Les tests sanguins pour les femmes enceintes sont disponibles en Suisse depuis 2012. Ils ont pour but de montrer si un bébé qui n’est pas encore né souffre de troubles chromosomiques. Il s’agit notamment de la trisomie 21, 18 ou 13 (lire l’encadré). Le test peut également déceler des malformations des chromosomes sexuels. Les experts les appellent «tests prénataux non invasifs», TPNI en abrégé. Un seul échantillon de sang suffit. Avant cela, les médecins devaient prélever le liquide amniotique de la femme enceinte afin de déterminer le risque de trisomie, une procédure risquée.
Il y a cinq ans, les laboratoires suisses ont déclaré environ 2000 TPNI à l’Office fédéral de la santé publique. Il y a deux ans, il y en avait plus de 25 000. Une des raisons de cette explosion: une modification dans la prise en charge par les caisses maladie. Dorénavant, les caisses maladie paient les tests si les interventions préalables, telles que la mesure de la clarté nucale et l’échographie, indiquent un risque de trisomie supérieur à 1 sur 1000. Auparavant, ce même seuil de risque était placé à 1 sur 3000, soit trois fois plus élevé.
Les résultats des TPNI sont peu fiables
Les nouveaux tests sont controversés. Les experts dénoncent le fait que les médecins ont augmenté la pression sur les femmes pour que le risque de trisomie soit analysé. Ils donneraient aussi de mauvais conseils à leurs patientes. Franziska Wirz, responsable du centre de consultation Appella à Zurich, déclare: «Beaucoup de femmes concernées ne comprennent pas que le risque est très faible. Par exemple, un risque de 1:1000 signifie qu’il y a 99,9% de probabilité que l’enfant ne présente pas de trisomie.»
«En outre, les médecins devraient d’abord demander à une femme enceinte si elle aimerait avorter si l’enfant devait être handicapé», ajoute Franziska Wirz. Et d’ajouter que «si la réponse est non, il n’y a pas lieu de faire les tests.» Les TPNI coûtent environ 800 fr. En plus, ils ne sont pas complètement fiables. Parfois, ils indiquent un handicap même si l’enfant est en bonne santé. Les statistiques montrent que la valeur prédictive positive (soit la probabilité qu’un résultat positif soit vraiment positif) pour l’ensemble des trisomies oscille entre 80% et 85%.
Cela est dû au fait que le test se fait sur l’ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel, qui provient du placenta et non de l’embryon lui-même. Or, de nombreuses anomalies chromosomiques sont confinées au placenta. Médicalement parlant, le TPNI n’est qu’un test de dépistage et non pas un test diagnostic. La seule analyse pouvant aboutir à un diagnostic confirmé reste l’amniocentèse.
L’impact psychologique d’un faux résultat n’est pas négligeable. Comme pour l’une de nos lectrices, dont l’enfant bougeait trop dans son estomac. Le médecin n’ayant pas réussi à mesurer la clarté nucale avec précision, il a eu recours au test sanguin.
Résultat: l’enfant était supposé être atteint du syndrome de Turner – un trouble rare de la croissance. «J’étais dévastée», explique cette jeune femme aujourd’hui. «Le médecin m’a dit que quatre enfants affectés sur cinq mourraient pendant la grossesse. Ça m’a presque rendue folle.» Le résultat du test s’est avéré faux: elle a donné naissance à une fille en bonne santé.
L’Office fédéral de la santé publique explique que la décision de faire payer le test aux caisses maladie à partir d’un risque de 1:1000 est un compromis entre les considérations médicales et économiques.
Du côté des fabricants, Roche Diagnostics écrit que l’Office fédéral de la santé publique a confirmé la qualité et l’utilité des TPNI. Synlab dit que ces tests sont bien moins coûteux qu’une ponction amniotique.
Andreas Gossweiler/chp
Gros plan: les maladies décelables
⇨ Trisomie 21 (syndrome de Down): le 21e chromosome est triple. Conséquences: rides oculaires, problèmes de vision, perte auditive, déficience mentale légère, malformation cardiaque. Fréquence: environ 1:700
⇨ Trisomie 18 (syndrome d’Edwards): le 18e chromosome est triple. Conséquences: quatre enfants sur cinq meurent avant la naissance ou après quelques jours, des handicaps sévères, des signes précoces de vieillesse. Fréquence: 1:3000 à 1:6000
⇨ Trisomie 13 (syndrome de Patau): le 13e chromosome est triple. Conséquences: de nombreux enfants meurent avant la naissance ou au cours de leur première année de vie, de graves handicaps, des malformations du cerveau et d’autres organes. Fréquence: 1:5000 à 1:1000000
⇨ Monosomie X (syndrome de Turner): les filles n’ont qu’un chromosome X au lieu de deux. Conséquences: la plupart des enfants meurent avant la naissance, petite taille, infertilité. Fréquence: environ 1:2500