La pandémie de Covid-19 a mis en lumière une pathologie jusque-là peu connue: l’anosmie ou la perte d’odorat. Temporaire ou définitif, ce trouble souvent négligé toucherait pourtant jusqu’à 5% de la population en temps ordinaire. Les causes de ce handicap sont multiples: rhume chronique, infection virale, traumatisme crânien ou encore maladies neurologiques.
Identifier la cause
Comment soigner une perte de l’odorat? Il faut tout d’abord en identifier l’origine. Une consultation auprès d’un généraliste, puis d’un médecin ORL s’impose en cas de trouble persistant. Dans un premier temps, le spécialiste va parler avec le patient afin de rechercher les causes possibles du handicap. Une endoscopie nasale peut être effectuée pour repérer les éventuels signes d’inflammation. Malheureusement, «il est impossible de poser un diagnostic pour environ 10 à 15% des patients, malgré les bilans et les imageries», relève Basile Landis, médecin à l’unité de rhinologie-olfactologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Les traitements à disposition des médecins sont rares. En cas d’origine rhino-sinusienne, comme un nez bouché, le patient traité retrouve en général rapidement son olfaction, si l’affection nasale est correctement traitée. En l’absence de traitement, les individus touchés ont une chance de récupérer spontanément leur odorat. En effet, les cellules de l’olfaction ont le pouvoir de se renouveler, contrairement à celles de l’ouïe ou de la vision. Le pronostic de récupération est nettement meilleur pour les conséquences d’une infection respiratoire que pour un traumatisme crânien.
Exercices de rééducation
Le coronavirus appartient aux causes post-infectieuses de cette pathologie. Selon les dernières études, «l’infection ne passerait pas directement par les neurones olfactifs, mais les cellules de soutien qui les nourrissent», indique Basile Landis. Courant en cas de Covid modéré, ce handicap semble rapidement réversible: 90% des personnes atteintes guérissent en deux à trois semaines. Reste que certains patients gardent encore des troubles de l’odorat depuis la première vague du virus. Tout espoir n’est cependant pas perdu: l’odorat peut mettre jusqu’à deux ans avant de faire sa réapparition.
Les personnes qui tardent à retrouver ce sens peuvent, par ailleurs, favoriser la récupération par la rééducation olfactive. Celle-ci consiste à sentir quotidiennement, matin et soir, des odeurs familières, comme par exemple le café, la banane, la lavande ou le citron. Il est conseillé de s’entraîner dans le calme, en se concentrant bien, à distance des repas. Il faut faire preuve de patience, car la récupération est souvent lente et progressive.
Sans odeur, plus de saveur
Ce symptôme semble bénin. L’odorat n’est certes pas un pilier de notre survie sociale, contrairement à la vision et à l’audition. Il ne faut toutefois pas sous-estimer les conséquences psychologiques et sociales de ce handicap. «Le spectre de réactions à l’anosmie est très large», constate Basile Landis. Certains patients sont peu affectés, continuant à éprouver du plaisir à boire et à manger. D’autres voient leur vie chamboulée et sombrent dans la dépression.
Il faut savoir que la perte de l’odorat s’accompagne souvent d’agueusie, la perte du goût. Les deux sens sont en effet étroitement liés. Si la langue permet de sentir les cinq goûts de base (le sucré, le salé, l’acide, l’amer ainsi que l’umami, un cinquième goût moins connu qui correspond à la saveur du glutamate), la perception des saveurs est par contre assurée par le système olfactif. L’anosmie a donc un gros impact sur la perception des arômes. Quand on ne sent plus rien, ce qu’on mange devient insipide.
Alexandre Beuchat
Zoom: Gare aux accidents domestiques
Au-delà de générer un sentiment de frustration, l’anosmie peut représenter un véritable danger. L’odorat n’est pas uniquement réservé aux plaisirs. Il sert aussi à avertir de certains risques comme l’ingestion d’aliments périmés, voire toxiques, ou la non-détection d’une fuite de gaz, d’une casserole brûlée ou d’une émanation de fumée. Les personnes concernées doivent donc faire preuve de vigilance. «Beaucoup de patients qui ont eu une perte d’odorat sévère ont eu au moins une fois un accident domestique», note Basile Landis.