Les cas de myopie explosent partout. Les chiffres laissent perplexe. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre d’individus souffrant de ce handicap devrait passer de 1,95 milliard en 2010 à 3,36 milliards en 2030. Le phénomène est particulièrement impressionnant en Asie. Près de neuf jeunes Asiatiques sur dix en fin d’études en souffrent. Ce sont surtout les jeunes vivant dans des zones urbaines dans des pays développés comme le Japon, la Corée du Sud, Taïwan ou la Chine qui sont touchés.
La situation n’est pas aussi extrême en Europe, mais la tendance est clairement à la hausse. «Habituellement la myopie touchait plutôt l’adolescent ou le jeune adulte. On constate qu’elle survient actuellement plus précocement dans la vie», souligne Nathalie Voide, ophtalmologue à l’Hôpital ophtalmique Jules-
Gonin, Ã Lausanne.
Risques de complications
Il s’agit d’un enjeu de santé publique majeure. Le myope fort, au-delà de -5 dioptries, s’expose à de graves complications oculaires à plus long terme, comme un décollement de rétine, un glaucome, ou une cataracte. C’est pourquoi il est nécessaire de la déceler le plus tôt possible afin d’en freiner la progression. Plus la prise en charge est précoce, plus les résultats sont probants.
Plusieurs traitements sont proposés pour limiter la progression de la myopie. Ils sont généralement mis en place quand celle-ci augmente d’au moins d’une dioptrie par année, indique Nathalie Voide. Administrer des gouttes d’atropine faiblement dosée dans l’œil ralentit l’allongement du globe oculaire. On peut également mentionner l’orthokératologie, qui consiste à porter des lentilles durant la nuit afin d’aplanir la cornée ou le port de lentilles multifocales qui défocalisent l'image en avant de la rétine périphérique.
Repérer les premiers signes
Comment expliquer une telle progression de la myopie? Au-delà des causes génétiques, notre mode de vie est incriminé. La réduction du temps passé à l’extérieur et la sollicitation accrue de la vision de près sont en cause. L’œil n’est plus habitué à regarder au loin. Ces nouveaux comportements provoquent une fatigue visuelle qui se transforme parfois en myopie. Aucune étude n’a démontré la responsabilité des écrans dans la survenue de la maladie. Il est toutefois incontestable que ceux-ci accroissent le temps passé en vision rapprochée.
Les premiers signes de difficulté à voir de loin sont généralement révélateurs. L’enfant plisse des yeux pour regarder au loin, regarde de trop près les écrans ou souffre de maux de tête. Dès qu’on constate ces premiers signes, il faut consulter un ophtalmologue. En âge préverbal, l’enfant ne va pas forcément se plaindre d’une myopie légère, car son monde est assez rapproché. C’est pourquoi on conseille aux parents qui souffrent d’un handicap moyen ou fort de faire dépister précocement leur progéniture.
Alexandre Beuchat
Sortir, dès que ce sera à nouveau possible
Les bienfaits de la lumière naturelle sont connus. Celle-ci active la production de dopamine qui a un effet protecteur sur l’œil. Il a été prouvé qu’un programme quotidien de 40 minutes d’activité en plein air permet de réduire les risques de myopie, relève Anne Favard, ophtalmologue à Swiss Visio Montchoisi, à Lausanne. Nathalie Voide préconise de veiller à ce que les enfants s’exposent au moins une heure par jour à la lumière extérieure. Quant aux écrans, elle plaide pour une attitude raisonnée. «Nous ne pouvons pas complètement bannir les écrans de notre vie quotidienne. Il faut proposer aux parents de varier au maximum les activités», estime-t-elle. Anne Favard souligne pour sa part les effets délétères des écrans avant l’âge de trois ans, car ils captent terriblement l’attention. Le psychiatre français Serge Tisseron a proposé des repères quant à l’utilisation des écrans chez les enfants. C’est la fameuse règle de 3-6-9-12: pas d’écran avant 3 ans, pas de console de jeu avant 6 ans, pas d’internet seul avant 9 ans et internet avec prudence à 12 ans. Il est par ailleurs recommandé de respecter une distance minimum de 30 cm entre les yeux et le livre ou l’écran.