La saison pollinique bat son plein de début mars à fin mai, accompagnée de ses éternuements en série. Et, sous nos latitudes, la période à risque s’avère encore plus longue: les plantes sont en floraison de... janvier à fin septembre! Soit neuf mois de potentielles rhinites, irritation des yeux, et autres nez bouchés pour les personnes sensibles.
La rhinite allergique (le nom scientifique du «rhume des foins») n’est pas toujours bénigne. Elle affecte le sommeil, empêche certains loisirs (et donc des activités sociales en famille ou entre amis), altère les performances à l’école ou au travail et s’avère extrêmement gênante au quotidien.
Quels moyens d’action? Le point avec Yannick Muller, médecin cadre et responsable de l’Unité allergologique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), et les conseils de aha!, le Centre d’Allergie suisse.
Quand consulter?
Le déclic doit venir en cas d’asthme ou de symptômes à la fois invalidants et persistants. Si la respiration se fait sifflante, si l’on se réveille avec le souffle court au milieu de la nuit, si les activités de la vie quotidienne sont empêchées durant plusieurs jours, il est important d’en parler à son médecin de famille.
Que faire contre les symptômes légers?
Veiller à limiter l’exposition aux pollens (lire «Applications utiles et gestes à adopter»). On ne pourra pas se cloîtrer, des mois durant. Mais il est possible d’adapter ses activités selon la période. On passera ainsi un tour pour le pique-nique en plein champ durant la saison des graminées.
En automédication, on se tournera vers les antihistaminiques vendus en pharmacie, sans ordonnance. Il s’agit de traitements de 2e et 3e génération qui ne produisent, en principe, pas d’effet de somnolence. Il vaut mieux anticiper que réagir et prendre un antihistaminique avant une promenade en plein air, sans attendre que l’allergie ne se déclenche.
Comment préparer mon rendez-vous médical?
Tenez un calendrier des symptômes: notez les dates et périodes auxquelles vous avez réagi et dans quelles situations (lorsqu’on ouvre une fenêtre, lorsqu’on passe à côté d’un parc, etc.). Votre médecin évaluera si ces réactions sont répétitives et constantes au fil des ans. Pour poser un diagnostic d’allergie respiratoire, il faut la combinaison de trois éléments: l’exposition à l’allergène / les symptômes / la présence d’anticorps dans le sang. Les anticorps (l’immunoglobuline E, abrégée «IgE») se détectent avec des tests cutanés et sanguins. Ceux-ci permettront d’identifier l’espèce végétale en cause.
Asthme ou rhinite, quelle différence?
La rhinite allergique affecte le nez et les voies respiratoires supérieures. On parle d’asthme lorsque les bronches et les poumons sont affectés. Les deux peuvent se cumuler.
Faut-il craindre les sprays à base de cortisone?
Parfois, on se verra prescrire un corticostéroïde topique, un spray à base de cortisone. Yannick Muller est formel: il ne faut pas en avoir peur. Les sprays ont une action localisée et n’ont pas d’effet généralisé. L’allergologue recommande de googler la marque et le nom du produit: les sociétés pharmaceutiques proposent de courtes vidéos montrant comment bien manier ces sprays. Une bonne administration permet d’en obtenir de meilleurs résultats, mais aussi moins d’effets indésirables.
La désensibilisation est-elle efficace?
L’immunothérapie allergénique (ou désensibilisation) est le seul traitement qui agit sur les causes des allergies polliniques, note le conseil scientifique de aha!. Elle sera surtout efficace pour les personnes réagissant à un faible nombre d’allergènes. Le traitement réduit les symptômes, voire même les fait disparaître. La désensibilisation a aussi un effet préventif sur l’asthme.
Durant trois à cinq ans, des allergènes polliniques sont injectés sous la peau ou pris sous forme de gouttes ou de comprimés pour habituer le corps petit à petit et lui permettre de limiter les réactions allergiques. Le coût: jusqu’à 2000 fr., pris en charge par l’assurance de base.
Si aucun traitement conventionnel ne fonctionne?
Si les symptômes demeurent, malgré la prévention et les traitements, il est possible de tenter des approches de médecine complémentaire (acupuncture, homéopathie, phytothérapie). A noter que la pollution, les milieux urbanisés et le stress sont des facteurs aggravants. Autant de pistes à explorer, pour se sentir mieux tout au long de l’année et pas uniquement le printemps venu.
Laura Drompt
Applications utiles et gestes à adopter
Plusieurs applications permettent de surveiller les concentrations de pollen en Suisse depuis son téléphone portable: «MeteoSwiss», «Pollen-News» (proposée par aha!) ou «Landi Meteo». Elles permettent d’identifier les périodes à risque, selon les espèces végétales auxquelles on est allergique. Durant ces pics polliniques, les spécialistes du centre aha! suggèrent d’adapter son mode de vie:
Adaptation de l’habitat
- N’aérer que brièvement les pièces. Profiter des périodes de pluie pour aérer à fond
- Installer un filtre à pollen dans la voiture
- Installer un filtre à air (HEPA) dans les pièces où l’on passe beaucoup de temps
- Passer souvent l’aspirateur et nettoyer la poussière
- Ne pas sécher le linge en extérieur
Alimentation
- Eviter les aliments problématiques(lire ci-dessous) dans ces cas: haute saison pollinique; asthme mal contrôlé, maladie; efforts intensifs; période de stress; prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens
- Cuire les aliments qui provoquent des réactions croisées
Habitudes personnelles
- Porter des lunettes de soleil, voire un masque (chirurgical ou FFP2), en extérieur
- Se laver le visage et les cheveux avant d’aller se coucher
- Ne pas se déshabiller dans la chambre à coucher
- Favoriser le sport et les activités en intérieur. Prévoir des pauses et des activités d’endurance légère. Respirer par le nez plutôt que par la bouche durant l’effort
- Pour les randonnées, viser l’altitude, au-dessus de 1200 mètres
Cachez ce kiwi que je ne saurais voir
Réactions croisées: le système immunitaire confond parfois les pollens et les fruits, provoquant des allergies alimentaires. Explications.
Si vous êtes allergique au bouleau ou au noisetier, peut-être ressentez-vous des picotements en mangeant une pomme ou un kiwi. La cause? Vos anticorps confondent la structure moléculaire des pollens et de certains fruits, noix ou légumes. On appelle cela une «allergie orale croisée». Parmi les plus fréquentes: «bouleau-fruits à coques-fruits à pépins» et «armoise-céleri-épices».
Ne pas paniquer et s’auto-évaluer
Que faire, si l’on constate une sensibilité à certains aliments? D’abord, évaluer si les symptômes (irritation, gêne) sont localisés dans la bouche ou s’ils s’étendent sur l’ensemble du corps. Faire la différence entre une «sensation désagréable» et un gonflement effectif du visage. L’allergie orale croisée ne nécessite pas de rendez-vous avec le spécialiste ni de trousse d’urgence. Vous pouvez aborder la question avec votre généraliste lors d’un rendez-vous de suivi. Les symptômes généralisés, en revanche, nécessitent un avis et une surveillance médicale rapides.
Hors urgences, voici les conseils de Yannick Muller, médecin cadre et responsable de l’unité allergologique du CHUV:
- Garder son calme et s’auto-observer.
- Documenter les réactions, noter les aliments et médicaments pris dans l’heure avant la réaction, demander à une tierce personne de prendre des photos de bonne qualité.
- Respecter son seuil de tolérance. Au besoin, prendre un antihistaminique. Les évictions strictes de l’aliment ne sont pas nécessaires (par exemple si de possibles traces sont mentionnés).