Parmi les aléas d’une vie, il est des situations dont on ne sort pas indemne. Une agression, un accident de la route, une maladie grave, un décès brutal ou un accouchement difficile sont autant d’évènements susceptibles d’entraîner des souffrances psychiques invalidantes, notamment un trouble de stress post-traumatique (TSPT ou PTSD en anglais).
L’alerte: quand on ne se reconnait plus
«Ce qui doit alerter, c’est qu’on ne se reconnaît plus, avec un phénomène ‘d’avant-après’. On se sent ménacé, l’humeur, le moral, la capacité à être en relation avec l’autre sont affectés. On n’arrive plus à réfléchir, à se concentrer, à mémoriser. On n’arrive plus à travailler», résume Lamyae
Benzakour, médecin responsable de TraumaCare, la nouvelle consultation de psychotraumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Mécanisme d’un stress mal digéré
Le stress très intense occasionné par l’évènement traumatique affecte le cerveau et provoque notamment une hyperactivation de l’amygdale, qui est le centre de la peur.
Mal digéré, l’évènement revient de manière anarchique, sous forme de cauchemars ou de flashbacks récurrents. Il engendre des angoisses, une agitation intérieure et un repli sur soi. La victime va adopter des comportements d’évitement envers les activités, les situations ou les individus qui lui rappellent le traumatisme. Elle peut développer une vision du monde très négative et se trouver dans un état d’alerte continu.
Le corps réagit aussi
Le trouble de stress post-traumatique ne se limite d’ailleurs pas aux symptômes psychiatriques. «Le corps, lui aussi, va dysfonctionner, observe Lamyae Benzakour. Avec l’apparition de troubles cardio-vasculaires, de douleurs chroniques, d’inflammations et d’hypertension artérielle. La qualité de vie et la santé globale vont être très affectées.»
Il est donc important de rechercher rapidement de l’aide. Les psychothérapies centrées sur le trauma sont particulièrement efficaces (lire encadré).
Les témoins et les proches sont aussi touchés
A l’origine des TSPT, il y a donc l’exposition à un évènement traumatique. «Ce terme inclut tout évènement au cours duquel un individu est confronté à la mort, à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles», explique Lamyae Benzakour.
Le TSPT ne touche pas que les victimes directes de l’évènement. On peut aussi en souffrir lorsqu’on a été témoin d’un accident grave, d’une catastrophe naturelle ou d’un attentat, après avoir appris la mort soudaine, violente ou inattendue d’un être cher, ou dans le cadre de son travail. «Les symptômes s’installent souvent immédiatement, mais il existe parfois une phase de latence, de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, notamment lors d’agressions sexuelles, relève Lamyae Benzakour. Et dans certains cas, les effets sont différés de plusieurs années.»
Essentiel: trouver du soutien
Selon les estimations, 80% de la population est confrontée à un évènement traumatique au moins une fois dans sa vie, mais 8% seulement développe un TSPT. Dans beaucoup de situations simples, les symptômes disparaissent d’eux-mêmes en moins d’un mois. On parle alors de trouble de stress aigu.
Tout le monde n’est pas égal face aux TSPT. Les femmes présentent un risque deux fois plus élevé que les hommes d’en souffrir. Des facteurs de risques et de protection avant, après et autour de l’évènement traumatique, influencent également le développement de symptômes.
Parmi les facteurs de risque figurent les antécédents psychiatriques, les abus dans l’enfance ou encore le degré d’horreur du drame.
Parmi les facteurs de protection, on peut citer le fait d’avoir une bonne gestion du stress. L’entourage joue aussi un rôle fondamental, souligne Lamyae Benzakour: «Dans la phase post-traumatique, être très soutenu socialement, notamment qu’on nous comprenne et qu’on ne nous blâme pas, constituera un facteur de protection essentiel.»
Sébastien Sautebin
Se désensibiliser, face aux souvenirs qui nous hantent
Les psychothérapies centrées sur le trauma sont les plus efficaces pour la prise en charge des troubles de stress post-traumatique. «Nous nous concentrons vraiment sur ce que la personne a vécu et ses symptômes», explique la spécialiste Lamyae
Benzakour. Parmi les thérapies de référence:
L’EMDR
Cette méthode, dont l’efficacité est scientifiquement prouvée, sollicite les sens comme la vue, le toucher ou l’ouïe. EMDR est l’abréviation de «eye movement desensitization and reprocessing», soit une «désensibilisation par le mouvement des yeux». Elle implique des stimulations bilatérales alternées. Comprendre: des sons ou des signaux qui arrivent d’un côté puis de l’autre. Le thérapeute tapote, par exemple, sur les genoux du patient en alternant gauche et droite. Simultanément, ce dernier se confronte volontairement à l’évènement traumatique. Le but est que le souvenir soit libéré de sa charge émotionnelle et qu’il ne se rappelle plus à la conscience de façon inopinée et douloureuse.
Les thérapies cognitivo- comportementales (TCC)
Elles permettent de s’exposer, de manière progressive, au souvenir traumatique et visent l’habituation. Par exemple, le patient écoute un texte qui relate l’évènement. Cela, afin qu’il ressente de moins en moins de détresse à l’évocation du souvenir.
D’autres techniques sont utilisées comme la thérapie sensorimotrice de Pat Ogden ou la méditation en pleine conscience. L’EMDR et les TCC sont des thérapies brèves qui comptent dix à vingt séances. Lors de traumatismes très complexes, la psychothérapie peut durer plusieurs années.