Révolues les longues séances d’inhalation, avec un linge sur la tête et un bol bouillant près du visage. Que l’on se contente d’eau chaude ou que l’on y mêle de l’huile essentielle à base de thym, romarin, cinéole ou camphre, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Les produits spécialement dédiés vendus en pharmacie, Nasobol Inhalo, Inhalant et autres Vicks Vaporub, offrent une sensation de fraîcheur, mais n’aident pas ou presque pas à se remettre d’aplomb.
Le réseau de médecins MediX, actif dans toute la Suisse, est catégorique: les inhalations ont peu d’efficacité pour soigner un refroidissement. Même constat à l’international, où l’organisation Cochrane, active dans la recherche médicale dans plus de 100 pays, a analysé six études d’environ 400 participants pour trancher la question. La plupart des patients ne se sont pas sentis mieux ni moins bien après avoir effectué des inhalations. L’une des études a aussi examiné si la vapeur d’eau inspirée parvenait à réduire la quantité de virus dans le nez ou à diminuer la contagiosité des malades. Dans les deux cas, la réponse est non.
Inspirer de la vapeur d’eau chaude n’aide pas davantage à libérer les sinus. «Ce n’est pas avec des inhalations que l’on se remettra plus vite d’un rhume», assure Adrian Rohrbasser, médecin et chercheur à l’Institut de médecine de famille de l’Université de Berne. Ce rituel n’a pas plus d’effet sur la toux, ajoute-t-il. Et en mêlant du sel à la vapeur d’eau bouillante? Le Deutschen Apotheker-Zeitung, hebdomadaire des pharmacies allemandes, a tenté l’expérience: l’essentiel du sel reste dans le bol et n’agit donc aucunement contre le rhume.
Huiles irritantes et contre-productives
Dans son guide contre les affections hivernales typiques, MediX affirme que la vapeur d’eau mêlée aux huiles essentielles ne décongestionne pas les muqueuses. Selon l’Institut de médecine de famille de l’Université de Zurich, ces produits très appréciés mais dont l’efficacité semble douteuse auraient même parfois des conséquences négatives. «Ces huiles peuvent irriter la peau et les muqueuses», souligne Oliver Senn, directeur de l’institut. Ce qui explique pourquoi elles ne sont pas adaptées aux enfants et aux nouveau-nés.
Autre danger de l’inhalation, à ne pas prendre à la légère: on peut se brûler gravement. Il arrive que le bol avec l’eau bouillante soit renversé. Or au moment d’inspirer les vapeurs, le visage est à proximité immédiate. L’eau peut aussi brûler le ventre, les cuisses ou les parties génitales de la personne en position assise. Les statistiques suisses montrent que le nombre d’enfants à l’hôpital à cause d’une telle mésaventure a fortement augmenté en 2022.
Rinçages du nez recommandé
Pour se remettre d’un refroidissement, le plus efficace reste le repos, souligne Adrian Rohrbasser. Il existe également des moyens de soulager les symptômes: contre la fièvre et les douleurs, des médicaments à base de paracétamol ou d’ibuprofène, mais aussi les rinçages du nez pour hydrater les muqueuses et désenflammer les sinus (lire notre Zoom ci-dessous).
Concernant les produits spécifiquement conçus pour les inhalations cités plus haut, les pharmas ne voient aucun problème à leur commercialisation. Spirig Healthcare écrit que Swissmedic, l’autorité d’autorisation et de contrôle des produits thérapeutiques, a validé l’utilisation de Nasobol Inhalo en cas d’infections des voies respiratoires, et que les bénéfices de cette mixture l’emportent donc sur les risques. De son côté, Galenica renvoie à la notice d’emballage de Vicks Vaporub, où sont clairement listés les potentiels effets secondaires.
Attention à l’accoutumance
Témoignage de Sarah, 32 ans, Genève
«Adolescente, j’avais souvent des rhumes. Mes parents me donnaient du Triofan en spray. Chaque fois que j’en utilisais, ça allait nettement mieux. Résultat, j’ai eu tendance à y recourir un peu plus que les trois jours prescrits. Jusqu’à cinq, six, parfois sept jours d’affilée. Et dès l’apparition d’un rhume, j’en utilisais. Au bout d’un certain temps, j’ai éprouvé de la difficulté à m’endormir, car mes narines se bouchaient et je respirais mal, même sans être enrhumée.
Mon réflexe, c’était de prendre du Triofan. Mes parents s’en sont aperçus et me l’ont confisqué de peur que je ne devienne dépendante. Ça a été extrêmement difficile de m’en passer mais, depuis, je n’utilise plus du tout ce type de spray. En cas de rhume, je me soigne avec des produits à base d’eau salée.
Récemment, j’ai eu un rhume suffisamment coriace pour que je me rende en pharmacie. J’ai eu beau expliquer mon histoire, on m’a assuré qu’il n’y avait pas de risque d’accoutumance et que le Triofan était ce qu’il y avait de plus efficace. A ma grande surprise, j’ai dû insister pour obtenir un spray à base d’eau salée.»