Les Suisses ont trop payé pour leur assurance maladie en 2017. C’est ce qui ressort du combined ratio calculé par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Un nom barbare qui permet d’établir le rapport entre les dépenses et les recettes des assureurs. Selon les chiffres que nous avons pu nous procurer, ce ratio est inférieur à 100 dans l’immense majorité des cantons avec une moyenne d’environ 98% à l’échelle nationale. Corollaire, les caisses maladie ont globalement encaissé 2% de primes de plus que les prestations qu’elles ont versées, soit un gain de près de 640 millions.
Vers une hausse modérée en 2018
Cette situation découle de prévisions alarmistes, calquées sur l’évolution des années précédentes. Tandis que les acteurs de la santé tablaient sur une augmentation des coûts de plus de 4%, la hausse a été inférieure à 2% en 2017. Par conséquent, les Suisses ont trop déboursé et les caisses maladie en ont profité pour renflouer leurs réserves déjà excédentaires. Ce qui n’a pas empêché les primes de grimper encore (+4,5% à l’échelle nationale) en 2018.
Un tassement semble se confirmer encore à la lecture du Monitoring de l’évolution des coûts de l’assurance maladie (Mokke) tenu par l’OFSP. Au cours du premier semestre 2018, les dépenses ont dégringolé de 2,9%. Chute qu’il convient de nuancer selon l’OFSP: «L’adaptation du tarif Tarmed a provoqué un retard de facturation des hôpitaux ainsi que des médecins pour l’ambulatoire. Aussi, il n’est actuellement pas possible de déterminer quelle part de cette baisse est due aux retards de facturation et quelle part est liée à la modification du Tarmed», indique son porte-parole, Grégoire Gogniat.
S’il est illusoire de tabler sur un fléchissement massif des coûts de la santé au terme de l’exercice 2018, on peut supposer que la hausse sera modérée. D’autant que les mesures d’économie prises dans le cadre de Tarmed devraient permettre de faire descendre la facture d’environ 470 millions, soit 1,5%. Ajouté aux indicateurs actuels, ce gain supplémentaire laisse supposer que l’augmentation finale des coûts n’a aucune raison d’excéder 2% pour 2018.
Scénario à répétition
Par conséquent, la hausse des primes infligée aux Suisses cette année (+ 4,5% à l’échelle nationale) pourrait se révéler exagérée une fois encore. Scénario qui ressemblerait comme deux gouttes d’eau à celui de 2017. A la clôture de l’exercice 2018, cela signifierait que les caisses pourraient empocher 800 millions (2,5%) de plus que les prestations payées. Ajouté aux 640 millions capitalisés en 2017, leur gain se monterait alors à plus de 1,4 milliard…
Sur cette base, les Suisses sont en droit d’attendre une compensation sur leurs primes en 2019 déjà. Du moins avec les excédents engrangés en 2017 (+2%). C’est une autre chanson avec les probables excédents de 2018, puisque l’exercice ne sera de loin pas bouclé lors de l’annonce des primes 2019, le mois prochain.
Des réserves qui font mal
Quoi qu'il en soit, mieux vaut ne pas se laisser bercer par de faux espoirs. Ce serait oublier un peu tôt les limites du système actuel qui doit être impérativement réformé. On en veut pour preuve les réserves astronomiques des caisses maladie que nous avons déjà dénoncées: en 2016, le surplus cumulé dépassait 2 milliards de francs (lire «Des réserves excessives»). C’est la raison pour laquelle Bon à Savoir soutient pleinement l’initiative visant à accorder la liberté d’organisation aux cantons (lire encadré).
Yves-Noël Grin
Eclairage
Une initiative bienvenue
Le système actuel dysfonctionne, mais aucun nouveau modèle n’a trouvé grâce aux yeux de la population. Après les échecs des initiatives pour une caisse unique (2007) et publique (2014), une nouvelle tentative, plus douce, a été lancée par une large coalition. L’initiative «Pour une liberté d’organisation des cantons» vise à offrir la possibilité – et non l’obligation – à chaque canton de créer une institution cantonale d’assurance maladie. Parmi les nombreux avantages, on citera une prime identique pour tous les assurés d’un même canton en fonction de la franchise choisie ou la disparition du courtage et du démarchage par téléphone. Mais surtout, ce serait la fin des réserves scandaleuses qui font la joie des actionnaires: les augmentations de primes se limiteraient exactement à l’évolution des coûts de la santé. Bon à Savoir soutient pleinement cette initiative qui a encore besoin de signatures! Rendez-vous sur primesplusjustes.ch pour imprimer la feuille ad hoc et poser votre griffe!
Réaction de SantéSuisse à cet article, le 11.09.18
"Les assureurs-maladie n’ont pas d’actionnaires à rémunérer"
Les réserves ne peuvent pas servir à rémunérer des actionnaires. Cela contreviendrait au principe de solidarité ancré dans l’assurance-maladie de base et serait tout bonnement illégal.
Dans votre article, vous écrivez que l’étatisation des assurance-maladie signerait «la fin des réserves scandaleuses qui font la joie des actionnaires» Cette affirmation est complétement fausse: les assureurs-maladie n’ont légalement pas le droit de poursuivre un but lucratif, contrairement aux fournisseurs de prestation. Les réserves ne peuvent donc pas sortir du système de l’assurance-maladie. Elles sont là pour garantir aux médecins, aux hôpitaux ou aux pharmaciens de pouvoir être payés même lorsque les primes ne couvrent pas les coûts. L’Office fédéral de la santé publique surveille étroitement la bonne gestion des réserves. Il veille notamment à ce que les primes couvrent précisément les coûts de la santé et qu’elles ne génèrent pas de réserves excessives.