A 69 ans, Philippe Cottet roule encore entre 6000 et 10 000 kilomètres par an. Un plaisir que ce cycliste amateur n’a pas eu besoin de sacrifier. Pourtant, son cœur lui a donné quelques sueurs froides. Aujourd’hui la pratique médicale a évolué et les problèmes cardio-vasculaires ne signent plus la fin de toute activité sportive. Au contraire, bouger fait partie du traitement et réduit le risque de récidive.
Pour Philippe Cottet, la première alerte remonte à une dizaine d’années. «Mon pouls s’est soudainement accéléré et a mis du temps à redescendre», se souvient-il. Quatre ans plus tard, il s’effondre alors qu’il roule à vélo. C’est la crise cardiaque. Opéré au CHUV, on lui pose un stent, ce petit tube qui maintient une artère ouverte. En réadaptation, le Vaudois reprend doucement une activité physique sous l’œil d’un médecin. Trois semaines plus tard, il remonte sur un vélo et, petit à petit, retrouve son coup de pédale. Mais son cœur refait des siennes, il sera hospitalisé à deux reprises en 2022.
Si Philippe Cottet n’a jamais renoncé à son sport favori, certaines personnes ressentent de l’appréhension à l’idée de reprendre ou de démarrer une activité physique, après un accident cardio-vasculaire. Pourtant, on sait désormais que bouger régulièrement, même quand on souffre d’un problème cardiaque, apporte d’importants bénéfices pour la santé.
Plutôt restrictif par le passé, le milieu médical a changé d’approche ces dernières années, confirme Vincent Gabus, cardiologue au CHUV: «On n’est pas obligé de se limiter à de la pétanque, toutes sortes de sports sont accessibles. Selon les profils et en fonction de la pathologie, nous pouvons définir un programme personnalisé.»
Dès la réadaptation
Il est même rarissime que le sport soit purement et simplement contre-indiqué. «Après un infarctus, l’activité physique fait pleinement partie de la réadaptation cardio-vasculaire, ajoute Vincent Gabus. C’est un des piliers de la récupération avec les médicaments.» Les patients qui ont subi une opération sont encouragés à bouger dans un environnement surveillé, avec un encadrement professionnel et de manière progressive.
Il arrive que les médecins soient plus restrictifs sur le choix d’une activité physique après un infarctus, quand le cœur est particulièrement à risque ou que la personne présente une insuffisance cardiaque. Dans de rares cas, lorsque le cœur est très mal en point, faire du sport est déconseillé.
Les personnes qui souffrent de maladies cardiaques génétiques font l’objet d’une approche particulière. Chez elles, le risque de faire un arrêt cardiaque durant l’effort est plus élevé. Cela ne signifie pas faire une croix sur toute activité physique. «Selon le risque, nous recommandons certains sports et mettons en garde contre d’autres, précise le médecin. Les études récentes sont plutôt rassurantes, même si on ne peut pas tout prévoir.»
Aussi avec un défibrillateur
Pour établir leurs recommandations, les spécialistes se basent sur les lignes directrices établies par la Société européenne de cardiologie. Désormais, même une personne avec un défibrillateur implanté – qui corrige les anomalies du rythme cardiaque – peut envisager une activité physique, alors que le sport lui était interdit il y a quelques années encore.
Le type d’activité et son intensité doivent faire l’objet d’une évaluation individuelle basée sur différents examens dont certains font partie du suivi habituel des troubles cardio-vasculaires. Parmi eux, l’électrocardiogramme et l’échographie du cœur, mais aussi le test d’effort, réalisé sur un tapis de course ou un vélo.
Six mois après un infarctus, pour autant que la fonction cardiaque soit bonne et que le médecin ne décèle pas de signes d’arythmie lors d’un test, la plupart des sports peuvent être envisagés.
Risque de récidive réduit
Faire travailler son cœur présente plusieurs avantages. A moins d’être un sportif d’élite, la fonction cardiaque elle-même ne va pas s’en trouver drastiquement améliorée. N’empêche, c’est tout le système cardio-vasculaire qui en bénéficie. La pratique d’une activité physique contribue à faire baisser la pression artérielle et le niveau de cholestérol, autant de facteurs de risque de récidive après un accident cardio-vasculaire.
Alors, quel sport choisir? A entendre le Dr Gabus, rien n’est exclu d’office. Une appréciation doit être faite au cas par cas. «Si une activité vous rebute, il y a de fortes chances que vous laissiez tomber après trois ou quatre entraînements», observe le médecin qui insiste sur la notion de plaisir. Des contre-indications existent dans certaines circonstances.
Conseils:
- Les gens qui présentent un risque élevé d’arythmie avec perte de connaissance doivent, par exemple, éviter la nage en eau libre ou l’escalade.
- Ceux qui prennent un traitement pour fluidifier le sang devraient renoncer aux sports de combat pour éviter une hémorragie.
- En cas d’hypertension, il n’est pas judicieux de s’adonner à des activités de force, comme soulever des poids.
Endurance privilégiée
Les sports à privilégier, dans un premier temps après un événement cardiaque, sont les activités d’endurance: course à pied, natation, vélo ou marche soutenue. Elles favorisent un travail cardiaque à une intensité plus basse et uniforme que des activités explosives qui enchaînent les arrêts et les reprises, à l’image du tennis ou du squash.
Reste à augmenter en intensité progressivement, comme l’a fait Philippe Cottet: «Le sport, c’est un peu une drogue pour moi, mais j’y suis allé par paliers avant de récupérer complètement, tout en faisant des contrôles médicaux réguliers.» Et peu importe si lors de ses sorties hebdomadaires avec ses amis, il lui arrive de peiner à la montée: «Je n’en fais pas une maladie.» Dans sa bande de cyclistes, on est bienveillant. Plusieurs ont vécu l’épreuve d’un cœur qui se grippe, mais tous continuent à avaler les kilomètres.
Geneviève Comby