Il y a deux ans, Renato Salvini a subi une importante intervention chirurgicale avec la pose de deux prothèses de hanche. Hormis la physiothérapie, il n’a pas pu faire de sport pendant six semaines. «Ma musculature a fondu», confie notre lecteur de 67 ans, originaire de Dänikon (ZH).
Cette situation ne se produit pas seulement après certaines opérations. Dès la cinquantaine, la masse musculaire se réduit, en moyenne, de 1% à 2% et la force de 1% à 5% par an. Et ceci s’accélère au cours des décennies suivantes si l’on ne fait rien.
La perte de force, de masse et de performance musculaire est appelée sarcopénie (lire encadré). Sous sa forme chronique, les conséquences sont majeures: augmentation du risque de chute et de fracture, incapacité progressive à effectuer des gestes du quotidien, perte d’autonomie.
Lorsqu’elle dure moins de six mois, et fait suite à un accident ou une maladie, on parle de sarcopénie aiguë.
Musculation et nutrition équilibrée
Bonne nouvelle: il existe des stratégies pour réduire les risques! «Actuellement, les mêmes mesures sont préconisées pour prévenir la perte de masse musculaire et la sarcopénie, souligne Christophe Büla, Chef du Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique du CHUV. Il s’agit essentiellement d’une combinaison d’activité physique et d’alimentation équilibrée, riche en protéines.»
L’idéal est de ne pas attendre la retraite et de s’y mettre aussi vite que possible! Une étude réalisée par l’Hôpital universitaire de la Charité de Berlin montre, en effet, que les personnes qui pratiquent régulièrement des exercices de fitness et de musculation depuis leur plus jeune âge ont la moitié moins de risques de souffrir de sarcopénie en vieillissant. De surcroît, les chercheurs ont examiné quelque 900 hommes et femmes âgés de plus de 65 ans et constaté que l’entraînement leur profite aussi. «Il est fondamental de savoir qu’à tout âge, on peut gagner du muscle, même à 80 ou 90 ans», souligne Mathieu Saubade, chef de clinique au Centre de médecine du sport du CHUV.
Un avis partagé par André Laszlo, médecin-chef au service de gériatrie de l’hôpital fribourgeois, dans un article paru dans la Revue médicale suisse: «Les bénéfices de la musculation ont été démontrés dans de nombreuses études, y compris chez les seniors. Il existe des protocoles d’entraînement bien codifiés. En général, il s’agit d’exercices à réaliser trois fois par semaine, en laissant un intervalle d’un jour pour la récupération.»
Poids du corps, élastique, haltères…
Il convient bien évidemment d’adapter l’entraînement à ses capacités personnelles et d’y aller progressivement. L’utilisation de charges lourdes n’est pas toujours possible et peut rebuter de nombreux seniors. Pas besoin de se prendre pour Hercule: des études ont montré que la musculation de basse intensité, avec des charges légères et des séries de répétitions plus longues, est également bénéfique.
La pratique devrait se faire, du moins au début, sous la supervision d’un professionnel qualifié, mais il n’est pas indispensable de signer un coûteux abonnement à un fitness. «On peut se muscler, sans aucun appareil, en utilisant le poids du corps, ou encore avec des bracelets lestés, des haltères, des élastiques, etc., relève Mathieu Saubade. Le but est d’augmenter sa masse globale. On veillera à travailler les principaux groupes musculaires du haut du corps, du tronc ainsi que des membres inférieurs et à ne pas se limiter, par exemple, aux jambes.»
«Il est également important de rester actif au quotidien, en prenant les escaliers plutôt que l’ascenseur et en se déplaçant à pied plutôt qu’en voiture. Ce sont des interventions simples, réalistes et facilement réalisables, qui ont un énorme potentiel en termes de bénéfices», rappelle Christophe Büla.
Depuis son opération des hanches, Renato Salvini s’entraîne deux fois par semaine à la maison. «Je me suis aménagé un espace adéquat dans mon sous-sol. Je préfère cela plutôt que d’aller au fitness. Je fais des exercices avec le poids du corps, par exemple des fentes avant, des squats, des pompes et des tractions à la barre.» Le sexagénaire effectue toujours trois séries de 10 répétitions pour chaque exercice. Et ce programme porte ses fruits: «Mes muscles sont redevenus beaucoup plus forts. J’ai remarqué, en skiant, que j’avais à nouveau plus de force dans les jambes. Et à vélo, je peux à nouveau rouler avec des grandes vitesses.»
Retrouvez des exercices dans notre fiche-conseil
A télécharger ici
ou à commander à l’adresse
Ma santé, Avenue de la Rasude 2,
CP 150, 1001 Lausanne
Sébastien Sautebin / Andreas Gossweiler
Musculation à la portée de tous
- Entraîner sa force deux à trois fois par semaine. Choisir les exercices de manière à faire travailler tous les groupes musculaires importants.
- Lors de certaines séances, travailler jusqu’à ce que les muscles soient épuisés. Ils se développeront ainsi plus rapidement.
- Demander à un physiothérapeute ou un coach sportif de composer un programme d’entraînement personnalisé de musculation et d’effectuer un suivi.
- Une nutrition saine et riche en protéines est essentielle. Les muscles ont besoin d’environ 0,8 g de protéines par kilo de poids corporel. Pour une personne de 70 kilos, ceci correspond à environ 200 g de blanc de poulet. Pour les personnes âgées, la recommandation est de 1,2 g/kg.
Dépister la sarcopénie
«Le diagnostic de la sarcopénie se base sur trois critères: une perte de force, qui est l’élément principal, une réduction de la masse ou de la qualité du muscle qui aboutissent à une diminution de la performance musculaire», explique Christophe Büla.
Dans sa forme chronique, la sarcopénie concerne 8 à 12% des hommes et 8 à 13% des femmes de 60 ans ou plus. Ces proportions augmentent avec l’âge. Dans une étude japonaise, près de 21% des hommes et 35% des femmes de 80-84 ans étaient atteints, puis, respectivement, 58% et 43% parmi les 85-89 ans. A noter que la prévalence est plus élevée dans les populations caucasiennes qu’asiatiques.
Les facteurs de risque sont la malnutrition, la sédentarité, les maladies chroniques, le tabac et l’abus d’alcool. La sarcopénie n’est souvent identifiée que lorsque ses répercussions fonctionnelles se manifestent, par exemple suite à une chute.
Des questionnaires permettent de la dépister. Les patients sont interrogés sur d’éventuelles difficultés à porter des charges, à marcher, à se lever d’une chaise ou du lit, à gravir des escaliers, ainsi que sur la survenue de chutes. Afin de mesurer la force, on peut par exemple chronométrer le temps nécessaire pour se lever cinq fois de suite d’une chaise sans utiliser les bras. Il ne doit pas dépasser 15 secondes. Concernant la performance physique, la vitesse de marche sera supérieure à 0,8 m/s. Autre test possible: parcourir 400 m en moins de six minutes.
Il n’existe pas de traitement pharmacologique. Les efforts se concentreront donc sur l’entraînement musculaire et l’apport en protéines.