Roche a fait homologuer, en 2022, le médicament Vabysmo pour le traitement de la forme humide de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Les personnes atteintes de cette maladie ont de minuscules vaisseaux sanguins qui se forment sous la rétine. Le centre de la rétine – la macula – s’en trouve déformé. La vue diminue de plus en plus. Sans traitement, les malades peuvent perdre une grande partie de la vue en quelques semaines.
Le Vabysmo est injecté directement dans l’œil, sous narcose. Il empêche que de nouveaux vaisseaux n’apparaissent. La nouveauté: il inhibe deux protéines. Les traitements utilisés jusqu’ici n’inhibent qu’une seule protéine, appelée facteur de croissance A.
Malgré cette particularité, les spécialistes doutent de l’utilité du Vabysmo. La préparation n’est pas plus efficace que les médicaments plus anciens. Dans des études, les patients se sont vu administrer, dans une phase initiale, une injection toutes les quatre semaines, puis, selon leur état, toutes les huit, douze ou seize semaines. Après une année, les patients pouvaient distinguer 6,2 lettres de plus qu’au début. En comparaison, les patients traités avec des injections d’Eylea, distinguent en moyenne 5,9 lettres de plus, soit un résultat pratiquement identique. «Une utilité supplémentaire n’a pas été démontrée», constate Wolfgang Becker-Brüser, éditeur d’une revue spécialisée, Arztnei-Telegramm.
Effets secondaires plus lourds
On ne sait pas non plus si le fait d’inhiber une autre protéine apporte un avantage. Une étude dans laquelle le médicament Eylea a été combiné avec le bloqueur supplémentaire n’a pas démontré d’utilité. Il se pourrait que seul le barrage de la protéine également visée par les autres produits soit efficace.
De plus, les effets secondaires peuvent être plus lourds. Les participants aux études ont présenté plus souvent des infections que les patients traités avec de l’Eylea.
Roche affirme que son Vabysmo requiert un nombre moins élevé d’injections. Toutefois, le géant de la pharma ne peut pas le démontrer. Etzel Gysling, éditeur de la revue Pharma-Kritik explique: «Dans les études, l’Eylea a été injecté tous les deux mois sans tenir compte de l’état des patients. La base de comparaison n’est donc pas équitable et il n’est pas possible de dire lequel à une efficacité meilleure ou moins bonne.»
Moins cher, mais pas autorisé
Plusieurs médicaments très onéreux ont été commercialisés ces dernières années. Avant le Vabysmo, Novartis a sorti le Beovu. Problème: avec celui-ci aussi, le risque d’infection est plus élevé.
Les deux médicaments plus anciens, l’Eylea et le Lucentis, agissent de la même manière et montrent une efficacité comparable. Pour Wolfgang Becker-Brüser, le Lucentis est le médicament à privilégier, car il est celui qui a été étudié le plus longtemps.
Tous ces traitements ont un point commun: ils sont très onéreux (voir tableau). Il existe pourtant un médicament bien moins cher qui contient la même substance active que le Lucentis. Ce médicament est l’Avastin. Le hic: ce dernier n’est autorisé que pour le traitement contre le cancer. Son fabricant Roche n’a jamais fait de demande d’homologation pour le traitement de la DMLA humide. Il serait toutefois justifié d’y avoir recours pour soigner la macula, estime le spécialiste Wolfgang Becker-Brüser.
Les médecins pourraient l’injecter, en portant la responsabilité de cet acte. Les patients doivent être informés que l’emploi se fait off-label, c’est-à-dire «hors étiquette», donc en dehors de l’usage admis par l’instance d’autorisation des médicaments. Mais, dans ce cas, les caisses maladie ne les prennent pas en charge.
Remboursement dès 2024?
Alors que l’utilisation de l’Avastin pour soigner la DMLA est courante dans d’autres pays, le sujet occupe la politique suisse depuis des années. Si les médecins pouvaient prescrire officiellement l’Avastin, cela représenterait une économie potentielle de jusqu’à 230 millions de francs par année.
Le Conseil fédéral souhaite rendre possible la prise en charge de médicaments moins chers en dehors de l’utilisation approuvée à la place de médicaments plus coûteux approuvés par Swissmedic. Lors de la consultation achevée en septembre dernier, l’industrie pharmaceutique a fortement critiqué le projet. Le Conseil fédéral devrait prendre une décision dans le courant de l’année en vue d’une entrée en vigueur au plus tôt le 1er janvier 2024, indique l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
En réaction à nos recherches, les fabricants renvoient aux informations spécialisées et pour les patients concernant leurs produits. Novartis écrit que les coûts de des traitements ne peuvent pas être chiffrés étant donné que chaque patient a besoin d’un nombre différent d’injections. Selon Roche, des études ont montré que 60% des patients n’ont besoin d’une injection que tous les quatre mois la deuxième année du traitement. Il souligne qu’une autorisation de l’Avastin pour la DMLA n’apporterait pas d’utilité supplémentaire.
Ces gestes réduisent les risques de contracter la DMLA
- Arrêter de fumer. En effet, la fumée de cigarette augmente les risques.
- Consommer des légumes verts, comme les choux de Bruxelles, le brocoli, le rampon, peut aussi protéger de la maladie.
- Les personnes touchées devraient porter des lunettes de soleil afin de protéger leurs yeux.