Robert Deuret (nom d’emprunt) ressentait des douleurs de plus en plus fortes quand il se couchait sur le côté. Et rester debout un long moment devenait toujours plus inconfortable. Notre lecteur avait aussi de la peine à enfiler ses chaussettes et lacer ses chaussures. Une arthrose des hanches a été diagnostiquée. Le médecin lui a conseillé la pose d’une prothèse des deux côtés.
L’opération, survenue il y a deux ans, n’a pas donné de bons résultats. Notre lecteur en est ressorti avec la jambe droite plus courte, la hanche de travers et un bassin qui avait perdu sa symétrie. Pour ne rien arranger, Robert Deuret a commencé à ressentir également une pression douloureuse sur un disque intervertébral. Enfin, le tendon au niveau du cotyle de la hanche s’est mis à craquer. «J’étais déçu», confie l’infortuné patient.
Un an après, il s’est fait opérer le côté gauche par un autre chirurgien dans un autre hôpital. Ce dernier est parvenu à réajuster la hanche. «Je suis content, relève notre interlocuteur, les douleurs ont disparu.» Seul le tendon craque encore, par exemple, lorsqu’il lève le genou ou fait du vélo.
Patients opérés trop jeunes
Beaucoup de chirurgiens affirment que la pose d’une hanche est une opération de routine sûre. Sur son site, le groupe Hirslanden affirme, par exemple, que «le remplacement de la hanche est l’une des interventions les plus fréquentes et se déroule généralement sans complications». La clinique zurichoise Schulthess, qui se décrit comme «le plus grand centre de référence de Suisse en matière de prothèse de la hanche», considère qu’il s’agit d’«une des opérations les plus réussies de l’orthopédie».
L’intervention est très répandue en Suisse, et les personnes opérées sont de plus en plus jeunes. Le nombre de personnes âgées de 51 à 60 ans a augmenté de plus de 20% selon les chiffres de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan), qui analyse notre système de santé sur mandat de la Confédération et des cantons.
Risques non négligeables
«Il est trop tôt pour une opération à cet âge», commente Hannu Luomajoki, professeur de physiothérapie musculosquelettique à la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). Car l’intervention n’est pas sans risque. Certains chirurgiens affirment que les prothèses restent stables pendant vingt-cinq ans. Mais cela ne concerne que très peu de patients, comme le montre une étude réalisée en 2019: pour près de huit patients sur dix, le dispositif n’a tenu que quinze à vingt ans. Le chirurgien américain Erik Hansen, de l’Ecole de médecine de l’Université de Californie, aux Etats-Unis, relève sur son site web, que la prothèse peut se déboîter chez près de trois patients sur 100. Ce risque est plus élevé chez les personnes âgées ou les individus dont la musculature est faible. En outre, chaque opération comporte un risque d’infection nosocomiale. En Suisse, près de 70 000 personnes hospitalisées en souffrent chaque année. De surcroît, la plupart des poses de prothèses de la hanche se déroulent sous anesthésie générale, ce qui augmente le risque de thrombose et d’embolie pulmonaire. Cette narcose présente également un risque de délires. Un patient sur trois en est victime après une opération de la hanche.
Retarder au maximum
Pour de nombreux spécialistes, il faut attendre le plus longtemps possible avant l’opération. Daniel Tapernoux, de l’Organisation suisse des patients (OSP), estime ainsi «qu’on devrait vraiment souffrir avant de se faire poser une prothèse». Si les radiographies, par exemple, montrent des signes d’arthrose, mais qu’elle ne provoque ni gêne ni limitation, l’intervention chirurgicale n’est pas nécessaire. Pour Hannu Luomajoki, il est évident qu’il faut d’abord traiter les patients avec une physiothérapie. L’économiste de la santé Heinz Locher recommande, quant à lui, de requérir un deuxième avis médical.
La situation est différente en cas de fracture. Ceci concerne fréquemment les personnes âgées qui se cassent le col du fémur en chutant. Selon Daniel Tapernoux, l’opération est alors indiquée la plupart du temps. Laisser la fracture guérir de manière naturelle ne constitue souvent pas la meilleure des alternatives. Le patient est alité durant cette période et risque de contracter une pneumonie ou une embolie pulmonaire.
Daniel Tapernoux souligne que les patients ont tout intérêt à choisir un spécialiste et un hôpital bénéficiant d’une grande expérience, lorsque le recours au bistouri est inévitable: «Le chirurgien devrait pratiquer cette intervention 20 à 50 fois par an afin qu’il ait assez de routine.» Des sites comme quel-hopital.ch ou hostofinder.ch peuvent aider à faire son choix.
Sara Schaub / seb
Comment retarder l’opération
- Perdre du poids. L’excès pondéral favorise l’arthrose et aggrave son évolution.
- Etre attentif à son alimentation: consommer du poisson gras, des huiles végétales, des noix, des poireaux, des oignons, etc.
- Renforcer ses muscles et son équilibre.
- Pratiquer un sport doux qui ménage les articulations: gymnastique, roller, yoga, etc.
- Arrêter de fumer.