«Docteur, je crois qu’il faudrait faire une IRM.» «Docteur, je pense qu’il me faut une prise de sang.» «Docteur, j’ai besoin d’antibiotiques.» Les patients ont souvent des attentes face à leur médecin et ils espèrent que ce dernier leur proposera tel examen ou tel traitement. C’est une réaction humaine, face à la maladie, le patient veut guérir et il pense que la prise de sang, l’IRM ou les antibiotiques seront utiles. Si c’est souvent vrai, ce n’est pas toujours le cas, certains examens ou traitements peuvent non seulement être inutiles mais dangereux. La prescription d’un tranquillisant à une personne âgée peut par exemple augmenter son risque de chute, un traitement que le professionnel de la santé ne devrait prescrire qu’après une pesée des risques et des bénéfices.
Des études montrent en effet que 20 à 30% des examens réalisés et des traitements prodigués en Suisse n’ont pas de valeur ajoutée, voire qu’ils pourraient avoir des conséquences négatives pour la santé des patients.
Les coûts
Le premier problème est évidemment celui des coûts. Faire une IRM du dos pour un simple lumbago est synonyme de dépense inutile. Une situation qui n’est pas réservée qu’aux examens coûteux: des antibiotiques pour de simples maux de gorge dus à un virus, ne représentent pas une somme importante, mais déjà excessive.
Le citoyen suisse peut avoir le réflexe de se dire qu’au vu du montant de ses primes maladie, il a droit à ces dépenses, une réaction compréhensive mais qui, in fine, ne fait qu’augmenter les coûts de la santé.
L’inquiétude
Un examen inutile peut aussi engendrer de l’inquiétude. Un de mes patients m’avait demandé une radiographie de la colonne cervicale pour des douleurs de la nuque qui étaient pour moi clairement d’origine musculaire. A la 3ème consultation, face à son insistance et à son inquiétude, j’ai accepté de lui prescrire une radiographie. Réponse du radiologue: examen normal mais «il y a tout de même une zone suspecte, un scanner est indiqué». Le scanner aboutira au même résultat: examen normal mais «par sécurité une IRM est conseillée». Ce dernier examen se révélera normal. Le temps d’organiser ces examens, ce patient se sera inutilement inquiété pendant un mois.
C’est une évidence mais un examen ne doit être prescrit, un traitement donné, que s’il modifie la prise en charge du patient.
Les dangers
Au-delà de générer coûts et inquiétudes, certaines interventions médicales peuvent avoir des répercussions négatives sur la santé du patient. C’est dans ce cadre qu’est né, en 2011 aux Etats-Unis, un mouvement qui porte le nom de «Choosing Wisely» (choisir avec discernement). Ce mouvement s’est répandu dans le monde, la version suisse porte le nom de «Smarter medicine» (une médecine plus judicieuse).
L’objectif de cette initiative est de favoriser une discussion ouverte entre le corps médical, les patients et le grand public sur le thème de la surmédicalisation. La concrétisation de cette initiative a été d’établir pour chaque spécialité médicale le «Top 5» des interventions à éviter. Pour la médecine générale ambulatoire, cette liste comprend:
1 Un bilan radiologique chez un patient avec des douleurs lombaires non spécifiques depuis moins de 6 semaines.
2 Le dosage du PSA pour dépister le cancer de la prostate sans en discuter les risques et bénéfices avec le patient.
3 La prescription d’antibiotiques en cas d’infection des voies aériennes supérieures sans signe de gravité.
4 Une radiographie du thorax dans le bilan préopératoire en l’absence de suspicion de pathologie thoracique.
5 La poursuite à long terme d’un traitement d’«inhibiteurs de la pompe à proton» (médicament fréquemment utilisé pour lutter contre l’acidité de l’estomac) pour des symptômes gastro-intestinaux sans utiliser la plus faible dose efficace.
De telles listes existent pour toutes les spécialités médicales, vous les trouverez sur le site smartermedicine.ch.
Avec la participation des patients
La réflexion sur l’utilité des examens et traitements médicaux doit évidemment aller au-delà de ces cinq situations. Pour cela, le mouvement Smarter medicine souhaite une participation active des patients: si les médecins sont les experts de la médecine, les patients sont les experts de leur propre santé. C’est pourquoi ce mouvement a dressé la liste des «5 questions à poser à votre médecin»:
1 Y a-t-il plusieurs traitements possibles? Il existe presque toujours plusieurs possibilités de traitement ou thérapie. Parlez de toutes les options avec votre médecin.
2 Quels sont les avantages et les inconvénients du traitement recommandé? Renseignez-vous sur le bénéfice du traitement recommandé, mais aussi sur le préjudice qui peut en résulter.
3 Quelle est l’ampleur des opportunités et des risques? Vous ne devez pas uniquement connaître les opportunités et les risques d’un traitement. Vous devez également savoir quelle est la probabilité pour qu’ils surviennent.
4 Que se passera-t-il si je ne fais rien? Parfois, on peut attendre. Certaines douleurs peuvent par exemple disparaître d’elles-mêmes.
5 Que puis-je faire moi-même pour ma santé? La responsabilité de sa santé ne se délègue pas facilement. La rapidité avec laquelle vous guérirez dépend aussi de vous. Demandez donc ce que vous pouvez faire très concrètement pour avoir une influence positive sur votre santé.
La meilleure relation entre le patient et le médecin est celle de partenaires. Une discussion ouverte entre deux acteurs qui se respectent est le meilleur moyen de choisir les interventions nécessaires et d’éviter celles qui sont inutiles.
Dr Jean Gabriel Jeannot,
médecin, spécialiste en médecine interne