La période des pollens dure désormais quasiment toute l’année. Bonjour gorge irritée, nez qui coule, yeux qui piquent… Comme si cela ne suffisait pas, les individus qui souffrent du rhume des foins développent souvent des allergies alimentaires. L’allergie croisée est une réaction immunitaire déclenchée par la présence d’un allergène, de structure semblable ou très proche d’une substance à laquelle l’organisme est déjà sensibilisé, même si elles n’ont a priori rien en commun.
Cela peut provenir d’une simple pomme. Les personnes allergiques aux pollens des arbres comme le bouleau, l’aulne ou le noisetier, présentent fréquemment un syndrome d’allergie orale après avoir consommé des fruits de la famille des rosacées (pomme, poire, pêche, cerise, abricot, etc.) et certains oléagineux comme l’amande ou la noisette.
Le système immunitaire ne fait pas la distinction entre les protéines du bouleau et celles de la pomme. Des réactions croisées peuvent également survenir avec le pollen de graminées, mais elles sont moins fréquentes.
Interactions imprévisibles
«L’allergie respiratoire apparaît généralement entre l’âge de 10 et 25 ans. Elle précède toujours celle due aux aliments, qui se manifeste des années plus tard, alors les problèmes respiratoires ont tendance à diminuer», explique François Spertini, médecin-chef au Service d’immunologie et d’allergie du CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois). Décalées dans le temps, ces réactions croisées sont imprévisibles et évoluent au cours de l’existence. Le phénomène est fréquent. Environ la moitié des personnes qui souffrent du rhume des foins deviennent allergiques à un ou plusieurs fruits ou légumes.
On retrouve tout l’éventail des réactions allergiques: picotements dans la bouche, gonflement de la langue et du larynx, difficultés respiratoires, éruptions cutanées. Les symptômes restent la plupart du temps limités à la sphère ORL (oto-rhino-laryngologie). «Les patients ont tendance à rapidement consulter, car la sensation est surprenante et désagréable», fait remarquer François Spertini. Dans de rares cas, une réaction excessive du système immunitaire peut mettre la vie en danger. Les individus à risque doivent se munir d’antihistaminiques et d’une seringue d’adrénaline afin de réagir rapidement en cas de choc allergique (anaphylactique). En quelques minutes, la réaction du système immunitaire peut avoir des conséquences fatales: défaillance des organes, détresse respiratoire et arrêt circulatoire.
Cuire ou bannir
Le traitement repose en général sur l’éviction de l’aliment en question. En cas d’atteintes légères, il n’est pas obligatoire de le bannir, mais il est préférable d’éviter sa consommation dans les endroits isolés et avant ou lors d’efforts physiques. Autre possibilité: cuire les fruits, ce qui conduit à la dénaturation de l’allergène.
La désensibilisation pollinique n’a pratiquement pas d’effet sur l’alimentation: celle-ci a pour but d’aider les patients sur le plan respiratoire, mais pas de leur permettre de manger ce qu’ils veulent, explique François Spertini.
Pour les allergiques sévères, l’alimentation a tendance à devenir une source de stress. Ces patients ont parfois «l’impression d’avancer sur un champ de mines», relève le spécialiste, et s’empêchent d’aller au restaurant. «C’est très limitatif d’un point de vue social.» Pour atténuer cette anxiété et continuer à éprouver du plaisir en mangeant, un dialogue doit s’établir sur la durée avec l’allergologue afin d’identifier ce que l’on peut encore avaler. Et éviter que la diète ne devienne trop restrictive.
Alexandre Beuchat