En Suisse, environ 250 000 personnes – deux tiers d’hommes – sont alcoolodépendants ou risquent de le devenir. Si l’on en croit les recommandations de l’Office fédéral de la santé publique, on devrait pouvoir consommer, avec un risque faible, un verre standard par jour pour les femmes et deux verres pour les hommes. Un verre standard correspondant à 3 dl de bière, 1 dl de vin ou 2 cl d’eau de vie.
Qu’en est-il dans d’autres pays? La France recommande de ne pas dépasser 10 verres standards par semaine et pas plus de deux par jour, l’Allemagne suit la Suisse mais en Grèce par exemple, une consommation quotidienne de quatre bières ou 5 dl de vin pour les hommes est considérée comme acceptable.
Pourquoi de telles différences? Apparemment, les raisons tiennent davantage à des questions politiques qu’à des faits scientifiques. Car en basant leurs recommandations sur les faits et la science, le message des autorités, ici comme ailleurs, serait plus clair: l’alcool a des effets néfastes dès la première gorgée. Plusieurs études démontrent sans ambigüité qu’un seul verre de vin peut, par exemple, perturber notre cycle de sommeil. Car si nous nous endormons effectivement plus rapidement, ce repos est fractionné par des réveils plus fréquents dans la seconde partie de la nuit. Le sommeil est donc moins réparateur et le cycle perturbé.
La part de l’individu
Mais ce n’est pas tout: dès le premier verre, il est également avéré que le risque de cancer augmente, principalement pour la bouche, la gorge, le larynx et l’œsophage. Un risque aussi augmenté pour le cancer du sein avec le vin.
Le magazine spécialisé Swiss Medical Weekly avait résumé les données de plusieurs études en 2014 (voir le tableau). On y découvre qu’une femme buvant quotidiennement un demi-litre de bière ou deux décilitres de vin multiplie par quatre son risque de développer une maladie liée au foie. Cette quantité est pourtant considérée par les autorités sanitaires comme étant «modérée».
Tout le monde n’est cependant pas affecté de la même manière par l’alcool. Certains facteurs peuvent être aggravants, comme la cigarette. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) met d’ailleurs les fumeurs en garde: l’alcool rend les muqueuses de la bouche et de la gorge encore plus sensibles aux substances nocives contenues dans les cigarettes. La conséquence est un risque plus élevé de développer un cancer. Thomas Walser, médecin-conseil pour Ma Santé, ajoute que le système immunitaire des fumeurs est déjà très occupé avec de nombreuses substances toxiques à gérer. L’alcool ne l’aide clairement pas dans ce travail.
Le café diminue le risque de cirrhose du foie
Tout n’est pas pour autant si noir. Il existe des moyens de limiter les dégâts de l’alcool de manière simple. Une tasse de café par jour diminue déjà de 20% le risque de développer une cirrhose du foie. Cette maladie dégénérescente détruit les tissus de l’organe à force de petites cicatrices. Le sport et une alimentation riche en acide folique semblent faire baisser ce risque.
Mais l’abstention est aussi un excellent moyen de permettre à son foie de se refaire une jeunesse (voir nos conseils). Car cet organe robuste récupère rapidement de nos excès éventuels, même après des années d’alcoolisme. C’est ce que souligne Olivier Grehl, médecin-chef auprès de la fondation Santé bernoise: «Je suis toujours autant étonné de voir que des personnes qui en sont à leur quarantième sevrage retrouvent des valeurs normales pour leur foie.» C’est notamment pour cette raison qu’il est très difficile de faire des pronostics précis pour un individu. Et qu’il n’est jamais trop tard pour diminuer sa consommation. «Dès le moment où la personne boit moins ou arrête de boire, son état de santé s’améliore», ajoute Olivier Grehl.
Selon les circonstances, il est d’ailleurs possible de vivre normalement même avec une légère cirrhose, à condition de s’abstenir de boire. Selon Thomas Walser, «les analyses montrent qu’après 20 ans d’abstinence, le risque de développer certains cancers retombe au niveau de quelqu’un qui ne boit jamais.»
Pour de nombreuses personnes, commencer par faire une pause en janvier est déjà un bon moyen de se rendre compte par soi-même des avantages d’une abstinence, que ce soit un meilleur sommeil ou une plus grande efficacité au quotidien.
L’alcool a aussi ses bons côtés
Ces dernières années, plusieurs études sont arrivées à la conclusion qu’une consommation modérée d’alcool permet de réduire les maladies cardio-vasculaires, les attaques cérébrales et le diabète. Spécialement chez les femmes. Un demi-litre de bière ou deux verres de vin quotidiens les font diminuer de moitié selon la publication du Swiss Medical Weekly.
Plusieurs chercheurs se sont donc penchés sur la question de savoir si finalement la consommation d’alcool ne présenterait pas plus d’avantages que d’inconvénients. Et là aussi les résultats sont mitigés. Selon des scientifiques britanniques, 5 grammes d’alcool par jour représenteraient le bon équilibre pour obtenir les plus petits risques de maladies chroniques et de décès liés à ces maladies. Il s’agit de la quantité que l’on retrouve dans un demi-verre de bière. De l’autre côté de l’Atlantique, des chercheurs américains ont analysé 87 études auxquelles avaient participé 3 millions de personnes. Pour arriver à la conclusion que même une consommation modérée d’alcool n’a pas le pouvoir de rallonger la vie.
Ursula Ammann/chp
Conseils: L’essentiel en bref
- Les hommes ne devraient pas consommer régulièrement plus de deux verres de vin ou de bière par jour. Les femmes un seul.
- Choisir des vins bio. Ils contiennent moins de pesticides.
- Aménager des pauses dans sa consommation. Au moins deux jours par semaine et deux semaines par année, janvier étant un mois particulièrement propice après les excès des fêtes.
- Renoncer à toute consommation sur une plus longue période en cas de troubles du sommeil, de vertiges ou de maux d’estomac.
- Boire une tasse de café par jour permet de diminuer le risque de cirrhose du foie.
- Manger une alimentation riche en acide folique, qui limite les effets de l’alcool. On en trouve par exemple dans les légumineuses et les légumes verts.
- Une pratique sportive permet également au corps de mieux résister aux effets négatifs de l’alcool.