Tout le monde sait aujourd’hui que la cigarette est nocive à la fois pour les fumeurs et leur entourage. La fumée inhalée par les premiers est qualifiée de primaire et celle que leurs proches respirent est dite secondaire ou passive.
Beaucoup d’entre nous ignorent cependant qu’il existe encore une «fumée tertiaire», comme l’ont montré des recherches menées aux Etats-Unis. «Il ne s’agit pas de fumée à proprement parler mais de résidus de celle-ci qui se déposent sur les surfaces intérieures et qu’on retrouve dans les poussières», explique Isabelle Jacot Sadowski, tabacologue et médecin agréé à Unisanté à Lausanne.
Les chercheurs américains en ont découvert partout: sur la peau, les cheveux et les habits des fumeurs, sur leurs meubles, leurs tapis, leurs rideaux, les murs de leurs logements, dans leurs voitures, etc. Les intérieurs où l’on a fumé régulièrement pendant des années sont les plus contaminés.
Quels risques?
«Des études ont montré que ces résidus peuvent demeurer sur les surfaces pendant des mois, voire des années, et qu’ils contiennent des produits cancérigènes comme les nitrosamines. De plus, certaines substances peuvent réagir avec d’autres présentes dans l’air et former de nouveaux composés potentiellement toxiques», relève la tabacologue.
Les résidus de la fumée du tabac sont absorbés par inhalation, par la peau ou par la bouche. De ce fait, les petits enfants, qui jouent au sol, touchent les différentes surfaces et portent les objets à la bouche sont particulièrement exposés. Et leur organisme est très vulnérable.
Une telle situation soulève de nombreuses interrogations: quel risque court-on, par exemple, lorsqu’on déménage dans l’ancien logement d’un fumeur ou que l’on achète sa voiture? Et quel danger les accros à la cigarette, couverts de résidus de fumée, font-ils courir à leur famille?
Jean-Paul Humair, directeur du Centre d’information et de prévention du tabagisme (CIPRET) à Genève et médecin adjoint agrégé aux HUG, relève que les connaissances actuelles sont insuffisantes pour répondre avec certitude. La fumée tertiaire étant une notion récente, «la recherche demeure assez mince et les données fragmentaires». Des études sur les animaux ont montré que l’exposition aux résidus favorise des altérations cellulaires susceptibles de dégénérer en cancer. Il est probable que les humains courent un risque similaire, mais il n’a pas encore été démontré. Et ce ne sera pas aisé, constate notre interlocuteur: «Il est très difficile de mesurer l’impact de la fumée tertiaire en le différenciant de celui de la fumée secondaire, car l’exposition est le plus souvent combinée.»
Aérer ne suffit pas
L’élimination des dépôts laisse aussi de nombreuses questions en suspens. Repeindre les murs et nettoyer en profondeur ne serait pas suffisant pour s’en débarrasser complètement. Dans les intérieurs très pollués, la seule solution efficace consisterait à enlever et remplacer les éléments contaminés: tapis, meubles, plaques de plâtre, etc.
Plus globalement, nos deux spécialistes recommandent bien évidemment d’arrêter la cigarette. «A défaut, il faut éviter à tout prix de fumer à l’intérieur, y compris à la fenêtre, et faire en sorte que la fumée ne rentre pas, par exemple depuis le balcon», souligne Isabelle Jacot Sadowski. «Et croire qu’il suffit d’aérer une pièce est illusoire. C’est peu efficace, car de nombreuses particules provenant de la fumée du tabac demeurent en suspension et le temps de renouvellement est très long», prévient Jean-Paul Humair.
*Plus d’infos: thirdhandsmoke.org
Sébastien Sautebin