Difficile de ne pas la voir! L'affiche, qui s'étalait en janvier sur une surface couvrant trois fois le format mondial, promettait – et c'était «prouvé cliniquement» – des retours de fêtes «tout en légèreté» grâce à reduforte, un médicament «aidant à perdre quatre fois plus de poids*». L'astérisque renvoyait à des caractères quasi invisibles à distance, lesquels précisaient «Par rapport à la formule seule “régime + exercice” Source: «Grube B, et al. (...)»: on y reviendra.
Principe séduisant
Information prise sur le site du distributeur, le principe semble séduisant: l'ingrédient essentiel du reduforte est le clavitanol IQP VV 102, un mélange de plusieurs polyphénols obtenu à partir de plantes, qui réduirait l'assimilation des glucides, des sucres et des lipides, diminuant d'autant leur apport calorique. Séduisant mais pas donné, puisque, à raison de 100 fr. environ pour une boîte de 120 comprimés, il faut compter 150 fr. pour une cure de trois mois.
Pourquoi trois mois? Parce que c'est la durée de l'étude clinique citée en référence, menée, entre 2012 et 2013, par une équipe berlinoise et rapportée, notamment, par la Dre Barbara Grube. Durant 12 semaines, deux groupes de 60 personnes (âge moyen de 42 ans, poids moyen de 83 kilos, 75% de femmes) ont reçu pour instruction de suivre un régime alimentaire où le besoin énergétique était réduit de 20% par rapport à la valeur calculée selon le plan d'investigation clinique établi pour chaque sujet.
Pas de contrôle réel
Les participants ont également été encouragés à augmenter progressivement les activités physiques d'intensité modérée, telles que la marche ou le vélo. Mais notez bien: ils se sont engagés à suivre ce régime et à bouger plus, y ont été encouragés tout au long de l'étude, mais cela n'a pas été strictement contrôlé et les résultats se fondent donc sur des auto-déclarations.
Le premier groupe absorbait, avant les deux repas principaux de la journée, deux comprimés de reduforte, l'autre des placebos. Résultat de l'exercice: les membres du premier groupe ont perdu, en moyenne et après 12 semaines, 3,29 kg, contre 0,83 kg pour celui avec le placebo. D'où l'argument publicitaire: «Aide à perdre quatre fois plus de poids».
Perte étonnamment faible
Si le rapport est exact, le résultat en poids interroge. En réduisant ses besoins de 20% et en augmentant régulièrement son activité physique, une femme de 83 kilos peut raisonnablement espérer perdre un peu plus d'un kilo par mois. «Pas besoin, pour cela, d'un médicament», confirme la Dre Lucie Favre, responsable de la consultation obésité au CHUV. Du coup, on se demande surtout pourquoi le groupe avec placebo a perdu si peu de poids (300 g/mois). Une question à laquelle le distributeur (BioMed) n'a pas su répondre, si ce n'est en évoquant le problème de l'auto-déclaration.
Autre problème, souligné par l'étude mais que le fabricant ne reprend pas dans sa publicité: aucun suivi n'a été inclus pour observer l'effet du médicament sur le maintien du poids. Les auteurs le reconnaissent et suggèrent de nouvelles recherches allant dans ce sens, mais qui n'ont visiblement pas été entreprises entre 2013 et aujourd'hui. «Pourtant, nous sommes là au cœur du problème, commente la Dre Lucie Favre: ces pertes de poids sont non seulement anecdotiques mais aussi éphémères. Car la plupart des régimes hypocaloriques – avec ou sans soutien d'un médicament – provoquent ce qu'on appelle l'effet yoyo: une fois la période de restriction terminée, le sujet retrouve ses anciennes habitudes et les kilos perdus, voire plus. Pour maîtriser son poids, il n'y a qu'une solution durable: adopter une consommation équilibrée, en accordant notamment la place qu'il faut aux légumes et aux fruits. Et augmenter son activité physique.»
Etude financée par le fabricant
Pour la petite histoire enfin, les mêmes auteurs ont signé d'autres études aboutissant à des résultats à peu près similaires pour la carbosinol et le liposinol, deux produits également distribués par BioMed et fabriqués par InQpharm. Et si les auteurs déclarent, comme le veut la coutume dans la recherche scientifique, qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts, ils précisent aussi que c'est InQpharm qui a financé l'étude concernant le reduforte.
Laurent Hêche