En Suisse, les ménages ont subi une hausse de 145% des primes d’assurance maladie entre 1996 et 2020. Cela n’inclut ni la hausse vertigineuse de 6,6% en 2023, ni celle à venir pour 2024. Ce mécanisme sans frein est choquant. Difficile d’imaginer un système aussi peu social.
Pourtant, rien ne bouge. Nos politiciens participent aux grands débats qui suivent la publication des primes à venir, puis s’en vont, laissant les lobbyistes préparer le tour de manège suivant. Car pour un certain nombre d’acteurs de ce pays, plus le système coûte, plus ils s’enrichissent. Pourquoi dès lors y mettre un frein?
Un système qui souffre
Ce système souffre pourtant de nombreux maux. Le premier, aussi largement admis que peu questionné, tient au fait que les mêmes acteurs, les assureurs, gèrent à la fois une assurance sociale, la LAMal, et des assurances privées, les complémentaires. Ce mélange ne contribue certainement pas à la bonne santé de l’ensemble.
D’un point de vue social, notre système est également très inégalitaire. Pourquoi paie-t-on des primes pour recevoir des soins? Nous ne payons pas de primes pour les routes ou pour les écoles. En d’autres termes, pourquoi la santé n’est-elle pas financée exclusivement par les impôts, que chacun paie en fonction de ses revenus? Il existe sans doute quelque part une explication, mais rien qui empêche de repenser les bases d’un système bancal. Dans tous les cas, les primes ne devraient pas dépasser un certain pourcentage du revenu d’un citoyen ou d’un ménage.
Les incohérences
Car que penser d’un système dont le financement est si cher qu’un tiers de la population doit recevoir une aide pour pouvoir payer ses primes? Un tiers! Pas 5 ou 10%, mais 33%. Ceci, dans un pays riche. Et pourquoi l’aide apportée par les cantons à ses habitants diffère-t-elle d’une région à une autre? L’indépendance des cantons au sein de la Confédération ne saurait tout justifier et cette inégalité est choquante. Tout comme les obscures différences de primes entre cantons et même d’une commune à l’autre!
Par ailleurs, comme ces aides sont payées par nos impôts, ceux qui ne reçoivent pas de subsides payent deux fois: une pour leurs primes et l’autre à travers leurs impôts pour financer les subsides.
Un système qui va finir par exploser
Les coûts de la santé vont continuer d’augmenter, pour de nombreuses raisons, parmi lesquelles le vieillissement de la population et l’évolution de la technologie médicale. Il est donc impératif que des mesures soient prises pour réformer le financement du système de santé à défaut de réformer le système lui-même, avant qu’il ne puisse plus l’être.
Nous avons tous une responsabilité face à cette situation. En tant que citoyens, en votant pour les partis qui défendent les intérêts des habitants et des patients de ce pays. Les professionnels de la santé ont aussi un rôle à jouer, ils s’investissent certainement insuffisamment dans les questions de financement du système de santé. Les assureurs sont bien sûr aussi concernés, en particulier par un manque de transparence bien opportun.
Mais en premier lieu, ceux à qui les habitants de ce pays doivent demander davantage de comptes, ce sont nos politiciens. Leur travail est certes difficile, mais il est de leur responsabilité de trouver des solutions qui vont au-delà du sparadrap pour soigner un système gravement malade.
Dr Jean Gabriel Jeannot, médecin, spécialiste en médecine interne