune restriction d’utilisation.
Ces substances ne sont pourtant pas inoffensives. Dans une étude parue en 2021, Joëlle Rüegg et des confrères ont montré que des garçons exposés au bisphénol F à l’état d’embryon avaient, à 7 ans, un quotient intellectuel inférieur à celui des enfants du même âge.
Lenteur des autorités
En avril dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a proposé d’abaisser d’un facteur 20 000 la valeur limite de l’ingestion quotidienne de bisphénol A. Joëlle Rüegg est d’avis qu’il faut aller plus loin, en interdisant tous les bisphénols dans les articles destinés aux plus jeunes. «Il est clair qu’ils sont nocifs pour le développement. Les autorités doivent protéger les enfants contre ces dangers», souligne-t-elle.
Les autorités helvétiques préfèrent toutefois attendre. Contacté, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) explique étudier «une réglementation pour la Suisse» dans le cas où l’Union européenne en limite l’utilisation.
Eric Breitinger / kg