Les sportifs les connaissent bien, ces grosses pastilles rondes ou rectangulaires qui fondent dans la bouche en quelques secondes. Nombreux sont les randonneurs qui ne partent pas sur les sentiers sans un tube de sucre de raisin dans leur sac à dos, ou les footballeurs qui en avalent quelques-unes à la mi-temps. Mais de quoi se composent-elles exactement? Sont-elles plus saines que de simples carrés de sucre, et peut-on les consommer sans compter?
0% de raisin
Le sucre de table ou saccharose, qu’il soit blanc ou brun, est un glucide composé de deux molécules: une de glucose et une de fructose. Cette dernière étant présente en grande quantité dans les fruits, on pourrait penser que le sucre de raisin n’est rien d’autre que du fructose. Or, c’est un pas qu’il ne faut pas franchir, puisque le contraire est vrai! Les pastilles de sucre de raisin vendues dans le commerce sont en réalité composées en quasi-totalité de glucose. Elles sont parfois désignées sous le nom de dextrose, la forme la plus courante du glucose dans la nature.
Si ce produit est connu sous l’appellation «sucre de raisin», c’est parce que le glucose a été synthétisé pour la première fois au XVIIIe siècle à partir de ce fruit. L’appellation n’est plus qu’historique aujourd’hui, car le glucose, très facile à fabriquer en laboratoire, est désormais produit en décomposant de l’amidon, par exemple à partir du maïs.
Coup de boost très temporaire
S’il est important de le distinguer du fructose, c’est parce que la différence entre les deux est essentielle: «Le fructose, qui a un grand pouvoir sucrant, fait peu monter la glycémie. C’est tout le contraire du glucose, qui est le sucre absorbé le plus rapidement par le corps, détaille Véronique Di Vetta, diététicienne à la Consultation de prévention et traitement de l’obésité du CHUV. Cette caractéristique le rend très utile pour les diabétiques en état d’hypoglycémie.» Et pour les autres? «Il se destine à toute personne active qui a besoin d’un coup de boost efficace et rapide, du sportif en herbe au randonneur sénior, en passant par l’étudiant, le marathonien ou la mère de famille sous pression», avance le porte-parole de Migros, qui en vend sous sa marque M-Classic. «On peut parler, en effet, de coup de fouet rapide, qui risque tout de même d'être suivi d'un coup de pompe», nuance Véronique Di Vetta. Mais le sportif, lui, en tire-t-il vraiment un bénéfice?
«Par rapport au sucre de table, il n’apporte pas d’avantage significatif sur les performances physiques, réfute Dimitrios Samaras, médecin interniste et nutritionniste à Genève et consultant aux HUG. Selon ses partisans, il est intéressant car l’apport rapide de sucre qu’il provoque permet une prise pendant la compétition plutôt que pendant la préparation. C’est important pour un sportif diabétique, mais pour le commun des mortels, toute utilisation de sucre normal ou sucre de raisin pendant la séance sportive est plutôt inutile.» Même avis chez Véronique Di Vetta, qui y voit tout au plus un moyen de se regonfler le moral. En revanche, en prendre juste avant de s’attaquer à une longue montée de plusieurs heures, par exemple, n’a pas de sens car son effet est trop bref, à moins d’en consommer en continu. «Et là, on s’approche presque du dopage», sourit d’ailleurs la diététicienne.
Pas différent du sucre blanc
Il faut, de plus, éviter d’en consommer trop: «Le sucre de raisin doit être considéré comme du sucre normal et sa prise doit être comptée dans les apports de sucre raffiné», précise Dimitrios Samaras. Soit les fameux 50 g par jour à ne pas dépasser, que l’OMS recommande même de limiter à 25 g depuis quelques années, soit 5% de l’apport énergétique total. Ces quantités maximales sont calculées pour un adulte sédentaire qui a besoin de 2000 calories par jour et augmentent donc chez les sportifs, dont les besoins caloriques sont supérieurs. Mais même dans ce cas, il est plus sain de consommer des sucres non raffinés, c’est à dire des glucides complexes – ceux que l’on nomme encore sucres lents, même si l’appellation n’est pas appropriée: céréales, féculents, etc. «Moins on consomme de sucre raffiné, mieux c’est», conclut Dimitrios Samaras.
Une simple friandise
S’ils ne sont pas inutiles pour se remettre d’un coup de mou soudain, à condition qu’il résulte bien d’un manque de sucre et pas d’un autre facteur – insolation, déshydratation ou hypotension par exemple – , les sucres de raisin n’ont aucune raison particulière de faire partie de l’attirail du sportif comme du randonneur du dimanche, d’autant plus qu’ils coûtent davantage que le sucre traditionnel (lire encadré). Et quand bien même on en trouve dans les pharmacies, «il faut simplement les considérer comme des friandises», résume Véronique Di Vetta. Dès lors, que faut-il prendre avec soi quand on part en balade sportive? Nos deux spécialistes tombent d’accord sur les fruits secs et les oléagineux, en soulignant l’importance d’une bonne alimentation la veille de la sortie et d’une hydratation suffisante pendant l’effort.
Vincent Cherpillod
Combien ça coûte?
Le sucre de raisin fait partie de l’assortiment de base de la quasi-totalité des pharmacies et des drogueries. On en trouve aussi dans les principaux supermarchés (mais pas toujours dans les petites succursales, ni chez les discounters Aldi et Lidl), où il est souvent vendu dans des emballages plus grands.
Un pointage effectué le mois dernier dans plusieurs points de vente montre que son prix varie considérablement, puisqu’il peut passer de 5 à plus de 50 fr. le kilo (voir tableau). Les produits les moins chers sont, toutefois, un peu moins pratiques. La poudre nécessite d’être ajoutée à une autre préparation (boisson par exemple). Les sachets des marques propres de Coop et Migros, eux, ne sont pas refermables, et les pastilles qui s’y trouvent se désagrègent assez rapidement si l’on transporte à plusieurs reprises le cornet entier dans un sac à dos. Mieux vaut en prélever quelques-unes avant chaque sortie.