A l’heure actuelle, le corps médical ne prélève les organes destinés à la transplantation que si le défunt ou ses proches ont donné leur consentement explicite. Une initiative fédérale populaire de la Jeune Chambre Internationale Riviera souhaite changer la donne: toute personne décédée devrait être potentiellement donneur d’organes. Si le futur défunt ne le souhaite pas, il doit annoncer son objection. C’est ce que les experts nomment le consentement présumé. Avec leur projet, les initiants veulent augmenter le nombre de donneurs d’organes. La récolte de signatures est en cours.
La valeur du silence
La déontologue Eliane Pfister Lipp, directrice de l’Institut Neumünster, affirme que la proposition des initiants porterait atteinte au droit fondamental qu’est l’intégrité corporelle: «Même un cadavre ne saurait être utilisé sans un consentement explicite.» Selon elle, le silence ne doit pas être interprété comme un consentement.
Pour Ruth Baumann-Hölzle, directrice de la fondation «Dialog Ethik», le don d’organes est un acte volontaire et doit le rester: «C’est un cadeau.» Le projet d’initiative permettrait aux chirurgiens de prélever des organes sur des personnes contre leur volonté réelle explicite. «Le corps du défunt n’est alors plus qu’un moyen d’arriver à une fin», ajoute-t-elle.
Registre national
Les initiants souhaitent mettre en place un registre national. Toutes les personnes qui ne souhaitent pas faire don de leurs organes après leur décès devraient s’y inscrire. Selon Eliane Pfister Lipp, c’est une mauvaise solution, car il n’est pas acceptable de forcer les gens à devoir agir pour quelque chose de si intime. De plus, même l’Office fédéral de la santé publique doute que le consentement présumé puisse à lui seul avoir un quelconque effet sur le nombre de dons d’organes.
Swisstransplant, la Fondation pour le don et la transplantation d’organes, soutient la proposition controversée avec une contribution de 30 000 fr. Anecdote: Swisstransplant est financée par des fonds publics. La fondation organise la distribution des organes et gère les listes d’attente au nom de la Confédération. Swisstransplant n’a pas seulement donné de l’argent, mais soutient également l’initiative «de par son expertise».
Swisstransplant ne voit aucun problème dans son soutien à cette initiative. Le don d’argent, écrit son directeur Franz Immer, provient du capital de la fondation et correspond à ses buts. Il n’a «aucun lien avec le mandat de prestations donné par la Confédération».
Consentement présumé
L’idée des initiants n’est pas nouvelle: il y a cinq ans, lorsque la nouvelle loi sur la transplantation a été rédigée, les politiciens en faveur du consentement présumé ont échoué face à une majorité de sceptiques dans les commissions et les chambres. Leurs arguments sont restés les mêmes jusqu’à ce jour.
Mélanie Nicollier, porte-parole du comité d’initiative, précise que le texte d’initiative vise à donner de meilleures chances aux personnes en attente d’un nouvel organe. Selon cette dernière, l’initiative ne violerait pas les droits fondamentaux des donneurs, mais les garantirait même «beaucoup mieux». Le registre y contribuerait également. Parce qu’aujourd’hui, dans plus de la moitié des cas, la volonté du défunt n’est pas connue.
Tobias Frey / chp
Manque de donneurs
En Suisse en 2017, 1478 patients étaient en attente d’un organe et 577 transplantations ont pu être réalisées.
40 enfants étaient en attente et seulement 20 transplantations ont pu être réalisées dans cette catégorie d’âge.
Pour le rein, le délai d’attente varie entre 2,5 et 3 ans. Pour le poumon, le cœur et le foie, il se situe entre 6 et 9 mois.
En 2017, 78 personnes sont mortes sur listes d’attente. La plupart d’entre elles avaient besoin d’un foie, d’un rein ou d’un cœur.