Maux de tête, douleurs articulaires… Soulager un refroidissement impose souvent de faire un crochet dans une pharmacie. Commander en ligne une boîte de paracétamol et la récupérer dans sa boîte aux lettres serait plus simple. Si le e-commerce a explosé ces dernières années, le domaine de la santé reste un peu à part. Sauf exception, les médicaments ne peuvent pas être vendus par correspondance. Un situation qui pourrait bientôt changer.
Parmi les plateformes internet des chaînes de pharmacies suisses, certaines sont déjà bien achalandées. On y trouve facilement des médicaments d’usage courant, tels qu’une boîte de Dafalgan, un tube de Voltarène ou des pastilles de Neo-angin. En revanche, passer commande sans ordonnance reste voué à l’échec. A moins d’accepter de récupérer son remède... à la pharmacie.
Révision de la loi
Dans notre pays, seuls les médicaments sur ordonnance peuvent être vendus par correspondance par des pharmacies suisses, sur autorisation des cantons (lire l’encadré). Les médicaments remis sans ordonnance, eux, ne peuvent pas être vendus en ligne, contrairement à la pratique de plusieurs pays européens. A Berne, la question est sur la table: une révision de la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) est en discussion.
Certains acteurs du domaine sont d’ores et déjà dans les starting-blocks. C’est le cas de Migros. Le groupe chapeaute les pharmacies Medbase et ZurRose en Suisse. Dans un entretien au quotidien 24 heures début janvier, son directeur, Mario Irminger, citait la vente de médicaments en ligne comme faisant partie de sa stratégie dans le domaine de la santé pour 2025.
Approvisionnement des zones rurales
«De notre point de vue, les médicaments sans ordonnance devraient être disponibles en Suisse via des sources d’approvisionnement en ligne qualifiées, telles que les pharmacies en ligne», précise la porte-parole de Migros Prisca Huguenin-dit-Lenoir. Elle relève, en outre, une contradiction dans la situation actuelle, puisque «la commande en ligne de médicaments sans ordonnance depuis l’étranger est en principe autorisée».
Pour Migros, la vente en ligne de médicaments non soumis à ordonnance présente d’autres avantages: contribuer à sécuriser l’approvisionnement, notamment dans les zones rurales moins bien dotées en officines, et pallier la pénurie de personnel qualifié dans le secteur de la pharmacie.
Le groupe Galenica, dont le réseau englobe les enseignes SunStore, Amavita, Coop Vitality et Redcare/Mediservice, estime que «les clients doivent pouvoir choisir la manière dont ils souhaitent entrer en contact avec nos pharmacies et se procurer leurs médicaments. Dans le même temps, la priorité absolue est de garantir la sécurité des patients, également en ligne». Autrement dit d’assurer que le bon médicament soit délivré avec la bonne indication à la bonne personne et que les risques et les interactions dommageables soient évités.
C’est bien là tout l’enjeu: assouplir les règles en préservant la qualité de prise en charge du patient qui s’approvisionne sur internet. La faîtière des pharmaciens, pharmaSuisse, se dit «ouverte à la vente par correspondance de médicaments, soumis ou non à ordonnance, à condition qu’un conseil professionnel personnalisé et que la sécurité de la médication soient garantis. La qualité des traitements et de la prise en charge doit être de haut niveau, l’origine des médicaments vérifiable à tout moment et répondre aux lois fédérales en vigueur».
La faîtière des pharmaciens distingue encore la vente en ligne du service de livraison à domicile, un service de proximité proposé par certaines pharmacies à des patients connus (malades chroniques, âgés, à mobilité réduite) auxquels elles fournissent un conseil personnalisé direct.
Logique de prix
En comparaison, la vente en ligne serait davantage axée sur une logique de prix et de volume, selon pharmaSuisse qui entrevoit certains risques liés à l’absence de conseils appropriés.
Reste donc à définir un cadre qui allie qualité, sécurité et protection des données. Les pharmacies déjà autorisées à exploiter des officines physiques seront-elles les seules à pouvoir vendre des médicaments en ligne, comme chez nos voisins européens? Quel type d’encadrement devraient-elles mettre en place: un formulaire à remplir ou un échange interactif par téléphone, voire par vidéo, avec un spécialiste? Cet échange sera-t-il obligatoire ou sur demande du patient?
L’Union européenne a, par exemple, créé un logo commun permettant d’identifier les pharmacies autorisées à vendre des médicaments en ligne. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) n’entre pas dans le détail du projet en cours d’élaboration, pas avant que le Conseil fédéral n’ouvre la consultation «d’ici la fin de l’année 2025».
Comment se faire livrer à domicile
Il faut distinguer la vente par correspondance de médicaments sans ordonnance (pour l’heure interdite en Suisse) de celle des médicaments sur ordonnance (qui font l’objet de dérogations). Les cantons peuvent autoriser des pharmacies à expédier ses médicaments. Plusieurs caisses maladie ont d’ailleurs conclu des partenariats avec des officines et proposent des rabais à leurs assurés. Les pratiques peuvent varier d’une pharmacie à l’autre. Par exemple:
➛ Sur les plateformes d’Amavita et Sun Store, les patients peuvent gérer en ligne les commandes de leurs ordonnances renouvelables. Les nouvelles ordonnances doivent d’abord être validées en personne à la pharmacie dans le but de garantir la sécurité des patients.
➛ Chez Mediservice by Redcare, les ordonnances doivent être envoyées par la poste accompagnée d’un questionnaire rempli, pour que les médicaments soient livrés à domicile.
Attention aux frais de port!
En attendant de pouvoir vendre des médicaments sans ordonnance, les plateformes en ligne de pharmacies suisses proposent des produits de parapharmacies. Du savon, de la crème pour le visage et différents produits de beauté: la commande passée par une lectrice de Ma Santé sur le site ZurRose.ch dépassait les 100 fr. Elle pensait donc éviter les frais de port.
Résultat: trois paquets, trois factures, dont deux assorties de frais de port. Parmi les articles commandés, deux laits pour le corps de la même marque ont, par exemple, été envoyés séparément.
La réclamation de notre lectrice auprès de la plateforme a fait long feu. ZurRose.ch explique que des frais d’expéditions multiples s’appliquent si on achète des produits de différentes boutiques partenaires sans atteindre le montant minimum permettant d’échapper à ces frais.
A l’image de bien des sites de e-commerce, ZurRose.ch joue un rôle de «marketplace». Elle vend des produits directement et propose aussi, dans sa vitrine virtuelle, des articles provenant d’autres vendeurs.
Chaque boutique partenaire a ainsi la possibilité de facturer ses frais d’emballage et de port.
En cliquant sur plusieurs produits, le client risque donc de multiplier les commandes pour de petits montants auprès de différents vendeurs qui vont, chaque fois, facturer des frais.
Conseil: Il faut bien ouvrir l’œil avant de valider ses achats. Ces frais de port sont détaillés lorsque l’on ouvre son panier, avant de passer commande. Le ou les vendeur(s) et expéditeur(s) sont mentionnés, ainsi que les coûts d’expédition.
Repérer les sites douteux
La vente de médicaments sur internet est une jungle. De nombreux sites font la promotion de produits douteux en ligne ou par courriels. «L’expérience montre que les médicaments commandés sur internet proviennent souvent de sources illégales à l’étranger et que la qualité des marchandises livrées laisse souvent à désirer», rappelle Swissmedic.
L’organisation de surveillance déconseille de se procurer des médicaments en ligne, à moins que ce ne soit «auprès des pharmacies de vente par correspondance suisses titulaires d’une autorisation d’exploitation cantonale autorisant la vente par ce type de canal».
Pour plus de détails: Guide médicaments et Internet sur swissmedic.ch ➛Médicaments à usage humain ➛surveillance du marché ➛ Importations illégales de médicaments ➛ Guide médicaments et Internet