Les fumeurs qui ont essayé le savent: se libérer de la cigarette est loin d’être facile. C’est une forme de dépendance insidieuse face à laquelle il faut savoir trouver la bonne source de motivation. On peut se tourner vers certains médicaments, les substituts de nicotine ou la cigarette électronique. Mais ces moyens sont souvent moins efficaces qu’espéré.
C’est ce que montre une enquête d’un magazine indépendant allemand spécialisé dans l’information médicale. Des experts ont évalué le nombre de fumeurs n’ayant pas rechuté, six mois après avoir arrêté la cigarette. Pour cela, ils se sont basés sur les résultats de plusieurs études, notamment ceux d’une vaste enquête du réseau international de recherche Cochrane Collaboration, menée sur 150 000 participants.
Résultat: aucune méthode n’a empêché la grande majorité des participants de se remettre à fumer. Les meilleurs résultats ont été obtenus par des aides au sevrage tabagique présentant d’importants inconvénients et qui restent controversés auprès des spécialistes.
La e-cigarette: problématique
Parmi les aides controversées, figure la cigarette électronique contenant de la nicotine. Ce moyen n’a permis qu’à 14 utilisateurs sur 100 de décrocher sans rechuter. De plus, ces e-cigarettes ne résolvent pas le problème de la dépendance à long terme. Selon le pneumologue Otto Brändli: «La plupart des personnes concernées ne sont alors plus dépendantes des cigarettes normales, mais le sont des cigarettes électroniques.» Par ailleurs, on ne sait pas si les e-cigarettes contenant de la nicotine sont nocives à long terme. Otto Brändli ne les recommande donc «en aucun cas» pour arrêter de fumer.
Interrogée, l’entreprise Shisha Heaven, qui vend des cigarettes électroniques, nous écrit que, selon ses propres enquêtes, 70% des ex-fumeurs se sentent «plus en forme» après être passés aux e-cigarettes. Et que celles-ci seraient moins nocives que les cigarettes normales.
Les médicaments: en dernier recours
Lorsque les moyens classiques de sevrage sont restés sans effet, la prise de médicaments anti-tabac est parfois envisagée. Le Champix obtient les mêmes résultats que la cigarette électronique: avec son aide, seuls 14 participants sur 100 avaient arrêté de fumer au bout de six mois. Le Champix contient de la varénicline, une substance active controversée. Ses effets secondaires sont potentiellement graves: troubles cardiovasculaires, dépressions, voire comportements suicidaires. Selon Otto Brändli, le Champix ne doit être recommandé que lorsque les autres méthodes sont restées sans effet. Ce produit n’est plus disponible en Suisse, sans que l’on sache jusqu’à quand.
Similaire à la varénicline, la cytisine n’est, quant à elle, pas autorisée en Suisse. Elle est commercialisée sous les noms de Desmoxan ou Tabex, qu’il est possible de commander en pharmacie sur ordonnance médicale. En 2023, Cochrane a conclu que la cytisine pourrait être associée à un nombre d’effets indésirables graves plus faibles que la varénicline.
Quant à l’antidépresseur Zyban, il a obtenu des résultats légèrement moins bons. Son mécanisme d’action n’est pas clair et les patients qui en prennent souffrent souvent de maux de tête et d’insomnies.
Pfizer, qui commercialise le Champix, affirme que, dans deux études d’autorisation, un participant sur quatre n’a plus fumé après un an avec son médicament. GlaxoSmithKline admet que le Zyban peut provoquer des insomnies ou des maux de tête.
Gommes et patchs: recommandables
Les gommes à mâcher et les patchs à la nicotine ont également obtenu de mauvais résultats. Les spécialistes les considèrent néanmoins comme recommandables, car ils atténuent les symptômes de sevrage.
Pour les experts, il est clair que les fumeurs devraient bien se préparer avant d’arrêter et combiner plusieurs méthodes et stratégies lors de leur tentative. Il est notamment judicieux de se faire aider, que ce soit par téléphone ou dans le cadre de séances. Ce n’est pas une garantie de succès, précise Otto Brändli, «mais si l’on combine des produits nicotiniques comme les gommes à mâcher avec des conseils, les chances d’y arriver sont au moins aussi élevées qu’avec les e-cigarettes».
Se fixer un objectif
Le médecin relève, par ailleurs, qu’avoir une bonne raison d’arrêter constitue une aide non négligeable pour relever le défi. Nouvelle relation amoureuse, arrivée d’un enfant, problème de santé?... Autant d’occasions de remettre ses habitudes en question. Et de se fixer de nouveaux objectifs, pour retrouver un nouveau souffle.
Tobias Frey / gc
Arrêter pas à pas
- Fixez une date à partir de laquelle vous ne fumerez plus une seule cigarette
- Informez vos amis et collègues de votre intention. Cela peut vous aider à persévérer.
- Choisissez une méthode qui vous convient
- Faites des réserves d’en-cas sains pour affronter les fringales
- Occupez votre main et votre bouche, par exemple avec un cure-dent
- Evitez les lieux fréquentés par les fumeurs et limitez les sources de tentation
- Faites du sport, cela vous aidera à mieux respirer
- Demandez de l’aide à un centre de conseil. Adresses utiles:
- Stop-tabac: site internet et ligne téléphonique 0848 000 181 (appel 8 ct. la minute sur le réseau fixe, davantage sur le réseau mobile. Les entretiens suivants sont gratuits). www.stop-tabac.ch
Cipret: Fribourgcipretfribourg.ch
Genèvecarrefouraddictions.ch/cipret
Vaudunisante.ch
Jurafondationo2.ch/programme/cipret-jura
Neuchâtelvivre-sans-fumer.ch
Valaispromotionsantevalais.ch
Des méthodes douces en complément
L’efficacité des méthodes alternatives n’est pas prouvée scientifiquement. Mais on peut les tester en complément des substituts. Un lecteur a ainsi témoigné, pour Ma Santé, en avoir fini avec la cigarette grâce à l’hypnose(lire «Faire la nique à la nicotine»).
L’acupuncture, l’acupressure et les traitements au laser sont censés agir sur les symptômes de manque, en traitant notamment les points sensibles de la tête. Les études sont encore insuffisantes pour prouver l’efficacité de ces thérapies. Quant à l’électrostimulation, ses effets ne sont pas avérés. Mais tous les moyens sont légitimes pour passer le cap: l’essentiel est de trouver ce qui permet, à chacun, de tenir bon dans ses objectifs.