La plupart des additifs – souvent énumérés sous le code E suivi de 3 ou 4 chiffres – ne sont ni nécessaires ni franchement utiles. Mais ils sont pratiques et avantageux, puisqu’ils permettent de colorer un produit, de modifier sa texture, de rehausser son goût ou de mieux le conserver à moindre prix. Cerise sur le gâteau: ils ne sont pas caloriques.
L’industrie alimentaire s’est donc jetée sur eux et les emploie à tout va. Exemple: les biscuits Napolitain chocolat-orange de la maison Lu, en contiennent pas moins de 20, dont la moitié présente des risques conséquents (lire encadré)!
Autorisés mais pas sans danger
L’Union européenne (UE), le plus souvent suivie par la Suisse, tente certes de contrôler cette boulimie commerciale et tient à jour une liste des additifs autorisés sur son territoire, ce qui exclut les autres. Mais les scientifiques sont unanimes à souligner que ceux pouvant être utilisés dans l’industrie alimentaire ne sont pas pour autant sans danger. C’est, notamment, le cas des six colorants azoïques E102, 110, 122, 123, 124 et 129, suspectés de favoriser l’hyperactivité chez les enfants, voire d’être génotoxiques. Mais aussi des E284 et 285, qu’on utilise particulièrement pour la conservation des œufs d’esturgeon, alors qu’ils sont potentiellement reprotoxiques, et donc interdits au Canada et en Australie. Ou encore de la famille des glutamates (E620 à 625) qui cumulent les soupçons (notamment pour les personnes sensibles aux allergies et les femmes enceintes) étayés par maintes études et foisonnent pourtant dans les condiments, assaisonnements, fruits secs et certains spiritueux.
Doses journalières maximales
Or, les comités d’experts chargés d’évaluer la toxicité des additifs rendent leur jugement en consultant les études scientifiques menées dans le monde entier. Quand les données ainsi récoltées le permettent, ils fixent une «dose journalière admissible» (DJA) pour chaque produit, exprimée en milligramme par kilo corporel. Exemple: le DJA du très contesté aspartame est de 40 mg/kg/j, ce qui revient à dire qu’un homme de 60 kilos peut en absorber 2,4 g chaque jour, soit la quantité contenue dans environ 5 litres de Coca zéro. Peu de chance qu’une seule personne en consomme autant en une seule journée! Mais le résultat est logiquement divisé par trois pour un enfant de six ans pesant 20 kilos, ce qui devient plus plausible.
Une limite vite dépassée
Pour illustrer le danger, le magazine des consommateurs belges Test-Achats a calculé ce que ce même enfant doit manger en une journée pour dépasser la DJA (5 mg/kg) de l’additif de la cochenille (E120), un colorant rouge fabriqué avec l’insecte du même nom.
⇨ 1 berlingot de 30 mg boisson à la fraise
⇨ 1 cuillère à soupe 2,5 mg de confiture
⇨ 100 g de saucisse 10 mg
⇨ 2 boules de 15 mg crème glacée
⇨ 20 g de surimi 10 mg
⇨ petites tranches 3 mg de saucisson
⇨ donut 4 mg
⇨ canette de 33 mg limonade (330 ml)
TOTAL 107,5 mg
Comme l’enfant pèse 20 kg, il a donc dépassé la limite des 100 mg. Or, la plupart du temps, les additifs qui sont considérés comme non dangereux au-dessous de la DJA peuvent le devenir à forte dose, même si une marge de sécurité a été prévue. Le E120 est ainsi susceptible de provoquer des allergies alimentaires.
L’effet cocktail
Sans parler des autres additifs que l’enfant a certainement consommés durant la même journée, avec tous les problèmes que représente l’«effet cocktail», c’est-à-dire l’interaction entre différents produits contenus dans un même aliment. Ainsi, les scientifiques ont démontré, lors d’une expérience sur les souris, que l’antioxydant E320 augmente la toxicité pulmonaire du E321 lorsqu’ils sont associés.
Du coup, on se demande s’il est vraiment utile de rendre plus rouge un yogourt ou une glace à la fraise... Et si la réponse est quand même oui, pourquoi ne pas le faire avec un peu de jus de betterave, 100% naturel et qui ne donnera aucun goût?
Laurent Hêche
Application mobile
Les infos dans la poche
D'ici à mi-février, notre partenaire Bon à Savoir aura actualisé son application «Codes E» (iPhone et Android), qui permet de découvrir, pour chaque additif, les risques encourus, mais aussi ses propriétés et dans quel aliment on le trouve le plus souvent.
Il s’agit d’un travail de synthèse mené à l’aide de seize sources soigneusement documentées et très diversifiées. Les informations sont clairement référencées et permettent de donner à chaque additif une couleur allant du vert (sans danger connu) au rouge (à éviter absolument).
Par ailleurs, l’application indique, pour chaque produit, s’il est autorisé en Suisse et dans la Communauté européenne, sa DJA lorsqu’elle est connue et les éventuelles contre-indications pour les personnes suivant un régime (végétarien, gluten, etc.).