Le rhume des foins touche 20% de la population suisse. Parmi les allergiques aux pollens, beaucoup sont aussi des automobilistes. Rien à voir? Au contraire. Les médicaments destinés à soulager l’inconfort causé par un nez qui coule, des yeux irrités ou des crises d’éternuement sont en apparence anodins. Pourtant, certains peuvent réduire la capacité à conduire un véhicule.
Ces médicaments sont susceptibles d’induire de la fatigue, d’accroître le temps de réactivité et de générer des troubles de la vision. Ils augmentent donc le risque d’inattention au volant, met en garde le Bureau de prévention des accidents (BPA). Un risque «clairement sous-estimé», pour Nicolas Kessler, porte-parole du BPA. Sans doute parce qu’une partie des traitements contre le rhume des foins est délivrée sans ordonnance. «Ces médicaments semblent anodins, inoffensifs, pourtant leurs effets peuvent présenter un réel danger quand on est sur la route», ajoute Nicolas Kessler.
La notice de certains antiallergiques précise clairement qu’ils peuvent entraîner une baisse de la vigilance, une somnolence accrue, altérer l’aptitude à conduire, par exemple. Encore faut-il la lire attentivement. «Nous recommandons de se renseigner auprès de son médecin ou de son pharmacien, notamment si c’est la première fois que l’on prend un médicament ou si on a déjà ressenti ce type d’effets secondaires par le passé», explique le porte-parole du BPA.
Antihistaminiques, décongestionnants pour les yeux ou le nez, anti-inflammatoires… Toutes les armes à disposition des personnes souffrant de rhume des foins n’ont pas les mêmes «effets collatéraux». Les décongestionnants, sous forme de sprays pour le nez ou de gouttes pour les yeux, ainsi que les anti-inflammatoires à base de corticoïdes, n’ont pas d’effet sédatif tant qu’ils ne contiennent pas d’antihistaminiques. Car ce sont eux qui peuvent provoquer ces fameux coups de mou.
Effet sédatif des antihistaminiques
«Avec les sprays ou les gouttes contenant des antihistaminiques, l’effet est très faible, relativise le Pr François Spertini, médecin allergologue à Lausanne. En revanche, les antihistaminiques sous forme orale, en comprimés, sont susceptibles d’avoir un effet sédatif, même si celui-ci varie énormément d’un patient à l’autre. Il faut en être conscient et faire preuve de vigilance. Vous n’allez pas forcément tomber d’un coup assoupi sur votre volant, mais ces médicaments peuvent accentuer un état de fatigue déjà présent.»
La somnolence peut se faire sentir de manière plus marquée juste après la prise d’un comprimé. Cependant, comme les antihistaminiques sont des médicaments dont l’action dure généralement 24 heures, les effets secondaires peuvent survenir à n’importe quel moment.
Certains antihistaminiques sont, par ailleurs, plus sédatifs que d’autres. C’est le cas des plus anciens comme l’Atarax. Parmi les nouvelles générations d’antiallergiques, ceux qui contiennent de la cétirizine, comme le Zyrtec, ont a priori un effet soporifique plus marqué que d’autres, tels que le Telfastin ou encore le Bilaxten.
Il faut toutefois évaluer cet effet à l’épreuve de la réalité. «Il m’arrive d’être surpris par la réaction de mes patients, confie François Spertini. Je commence habituellement par prescrire un antihistaminique parmi les moins sédatifs, mais certaines personnes me disent que ce traitement les fait somnoler et se révèlent moins sensibles à un antihistaminique plus puissant, censé être plus soporifique.»
Publicités trompeuses
A noter encore qu’il faut se méfier des messages publicitaires véhiculés par certaines marques d’antihistaminiques, comme le Telfastin Allegro, qui garantit un effet «sans somnolence» dans sa communication promotionnelle, alors que sa notice précise clairement un risque de «fatigue et somnolence», sous la rubrique «effets secondaires»…
Prudence donc avant de prendre le volant. Même si les accidents de la route ont souvent plusieurs causes (vitesse, inattention, fatigue, etc.), comme le rappelle Nicolas Kessler qui met surtout en garde contre «l’effet cocktail», ou le cumul de plusieurs facteurs de risque: fatigue, alcool et médicaments (lire l’encadré) pouvant altérer la capacité à conduire.
En cas d’accident, les conséquences peuvent être désastreuses et la responsabilité du conducteur engagée. Car, comme le prévoit la loi sur la circulation routière: «est tenu de s’abstenir de conduire quiconque n’en est pas capable parce qu’il est surmené, sous l’effet de l’alcool, d’un médicament, d’un stupéfiant ou pour toute autre raison.»
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Des milliers de médicaments concernés
Selon le Bureau de prévention des accidents, on dénombre environ 3500 médicaments dont le principe actif peut altérer la capacité de conduire. Parmi eux, des tranquillisants ou des somnifères – dont l’effet peut se faire sentir jusqu’au lendemain, mais aussi des antidépresseurs, des anti-migraineux, des neuroleptiques, des coupe-faim, des régulateurs de la tension artérielle, ainsi que des remèdes vendus sans ordonnance qui peuvent paraître relativement anodins, comme des allergiques ou des antidouleurs. Mieux vaut donc se renseigner auprès de son médecin ou de son pharmacien si on s’apprête à prendre le volant.