Les victimes d’apnées du sommeil ont des voies respiratoires trop étroites. Elles ronflent bruyamment, et leur respiration s’interrompt fréquemment durant la nuit, avec de petites asphyxies d’une dizaine de secondes qui provoquent le réveil. Du coup, elles sont souvent fatiguées pendant la journée et le risque de maladie cardiaque s’accroît.
Une nouvelle approche est récemment venue s’ajouter aux solutions thérapeutiques: la neurostimulation de la langue. «Elle est destinée à certains patients souffrant d’apnées sévères qui ne peuvent pas être prises en charge par les traitements de première ligne», explique le Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois).
Le médecin insère un neurostimulateur sous la peau du patient en dessous de la clavicule relié à un capteur vers les côtes et à une électrode placée dans le cou. Le capteur mesure le rythme respiratoire. S’il détecte une perturbation, il envoie une impulsion électrique à l’électrode afin de stimuler le nerf hypoglosse, qui commande la langue. Cette dernière est alors poussée vers l’avant, dégageant le pharynx. Les ronflements et les arrêts respiratoires deviennent moins fréquents. Le patient active le dispositif avec une petite télécommande avant d’aller se coucher et l’éteint au réveil.
Sous anesthésie générale
Le fabricant étasunien Inspire Medical Systems promet une thérapie efficace et silencieuse. En Suisse, elle est proposée, entre autres, au CHUV et aux hôpitaux cantonaux de Bâle-Campagne et de Saint-Gall.
Certains spécialistes se montrent toutefois critiques. Pour le médecin du sommeil Werner Bauer, «elle ne réduit pas mieux les ronflements que le masque à pression positive continue (CPAP)». Ce traitement de référence consiste à porter, la nuit, un masque qui maintient les voies respiratoires ouvertes en envoyant de l’air avec une légère pression.
Selon Werner Bauer, le patient est exposé à des risques inutiles, en raison, notamment, de l’anesthésie générale pratiquée lors de la pose du dispositif et d’une éventuelle infection.
Le stimulateur doit être contrôlé régulièrement par un médecin et il faut remplacer la pile tous les huit ans. Enfin, cette thérapie est plus coûteuse que le CPAP. Thomas Walser, médecin-conseil de Ma Santé, relèveque «les conséquences à long terme de la neurostimulation de la langue sont encore trop peu étudiées».
Essayer d’abord les autres traitements
Kurt Tschopp, médecin-chef de la clinique du sommeil de l’Hôpital cantonal de Bâle-Campagne, a déjà utilisé plusieurs fois des stimulateurs de langue. Pour lui, «cette méthode est une bonne alternative pour les patients qui ne supportent pas le masque à pression positive». Néanmoins, le spécialiste conseille d’essayer de traiter d’abord l’apnée avec ce dernier. D’autres systèmes comme les orthèses, qui avancent la mâchoire inférieure peuvent aussi aider.
Mais avant tout cela, les patients devraient tenter de perdre du poids, car les masses graisseuses accumulées au niveau du cou rétrécissent les voies respiratoires. En outre, il faudrait éviter l’alcool et la nicotine. On peut aussi travailler les muscles de la gorge et de la respiration sous la direction d’un professionnel. Cela exige de la persévérance, «au minimum vingt minutes par jour», prévient Werner Bauer.
Inspire Medical Systems indique que des études prouvent l’utilité du dispositif. Ce dernier ne doit toutefois être envisagé que si le patient ne tolère pas le masque à pression positive. C’est également la recommandation des associations médicales.
Monique Misteli / seb